Le Conseil de l’UE tergiverse autour de la transparence des marchés

La présidence tchèque est sur le point d’imposer un texte qui ne corrigera pas forcément les défauts de MIF 2.
Fabrice Anselmi
Drapeau Europe Bruxelles
La présidence tchèque a rédigé ce qui deviendra la proposition officielle du Conseil si aucun Etat membre n’y trouve à redire.  -  Crédit European Union

Nouveaux revirements pour la révision en cours de la réglementation MIF2. Depuis mi-novembre, la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne (UE) tentait d’imposer un compromis pour ne pas interdire la pratique du «paiement pour flux d’ordres» (PFOF) sur les marchés d’actions. Devant les protestations des Pays-Bas - pour une interdiction totale - et de l’Allemagne - pour une autorisation sans conditions -, la présidence tchèque a réécrit le texte pendant le week-end pour en faire, ce 12 décembre, ce qui deviendra mardi prochain la proposition officielle du Conseil si aucun des 27 Etats membres n’y trouve à redire.

Le PFOF consiste à permettre à une plate-forme de négociation d’être rémunérée par les paiements d’un courtier – et non par ses clients investisseurs naturels - afin de lui apporter des liquidités. La pratique est très critiquée aux Etats-Unis, et même interdite au Royaume-Uni, depuis que des plateformes ont attiré de nombreux particuliers sur des «meme stocks» en leur faisant miroiter des transactions sans frais, mais sans leur permettre vraiment de savoir si leur ordre n’aurait pas été mieux traité ailleurs ou autrement. La Commission européenne avait suggéré de l’interdire dans sa proposition de révision fin 2021. Le Parlement européen restait très partagé sur la question.

La présidence tchèque proposait donc jusqu'à présent de pas l’interdire le payment for order flow à condition de proposer un prix amélioré ou égal au prix offert sur le reste du marché européen au sens large (European best bid offer, EBBO). Mais cette solution impliquait de faire évoluer une autre partie de la réglementation MIF2 dans le sens de ce que veulent les banques intermédiaires - au détriment des Bourses - avec pour les actions l’élargissement de la future base de données post-négociation consolidée (consolidated tape, CT) aux prix offerts en pré-négociation afin que, comme aux Etats-Unis, les participants de marché puissent avoir la vision la plus large possible du meilleur prix européen.

La fragmentation en débat

Finalement, le nouveau texte interdirait le PFOF, avec l’option pour les Etats qui le veulent de continuer à l’autoriser uniquement chez eux. «Ce n’est pas notre option préférée, mais il fallait avancer face à l’impasse politique et a minima définir un terrain de jeu égal que la situation actuelle n’autorise pas», explique-t-on au ministère des Finances à Paris, qui défendait la proposition tchèque initiale. Actuellement, des acteurs du PFOF allemands comme Trade Republic peuvent vendre ce service aux investisseurs français car MIF2 ne l’interdit pas, notamment au nom de la «meilleure exécution», alors qu’un acteur français n’y serait pas autorisé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) au nom des risques de conflits d’intérêts.

En revanche, la proposition tchèque conserve la notion de transparence pre-trade afin de permettre une vue plus large et précise sur l’EBBO. Mais l’élargissement de la consolidated tape aux données pré-négociation continue de poser un gros problème aux Bourses, qui perdraient une partie des revenus liés à leur vente. «Le problème est plus large et mérite d’être débattu, études à l’appui, estime Nicolas Rivard, directeur des données chez Euronext. La révision de la directive MIF2 présente le risque de rater son objectif de réduire la fragmentation et l’opacité des marchés. D’une part, le PFOF doit être interdit car il va à l’encontre d’une approche multilatérale et transparente puisqu’il revient à créer une relation bilatérale exclusive entre un apporteur de liquidité et la plate-forme de courtage ‘retail’. D’autre part, la diffusion des données pre-trade dans la CT et donc d’EBBO risque de renforcer l’exécution à ce prix de référence (exemption à la transparence pre-trade dite ‘reference price waiver’, RPW) sans que les acteurs concernés ne participent plus à la formation des prix.» Autrement dit, les échanges européens passeraient davantage encore par des plates-formes «dark-pools» - qui utilisent l’exemption RPW ou l’exemption «taille de l’ordre» (LIS) - ou par des internalisateurs systématiques, qui ont des obligations de transparence pre-trade limitées. «Sur les deux sujets, c’est un constat d’échec dans la volonté de rendre les marchés plus transparents», poursuit Nicolas Rivard.

«Nous espérons que la proposition initiale sur le PFOF pourra être réintroduite dans le trilogue final», ajoute Bercy. La France assume l’existence d’une part d’échanges non transparents pour garantir la liquidité dans l’UE dans la mesure où elle reste inférieure à celle au Royaume-Uni, et pour maintenir la compétitivité des marchés européens quand Londres veut déréguler encore plus.

Enfin, la dernière proposition tchèque suspendrait l’usage de l’exemption au prix négocié RPW au-dessus d’un seuil unique (single volume cap, SVC) de 10% des volumes échangés pendant douze mois sur l’ensemble des «dark-pools» européens. Un système plus simple et lisible que l’actuel «double volume cap» (DVC). Le texte maintiendrait aussi l’exemption à l’obligation de participation à la consolidated tape pour les petites Bourses. Ce qui ne va pas forcément dans le sens de l’Union des marchés de capitaux (CMU).

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