
LANCEMENT D’ALERTE - Responsable conformité, le rouage clé

En période de crise sanitaire, les lancements d’alerte peuvent s’accroître dans les entreprises. Avec l’entrée en vigueur le 1er juin 2017 de la loi Sapin 2, la France fait désormais figure de bonne élève en matière de « whistleblowing », assurant une protection aux lanceurs d’alerte souhaitant dénoncer un manquement au sein de leur organisation (mise en danger, fraude, abus de bien social, harcèlement…). La récente étude sur la compliance (conformité) au sein des entreprises, réalisée par l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) en partenariat avec la legaltech Ethicorp, indique à ce sujet que les entreprises tricolores sont aujourd’hui majoritairement pourvues d’un dispositif d’alerte (77,84 %). Les groupes bancaires ne font pas exception, avec quelques spécificités liées au secteur. Parmi elles, le nécessaire déploiement par les établissements financiers de dispositifs autorisant la saisine directe de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour tous les manquements relevant de leur compétence. Au cœur de ce système : le responsable compliance, qui est la principale personne à recevoir et à devoir gérer les alertes.
Au sein du groupe Société Générale, le dispositif destiné à recevoir les alertes a été renforcé avec la loi Sapin 2. Il met davantage l’accent sur la confidentialité. Une petite cellule en charge du traitement des alertes a été créée au sein de l’équipe conformité de la banque afin de le superviser. A sa tête, Edouard-Malo Henry, directeur de la conformité groupe, et Dominique Sauvajon, responsable de la conformité réglementaire. « Nous confions l’identification des alertes à deux personnes dont c’est le métier, formées en interne et préparées à ce poste, et qui viennent nous informer une fois par semaine de ce qui doit retenir notre attention, explique Dominique Sauvajon. A partir de là, nous étudions la recevabilité de l’alerte lors d’une réunion hebdomadaire entre les équipes conformité, les juristes, et si nécessaire les RH ou le corps d’inspection. »
Le Crédit Agricole, certifié par la norme ISO 37001, a également mis en œuvre un certain nombre de dispositions. « Nous avons déployé tout un dispositif anticorruption pour être en conformité avec la loi Sapin 2 », indique Martine Boutinet, directrice de la conformité groupe. « Dans ce cadre, un outil dédié aux remontées d’alertes a été mis en place. Il est aujourd’hui disponible sur l’ensemble de nos sites internet. Cet outil, qui garantit l’anonymat et la protection des lanceurs d’alerte, est administré par les équipes de conformité, avec un référent anticorruption dans chacune de nos entités. » En tant que responsable conformité, Martine Boutinet voit passer l’ensemble de ces alertes et se pose en garante du bon fonctionnement du dispositif. Elle est néanmoins assistée d’une équipe à laquelle elle délègue son pilotage, puis son relais dans l’ensemble des entités du Crédit Agricole. « Si une alerte est particulièrement sensible, elle va me remonter immédiatement, précise-t-elle. A partir de là, je réunis un comité afin que l’on se forge une opinion collective sur le sujet. Une personne seule peut rater certains aspects ; il me paraît donc important de croiser les regards. »
Charge mentale
Outre la charge de travail que représente la gestion des alertes, la charge mentale est également à prendre en considération. D’autant que la fonction est désormais en première ligne sur ces problématiques, avec une position sensible quant à l’attitude à adopter. « La conformité est au cœur de ces sujets d’alertes, atteste le responsable compliance de la filiale française d’une grande banque internationale. Nous sommes aujourd’hui amenés à intervenir sur des problématiques éthiques plus larges comme le comportement répréhensible d’un manager, des manquements aux règles internes de bonne conduite ou tout autre manquement ou violation des lois et règlements. » Pour soulager partiellement le responsable et ses équipes, des comités ad hoc sont donc parfois prévus, comme c’est le cas à la Société Générale. « Notre comité est composé du directeur de la conformité, de celui des ressources humaines, du secrétaire général, de l’inspecteur général et du responsable du programme culture et conduite du groupe, énumère Dominique Sauvajon. Nous pouvons les saisir à tout moment pour une réunion exceptionnelle lorsqu’un cas nous paraît particulièrement grave ou complexe. »
Nicolas Forissier, qui avait dénoncé le vaste système de fraude fiscale chez UBS en 2009 (ce que la banque, qui a fait appel, conteste), suit de son côté de très près les évolutions en matière de lancements d’alerte. Aujourd’hui codirecteur des opérations au sein de la société de gestion Ecofi Investissements, il a également fondé, aux côtés d’autres lanceurs d’alerte issus d’institutions financières, le collectif MetaMorphosis. « Notre but est d’éviter, grâce à notre expérience, que les gens commettent des erreurs dans le lancement d’alerte, et nous les accompagnons avec l’aide d’avocats très sérieux », dit-il. L’un des objectifs poursuivis par le collectif ? « Nous aimerions convaincre les sociétés de venir nous consulter, et pourquoi pas de suivre une formation en interne, pour les responsables ‘compliance’ notamment. » Affaire à suivre.
Plus d'articles du même thème
-
La finance est à la recherche de profils toujours plus techniques
Les études de rémunération cadres 2026 des cabinets de recrutement PageGroup et Expectra, filiale de Randstad, mettent en avant les profils toujours très techniques recherchés dans la finance d'entreprise. -
Novo Nordisk acte ses difficultés en supprimant des milliers de postes
Le laboratoire danois invoque une intensification de la concurrence sur le marché des traitements contre l’obésité pour justifier une restructuration qui entraînera la suppression de 9.000 emplois et des coûts exceptionnels de 8 milliards de couronnes. -
La révision de l’emploi américain entérine la prochaine baisse de taux
Le département du Travail a publié mardi une révision record des créations d’emplois non agricoles (NFP) publiées entre le 1 er avril 2024 et le 31 mars 2025. De quoi conforter la Fed dans sa volonté de baisser les taux le 17 septembre.
ETF à la Une

BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le rachat de Mediobanca menace la fusion des gestions de Generali et BPCE
- L'investissement dans une réindustrialisation circulaire pourrait sécuriser les fonds propres des banques
- Zucman contre Mistral, la France qui perd et la France qui gagne
Contenu de nos partenaires
-
En eaux troubles
Pourquoi Emmanuel Macron se trompe de A à Z sur le compte des socialistes
Les stratèges de l’Elysée se fourvoient doublement : sur le degré supposé de fébrilité des députés PS en cas de dissolution et sur l’importance pour Olivier Faure de ne pas se dissocier des écologistes à six mois des municipales. -
En formation
Après les véhicules électriques, la Chine défie l'Europe et les Etats-Unis dans le transport aérien
L'avionneur chinois pourrait prochainement enregistrer sa première commande à l'étranger pour son C919, concurrent direct de l'A320 et du B737 -
Voitures: les constructeurs chinois à l'offensive pour tenter de damer le pion à leurs concurrents européens sur leur propre marché
Munich - Acheter une voiture chinoise sur les Terres de Volkswagen, BMW et Mercedes? «Et pourquoi pas?», sourit la designeuse allemande Tayo Osobu, 59 ans, déambulant dans la vieille ville de Munich, devenue vitrine géante du salon automobile. Venue de Francfort, elle découvre les plus de 700 exposants, dont 14 constructeurs chinois contre 10 européens, qui tentent de séduire le public avec des modèles high-tech dans toutes les gammes de prix. Sur la Ludwigstrasse, deux mondes se font face. D’un côté, le géant chinois BYD, dont les ventes en Europe ont bondi de 250% au premier semestre, expose ses modèles phares, dont l’un, une citadine électrique, se vend à partir de 20.000 euros. De l’autre, Volkswagen, numéro 1 européen en crise, tente de défendre son territoire malgré la chute des livraisons et un plan social historique. Tayo est impressionnée par les finitions des coutures à l’intérieur d’une voiture BYD. Sur la sécurité, aucun doute: «si elles sont vendues ici, c’est qu’elles respectent les normes européennes», répond-t-elle sans hésiter. Qualité au «même niveau» Les marques chinoises maîtrisent une grande partie de leur chaîne de valeur, des batteries électriques aux logiciels embarqués. De plus, elles bénéficient d’une main d'œuvre moins chère et d’économies d'échelle grâce au marché chinois gigantesque. Et fini la réputation de la mauvaise qualité. «Ce qui a changé en cinq ans, c’est qu'à prix inférieur, les Chinois sont désormais au même niveau sur la technologie et la qualité à bien des égards», résume l’expert du secteur Stefan Bratzel. Pour contenir cette offensive, la Commission européenne a ajouté l’an dernier une surtaxe pouvant atteindre 35% sur certaines marques chinoises, en plus des 10% de droits de douane existants. Objectifs visés: protéger l’emploi sur le Vieux continent, limiter la dépendance technologique et préserver l’image des constructeurs européens. Mais BYD contournera bientôt la mesure: sa première usine européenne en Hongrie doit démarrer sa production dès cet hiver. Il est encore «trop tôt» pour parler d’invasion, estime M. Bratzel. Les marques chinoises doivent encore établir «une relation de confiance» avec le public européen, développer des réseaux de concessionnaires et de service après-vente, explique-t-il. Des acheteurs potentiels le disent aussi: «Si on conduit une voiture chinoise, dans quel garage va-t-on en cas de problème?», s’interroge Pamina Lohrmann, allemande de 22 ans, devant le stand Volkswagen où est exposé un ancien modèle de l’iconique Polo. «J’ai grandi avec les marques allemandes, elles me parlent plus», confie cette jeune propriétaire d’une Opel décapotable, dont la famille roule plutôt en «BMW, Porsche ou Mercedes». «Image de marque» L’image des véhicules reste un point faible, mais déjà une certaine clientèle, jeune et technophile, se montre plus ouverte. Cette dernière est convoitée par la marque premium XPeng, lancée en Chine en 2014 : «Nous visons la première vague d’enthousiastes de la technologie», explique son président Brian Gu sur le salon. Loin de baisser les bras, les constructeurs allemands continuent de «renforcer leur image de marque européenne» avec «un héritage» échappant encore aux entrants chinois, explique Matthias Schmidt, un autre expert. Volkswagen a ainsi rebaptisé son futur modèle électrique d’entrée de gamme «ID.Polo», attendu en 2026 autour de 25.000 euros, pour capitaliser sur la notoriété de sa citadine. Et les Européens imitent les Chinois sur l’intégration du numérique, comme le nouveau système d’affichage par projecteur de BMW, et dans la course à la recharge rapide. Ils adoptent aussi les batteries lithium-fer-phosphate (LFP), moins coûteuses, et intègrent de plus en plus de pièces standards chinoises, afin de réduire les coûts et de combler l'écart technologique, note M. Schmidt. «Ce qui compte, c’est que les fonctionnalités et le prix soient convaincants», note Martin Koppenborg, consultant automobile de 65 ans, bravant la pluie sur un stand de BYD, visiblement séduit. Léa PERNELLE © Agence France-Presse