
Lazard veut doubler de taille à horizon 2030

Peter Orszag n’est pas encore officiellement directeur général de Lazard - il prendra ses fonctions le 1er octobre - mais il imprime déjà sa marque à la tête du groupe. Dans un memo envoyé aux 3.000 employés de la banque d’affaires et gestionnaire d’actifs, qui fête cette année ses 175 ans, l’ancien conseiller de Barack Obama a livré sa vision stratégique à horizon 2030 et dévoilé une salve de nominations.
Celle de Jean-Louis Girodolle sera remarquée à Paris. En plus de ses fonctions actuelles, le patron de Lazard Frères en France pilotera aussi les activités de banque d’investissement du groupe en Europe, en tandem avec Cyrus Kapadia, son homologue à Londres. Autre figure connue à Paris, mais désormais basée à Londres, Alexandra Soto devient responsable des opérations (chief operating officer) pour l’ensemble du groupe. Elle exerçait jusqu'à présent cette fonction pour le métier de financial advisory, qui rassemble le conseil en fusions-acquisitions et les restructurations de dette.
A lire aussi: Les boutiques de M&A paient le retournement du cycle
Peter Orszag, qui ne sera pas remplacé à son poste de directeur général du pôle financial advisory, entend affirmer Lazard comme «la haute banque d’affaires vis-à-vis the world» (sic), selon les termes de son message en anglais. L’objectif est de doubler les revenus du groupe à horizon 2030 par rapport à 2023, qui s’annonce comme un millésime médiocre. «Une progression répartie à peu près à parts égales entre la gestion d’actifs et le conseil», indique le dirigeant. Le résultat net, lui, ferait plus que doubler d’ici à 2030. L’objectif de Lazard est de servir à ses actionnaires un rendement total dividende compris (total shareholder return, TSR) de 10% à 15% en moyenne par an.
L’an dernier, Lazard a engrangé près de 2,8 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) de chiffre d’affaires, provenant à 60% du conseil, mais en retrait par rapport à 2021. Le premier semestre 2023 prolonge ce retournement, avec des revenus en recul de 17% sur un an à moins de 1,15 milliard.
Une «meilleure productivité»
Dans la gestion d’actifs, qui affiche 239 milliards de dollars d’encours fin juin, la croissance viendra en partie du développement de nouvelles expertises, «ce qui pourrait entraîner un certain degré de croissance inorganique», écrit Peter Orszag. Evan Russo, qui a pris les rênes de l’asset management fin 2022, pourrait donc signer des acquisitions, tout en ayant à cœur d’améliorer les performances de gestion et la distribution des fonds.
Côté conseil, «nous avons largement la place pour doubler de taille aux Etats-Unis et en Europe», assure le prochain directeur général de Lazard. A condition d’avoir «une meilleure productivité» par managing director, et «un plus grand nombre» de ces «MD».
Confrontée comme toutes les banques d’affaires au retournement du marché des fusions-acquisitions depuis 2022, Lazard est aussi concurrencée sur des grandes transactions par de nouvelles boutiques indépendantes. Au printemps, le groupe a annoncé la suppression de 10% de ses effectifs cette année, après avoir vu trop grand les deux années précédentes en termes d’embauches. Quelques semaines plus tard, il dévoilait le passage de relais entre Ken Jacobs et son dauphin Peter Orszag.
A ces secousses conjoncturelles, classiques dans un secteur dépendant du cycle économique, s’ajoutent des questions plus existentielles. La gestion d’actifs de Lazard reste de petite taille comparée aux grandes maisons américaines et européennes, au point que des rumeurs de cession ont circulé il y a quelques années. En juin, le Financial Times révélait qu’un fonds souverain d’Abou Dabi avait discuté avec Ken Jacobs d’un rachat du groupe, une option sans lendemain qui a laissé plus d’un banquier d’affaires perplexe, à l’extérieur comme en interne. «Comment voulez-vous conseiller des Etats pour restructurer leur dette si vous appartenez vous-même à un Etat ?» s’interroge un dealmaker.
Enfin, sur le front boursier, l’action Lazard stagne depuis dix ans et fait moins bien que les titres des boutiques américaines Evercore ou Moelis. Certains de ses concurrents préfèrent d’ailleurs se retirer de la cote, à l’image de Rothschild & Co. En incluant les dividendes réinvestis, le total shareholder return annuel est d’un peu plus de 5%, selon les données de Bloomberg. Le plan de Peter Orszag, s’il se révèle à la hauteur de ses promesses, supposerait donc un vrai changement de braquet.
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