La transposition des accords de Bâle 3 avancera coûte que coûte

Le gouverneur de la Banque de France a défendu devant l’Assemblée nationale le bien-fondé de l’accord de Bâle 3, malgré la réticence de certaines banques européennes.
Franck Joselin
François Villeroy de Galhau, président de l’ACPR
«Je mettrai toute ma conviction en faveur de Bâle 3», a déclaré François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.  -  Bloomberg

C’est une priorité pour les Etats-Unis, qui devrait aussi le devenir aussi pour l’Europe. La transposition des accords deBâle approche. La réglementation américaine intégrant Bâle 3 est attendue dans le courant de cette année et la Commission européenne devrait présenter ses projets de directive et de règlement en septembre. En Europe, le processus sera certainement plus long qu’outre-Atlantique, car après la publication des projets, le texte sera discuté au Conseil et au Parlement européen pendant plusieurs mois.

Les banques européennes restent réservées sur cet accord, s’estimant lésées par rapport à leurs homologues américaines. Ce n’est pas l’avis de François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France. Dans une intervention devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale, il s’est exprimé sur la transposition de ces accords en Europe. «Je mettrai toute ma conviction en faveur de Bâle 3», a déclaré François Villeroy de Galhau. L’objectif, pour l’Europe est «de reconduire les spécificités que reconnaît la législation européenne pour soutenir l’accès des PME au crédit bancaire et à l’utilisation des dérivés à dessein de couverture», a-t-il précisé.

Pour le gouverneur de la Banque de France, prendre la responsabilité de ne pas transposer l’accord de Bâle 3 dans les législations européenne et nationale, ou en demander un nouveau report, créerait «un danger d’instabilité et un danger d’isolement». «Nous saperions indirectement l’œuvre collective de renforcement de la stabilité du système bancaire international». Par ailleurs, l’ex-dirigeant de BNP Paribas rappelle que «tous les pays, y compris en Europe, sont disposés à transposer». Il a aussi affirmé «qu’il n’y aura pas de Bâle 4».

Les banques bien capitalisées

Le gouverneur de la Banque de France a insisté pour que l’application du plancher en capital des banque (output floor) se fasse de façon «pragmatique» et «consolidée au niveau des groupes bancaires». C’est une condition pour que des rapprochements transfrontaliers puissent avoir lieu. En cas de consolidation au niveau des groupes, la hausse totale des exigences en capital de banques françaises pourrait être ramenée de +17% à +12%. «Cette hausse ne nécessitera pour aucune banque française d’augmentation de capital dédié ou de changement de politique de dividende», a assuré François Villeroy de Galhau. Les banques françaises pourront donc théoriquement faire face à Bâle 3 par l’incorporation d’une part de leurs résultats dans leurs réserves. «Certaines banques ont initié des rachats d’actions, c’est le signe qu’elles considèrent qu’elles ne manquent pas de capital», remarque le gouverneur.

Pas un poids pour l’investissement

Il a par ailleurs précisé que les ratios de capitaux propres des banques françaises ont plus que doublé depuis 2011. «Les banques françaises sont très au-dessus des exigences réglementaires, y compris depuis l’application de Bale 3», a-t-il déclaré. Il juge d’ailleurs «solide» leur situation à travers la crise du Covid, même s’il se déclare rester «vigilant».

Répondant aux interrogations sur les conséquences de Bâle 3 pour le financement de l’économie, le gouverneur constate que «la solidité renforcée des banques ne s’est pas faite au détriment de l’économie française».

Les banques en Europe financent 75% de l’économie européenne et en France, 60%, a précisé le gouverneur. Le crédit aux entreprises a augmenté de 6% par an entre 2016 et 2019. En 2020, il a augmenté de 13,3 % et même de 20,3% pour les PME.

«Rien ne permet d’étayer le fait que Bâle 3 pèserait sur l’investissement en France», insiste François Villeroy de Galhau. «Il n’y a aucun risque pour que Bâle 3 se traduise, en France, par un freinage du crédit aux PME», a-t-il affirmé.

Défense des modèles internes

Sur le fond, l’accord de Bâle 3 de décembre 2017 est un accord «raisonnable», il s’agit même du «meilleur accord possible pour la France et pour l’Europe», a réaffirmé François Villeroy de Galhau. Le gouverneur estime que «cet accord reconnaît les spécificités du modèle bancaire européen». Une de ces spécificités, à savoir la place des modèles internes, a été au cœur des discussions. «L’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) croit à la légitimité des modèles internes pour bien approcher le risque», déclare François Villeroy de Galhau.

Traditionnellement dénoncé par les partenaires de l’Europe, le recours à ces modèles restera plus encadré, ce qui explique l’augmentation plus importante des exigences de fonds propres pour les banques européennes que pour les banques américaines. «Mais ce recours sera pérennisé. Même après la réforme de Bâle 3, le bénéfice que pourront tirer les banques européennes par rapport à l’approche standard restera supérieur par rapport à ce qu’autorise le cadre réglementaire américain», a affirmé le gouverneur.

Et si les standards sont appliqués à davantage d’établissements en Europe qu’aux Etats-Unis, selon François Villeroy de Galhau, «cette question de périmètre n’est pas déterminante pour le secteur bancaire français». Celui-ci est déjà constitué de banques internationales, universelles et déjà soumises aux standards de Bâle comme les banques américaines. «Plus que tout autre pays de l’Union européenne, la France (doit) préserver le cadre réglementaire international qui fixe une concurrence équilibrée», conclut le gouverneur.

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