
Slawomir Krupa doit redorer le blason boursier de la Société Générale

C’est après le séisme de l’affaire Kerviel que Frédéric Oudéa, alors directeur financier, avait été propulsé à la tête de la Société Générale, en mai 2008. Star des dérivés actions et des produits structurés, la banque, qui avait bâti son succès sur les activités de marché, était alors brutalement descendue de son piédestal.
Quinze ans plus tard, la Société Générale n’est plus vacillante, mais elle n’a pas non plus retrouvé son lustre. Elle reste sous-valorisée en Bourse, avec une décote de 65% par rapport à son actif net tangible, loin derrière ses pairs BNP Paribas et Crédit Agricole SA. C’est à ce tournant de son histoire qu’elle change de capitaine. Slawomir Krupa, le patron des activités de marchés, prendra la succession de Frédéric Oudéa à l’issue de l’assemblée générale qui se tient ce mardi 23 mai.
S’il veut réussir, sa tâche sera lourde : il devra réinventer le modèle de la Société Générale pour lui redonner une stature au sein du secteur bancaire européen. En quinze ans, la banque a radicalement changé de physionomie. «Avant la crise de 2008, le modèle de la Société Générale reposait quasi exclusivement sur le succès de sa banque de financement et d’investissement (BFI). Après la dégringolade, elle a dû diversifier ses sources de revenus, dans un univers où les contraintes de capital se sont accrues», analyse Antonio Roman, gérant actions banques européennes chez Axiom AI. La taille de la BFI a été réduite et la culture des risques et de la conformité s’est considérablement améliorée. Dans le même temps, sa rivale d’antan, BNP Paribas, est montée en puissance sur la BFI, dont elle a fait le cœur de son réacteur, y compris en développant des activités plus risquées, comme les services aux hedge funds (prime brokerage). Une recette qui s’avère gagnante à en juger par ses résultats record.
Des années de restructuration
Alors que les premières années de son mandat ont été consacrées à la gestion de crise, puis à la restructuration de la banque, Frédéric Oudéa n’a entrepris que très tardivement la mise en place de nouveaux projets stratégiques. La fusion des réseaux Société Générale et Crédit du Nord au sein d’une nouvelle banque de détail, SG, source d’économies de coûts considérables, vient seulement d’être concrétisée, bien après la restructuration opérée dans les autres réseaux français. Avec sa filiale ALD, qui vient de boucler, ce 22 mai, le rachat de son concurrent LeasePlan, la Société Générale mise sur le leasing automobile, source de revenus additionnels, pour devenir «le troisième pilier du groupe».
La direction est-elle claire aux yeux des investisseurs ? «La Société Générale est une banque avec un nom et un ADN forts. Elle a survécu à de nombreuses crises depuis sa privatisation. Elle a toujours su se relever en saisissant l’opportunité de se réinventer. A l’exception de la dernière crise. Frédéric Oudéa a joué en défense, mais il n’est pas repassé à l’attaque ensuite», déplore un ancien banquier, sous couvert d’anonymat. Ce dernier, qui a travaillé pour la banque rouge et noire pendant une décennie, regrette même que la banque ait «perdu son identité». «Quand on pense à la banque de détail en France, on pense aux mutualistes, comme le Crédit Agricole ou BPCE. Quand on pense à la BFI, on pense à BNP Paribas. Où se situe la Société Générale ?», détaille-t-il.
Repasser à l’attaque
Slawomir Krupa – qui est un pur produit de la banque et a fait ses classes au sein de l’inspection générale, sa moelle épinière – ne pourra pas renverser la table dans les deux ans à venir. Avant d’écrire sa propre feuille de route, dont les grandes lignes seront dévoilées en septembre, il devra d’abord s’atteler à poursuivre le travail de diversification entrepris par Frédéric Oudéa lors de la fin de son mandat et gérer le développement des nouvelles activités, tout en tenant les objectifs financiers annoncés. La Société Générale a annoncé viser un rendement de ses fonds propres (ROTE) de 10% en 2025 et un ratio de solvabilité core tier one (CET1) de 12%.
Il lui faudra ensuite repartir à l’offensive. En tant que patron de la BFI, Slawomir Krupa a déjà imprimé sa marque. Il a entrepris de réduire la volatilité de ses revenus et de diversifier son activité. Il a ainsi scellé un partenariat avec l’américain Alliance Bernstein pour redonner à la Société Générale ses lettres de noblesse dans le courtage actions et partir à l’assaut du marché américain.
A lire aussi: La Société Générale veut regagner du galon dans le courtage actions
«L’avenir de la Société Générale devrait plutôt s’écrire à l’échelon paneuropéen. Des banques restent sous-valorisées, cela va créer un marché à deux vitesses et des opportunités à saisir», estime un fin connaisseur du secteur. La Société Générale s’est jusqu’ici construite par croissance organique, perpétuant l’entre-soi à son sommet. «La banque a toujours eu beaucoup de mal à intégrer des personnalités venues de l’extérieur», témoigne un ancien. En installant un nouveau comité exécutif rajeuni et féminisé, Slawomir Krupa a fait venir trois recrues de l’extérieur, dont la Sud-Africaine Laura Mather, issue de Credit Suisse, pour prendre la direction des opérations (COO). Une première rupture.
A court terme, il devra surtout soigner les actionnaires de la banque, alors que, sur les cinq dernières années, la performance de son cours de Bourse est de 24 points inférieure à celle de Crédit Agricole SA, et de 48 points en deçà de celle de BNP Paribas. La Société Générale, qui a promis de redistribuer 50% de son résultat net d’ici à 2025, vient d’obtenir l’autorisation de la Banque centrale européenne (BCE) pour un programme de rachat d’actions de 440 millions d’euros.◆
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