Le régulateur américain va rafraîchir ses règles de «trading»

La SEC pourrait transformer les marchés pour tenter de protéger les investisseurs particuliers.
Fabrice Anselmi

Le président de la Securities and Exchange Commission (SEC), Gary Gensler, a présenté lors de deux conférences, les 8 et 9 juin, les propositions du régulateur américain pour améliorer le fonctionnement des marchés boursiers aux Etats-Unis. Avec un mot d’ordre: améliorer la concurrence. Ces modifications pourraient, si elles sont adoptées, transformer assez profondément la structure des négociations sur les actions et instruments non dérivés régulés par la SEC, affectant les grands intermédiaires lorsqu’ils traitent les ordres d’investisseurs individuels.

La crise du Covid a accéléré le succès de courtiers comme Robinhood ou TD Ameritrade, qui ont pu proposer leurs services pour 0% de frais ou une commission modique. Ils envoient les ordres des particuliers vers des teneurs de marché («market makers»), «grossistes» qui les rémunèrent pour cette liquidité. Les régulateurs ont dénoncé cette pratique de «paiement pour flux d’ordres» (PFOF), potentielle source de conflits d’intérêts si le courtier intermédiaire en tire des bénéfices – ce qui est le cas outre-Atlantique. Moins informés, les particuliers ne voient en effet pas les coûts implicites liés à leurs flux, qui profitent aux market makers sans que ces derniers se confrontent au reste du marché, et ils ne savent donc pas si leur ordre n’aurait pas été mieux traité ailleurs ou autrement.

Aux Etats-Unis, la règle entre les marchés transparents (Nyse, Nasdaq…) organisés autour d’une base de données «pre-trade» commune est de renvoyer l’exécution de l’ordre vers celui d’entre eux qui propose le meilleur prix au niveau national (NBBO). Mais l’essor du hors marché («wholesalers» et «dark pools») et les progrès technologiques ont permis aux transactions «hors Bourses» et aux exemptions (ordres au-dessous de 100 actions) de passer en quelques années de 15%-25% à près de 50% des échanges, a rappelé Gary Gensler. Les teneurs de marché comme Citadel Securities ou Virtu Financial affirment proposer un prix qui s’appuie sur le NBBO même s’ils ne participent pas à sa formation. Et les courtiers retail avancent, pour se justifier, des coûts explicites faibles ou nuls pour les particuliers, mais sans démontrer de bienfaits pour les coûts implicites.

Le PFOF dans le viseur

Après avoir formulé ses propositions sur la divulgation des ventes à découvert, consécutivement aux épisodes GameStop et Archegos, la SEC pourrait donc choisir, cet automne, d’imposer un même niveau de règles entre tous les types de plateformes et d’intermédiaires concernant les ordres de particuliers. L’objectif est que ces derniers puissent interagir avec les ordres institutionnels et être sûrs d’obtenir un prix optimal, au-delà du NBBO, dont le calcul fait l’objet de critiques. Une première idée serait d’imposer une mise en concurrence ordre par ordre pour soumettre davantage de flux retail aux carnets d’ordres transparents, que ce soit «par le biais d’enchères ouvertes et transparentes ou par d’autres moyens, à moins que les investisseurs n’obtiennent des prix médians ou meilleurs», indique Gary Gensler.

Selon les professionnels du trading, la nouvelle règle risque de supprimer la capacité des courtiers à exiger la meilleure exécution ordre par ordre si les «grossistes» sont encore impliqués, ou d’aboutir à des prix moins avantageux sur les ordres moins liquides qui sont jusqu'à présent «packagés» avec d’autres. «La SEC devrait engager tous les acteurs du marché et s’assurer d’une analyse économique complète avant de proposer des changements importants qui nuiraient à la qualité d’exécution des investisseurs particuliers», note Doug Cifu, PDG de Virtu Financial, estimant le coût total à environ 13 milliards de dollars par an.

Par ailleurs, le régulateur américain estime que le paiement pour flux d’ordres peut fausser les décisions d’acheminement des ordres et nourrir les conflits d’intérêts. A défaut d’interdire cette pratique comme au Royaume-Uni, au Canada, en Australie et potentiellement dans l’Union européenne dans le cadre de la révision de la directive MIF 2, la SEC pourrait veiller à limiter et à divulguer toutes les formes de rabais sur les frais accordés aux traders. On peut cependant douter que, même aux Etats-Unis, où ils sont très actifs avec 20% des transactions en 2021, les investisseurs particuliers utilisent vraiment cette transparence. L’industrie n’a pas encore d’idées claires sur la mesure finale, mais redoute qu’un arrêt du PFOF ne change ses modèles et finisse par renchérir la tenue de marché.

Les autres propositions porteront sur une révision de la règle de divulgation de la qualité d’exécution aux courtiers retail, qui date de l’an 2000, et la définition d’une règle de meilleure exécution avec une obligation de moyens. La SEC parle aussi d’homogénéiser les incréments minimums entre deux prix («tick size», ou «pas de cotation»). Aux Etats-Unis, les Bourses n’appliquent que des incréments d’un centime alors que les transactions «hors Bourses» peuvent se faire sur des «pas de cotation» jusqu’à un dixième de centime, ce qui offre dix fois plus de prix et de possibilités d’arbitrage. Le régulateur demandera enfin à revoir les modalités de calcul – modifiées en 2020 – des exemptions aux ordres devant faire l’objet d’enchères NBBO dans les carnets transparents.

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