Le régulateur français s’inquiète des risques liés à l’endettement

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié lundi sa cartographie des marchés et des risques pour 2021.
Fabrice Anselmi

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié lundi sa cartographie des marchés et des risques pour 2021. Outre le retour à la normale de nombreux indicateurs de marché (volatilité actions, liquidité obligataire…), le régulateur met en avant le maintien des vulnérabilités sanitaires mais aussi économiques et financières. Mais entre des valorisations encore plus élevées, l’hétérogénéité de la reprise en fonction des pays et des secteurs, l’endettement accru, et les possibles sauts d’inflation avec le risque de taux induit, «il s’agit d’un monde d’après bien différent», a insisté Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF.

Le régulateur estime que les risques de stabilité financière restent «très élevés», au même niveau qu’en 2020. Ils sont même pires concernant les risques de solvabilité avec l’accroissement de la dette privée et publique du fait de la crise du Covid-19, et des défauts retardés par les politiques publiques de soutien. Il rappelle que la reprise se déroule pour l’instant dans un contexte de taux idéal, avec une hausse progressive des taux nominaux moins rapide que celle de l’inflation – qui pourrait comporter des facteurs structurels (relocalisations, transition climatique, tolérance des banque centrales). Mais «des taux réels ainsi plus faibles impliquent des aléas en matière d’incitation excessive à s’endetter ou en cas de hausse des taux trop forte par la suite», a ajouté Stéphane Gallon, chef économiste de l’AMF, rappelant le «taper tantrum» provoqué en 2013 par la Réserve fédérale américaine.

A un niveau plus local, l’économiste a rappelé l’hétérogénéité des situations en fonction des secteurs et des entreprises. Par exemple, la dette nette (dette brute moins trésorerie) plutôt réduite et le faible nombre d’ouvertures de procédures collectives en France en 2020 masquent un accroissement de l’endettement privé. Ceci laisse présager une forte hausse des défauts des sociétés non financières, ne serait-ce que pour un «retour à la moyenne» pour toutes les PME n’ayant pas accès aux marchés obligataires, et donc une augmentation des prêts non performants (NPL) dans les banques.

Le contexte reste néanmoins plutôt favorable aux investissements en actions, a priori moins vulnérables à l’inflation que les obligations, malgré une grande dispersion selon les secteurs, et une faible prime de risque sur les actions américaines. L’«exubérance» a gagné certains actifs comme le bitcoin, et porté l’essor des Spac (special purpose acquisition companies), ces structures cotées en Bourse afin de lever des fonds devant être investis ensuite dans des sociétés cibles, mais qui présentent potentiellement des conflits d’intérêts autour de leurs fondateurs. Immobilier, capital-investissement et ETF thématiques présentent aussi leurs propres risques, de valorisations élevées, de levier et de liquidité.

Enjeux post-Brexit

S’agissant du fonctionnement des marchés, l’AMF relève que les conditions se sont très vite normalisées. Les infrastructures ont montré leur résistance à la correction en 2020, mais les incidents opérationnels sur les Bourses et plates-formes de négociation se sont multipliés (hors cyber-attaques dont le risque demeure), de même que les dysfonctionnements de marché ou fraudes notables (Wirecard, GameStop, Greensill, Archegos...). A une question sur le dossier Solutions 30, le régulateur a répondu préférer une situation clarifiée - la société ne pourra faire certifier ses comptes 2020 - aux blocages vécus fin mai en matière d’information du public et de cotation, même si cela ne peut être «satisfaisant».

Quant au Brexit, matérialisé au 1er janvier, il n’a pas eu trop d’effet sur les transactions sur actions en dehors d’un rapatriement forcé sur les plateformes de négociation continentales pour les actions européennes. Mais la double obligation de trading (STO) contradictoire – simultanée de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni – a amené les prestataires (PSI) européens à négocier les produits dérivés sur les plateformes américaines, pour environ un tiers sur les swaps de taux et deux tiers pour les dérivés de crédit.

Le régulateur français rappelle aussi qu’un risque persiste en cas de rapatriement désordonné de la compensation post-Brexit. La Commission européenne (CE) et le régulateur européen (Esma) ont reconnu provisoirement comme équivalents le régime et les chambres (CCP) de compensation britanniques (et vice-versa), mais seulement jusqu’à mi-2022 pour l’instant, avec un coût très important et un risque systémique si les PSI devaient repositionner tout d’un coup leur compensation en euros de dérivés de taux et de changes dans l’UE.

Un autre risque important tient du passage aux nouveaux taux de référence (RFR), qui représentent encore largement moins de 10% des indices utilisés, entre fin 2021 pour la plupart des anciens indices et fin 2023 pour le Libor USD. «Le règlement Benchmark (BMR) a été amendé le 10 février 2021 pour donner à la Commission le pouvoir de désigner un taux de remplacement pour tout indice d’importance critique amené à disparaître ou cessant d’être représentatif à terme», rappelle Kheira Benhami, directrice adjointe de la division Etudes, stratégie et risques.

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