
La Société Générale cherche encore sa boussole

La Société Générale a assez déçu les investisseurs par le passé pour que Slawomir Krupa s’abstienne de leur promettre monts et merveilles. Mais de là à ce que le cours de l’action plonge de plus de 11% en Bourse le jour de la présentation de son plan stratégique 2026, il y a un pas que le nouveau directeur général de la banque aurait préféré ne pas franchir. En une séance, le titre a effacé tous les gains engrangés depuis la prise de fonction fin mai du successeur de Frédéric Oudéa. Et une partie des espoirs placés en lui.
«Réalistes» et «crédibles», selon les mots de Slawomir Krupa, les objectifs du groupe n’ont rien d’enthousiasmant. Certains sont même moins ambitieux que ceux du plan précédent, qui courait jusqu’en 2025. La croissance des revenus, de 0% à 2% par an de 2022 à 2026, s’annonce sans relief. La rentabilité des fonds propres tangibles, attendue entre 9% et 10% à horizon du plan, marque un recul par rapport aux 10% que la Société Générale espérait dégager en 2025. A ce niveau-là, la banque aurait peine à rémunérer son coût du capital, et détruirait donc de la valeur. Le taux de retour aux actionnaires, de 40% à 50% du résultat net, est inférieur aux 50% promis jusqu’alors.
Flou sur les cessions
C’est sur son objectif de fonds propres durs et sur ses réductions de coûts, estimées à 1,7 milliard d’euros, que la Société Générale se montre mieux-disante. Pas assez pour impressionner les analystes, dont beaucoup avaient relevé ces dernières semaines leurs objectifs de cours en prévision de cette journée. «Nous apprécions l’attention accrue portée aux coûts et l’approche prudente en matière de recettes, notent les analystes de JPMorgan. Cependant, les nouveaux objectifs impliquent une baisse des prévisions de revenus du consensus, et il faudra du temps pour que l’action intègre l’amélioration des charges, compte tenu de l’historique mitigé de la Société Générale.»
«Les marges de manœuvre de Slawomir Krupa sont limitées et il ne peut pas trop promettre, nuance un ancien cadre dirigeant de la banque. Son défi va désormais consister à annoncer, trimestre après trimestre, des performances supérieures à la trajectoire du plan et de nouvelles initiatives de création de valeur. » Par exemple des cessions d’actifs, au sujet desquelles le directeur général a entretenu le flou lundi.
Le flou, c’est aussi ce qui caractérise la stratégie de la Société Générale et ses relais de croissance depuis une quinzaine d’années. A la veille de la crise financière de 2007 et de l’affaire Kerviel, la banque rouge et noire se posait en outsider de luxe de BNP Paribas, sûre de ses forces et portée par l’intérêt spéculatif. Sa banque d’investissement, en particulier les dérivés actions dont elle était leader mondial, faisait l’envie de ses concurrents. Sa banque de détail à l’international ne cessait de s’étoffer.
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Des concurrents en embuscade
Sous l’ère Oudéa, la Société Générale a dû, contrainte et forcée, se recroqueviller et observer ses concurrents la distancer. Elle est toujours une puissance des dérivés actions, mais a limité ses ambitions dans des activités de marché par nature volatiles. Elle a cédé sa gestion d’actifs au Crédit Agricole, est sortie de nombreux pays, Russie en tête. Son réseau d’agences, l’un des plus beaux de France, subit, comme ses concurrents domestiques, le choc de taux, avec un stock de crédit immobiliers à taux fixe et des ressources plus chères en raison du poids du Livret A. Et pour les moteurs de croissance ? Boursorama, sa banque mobile, vient de retrouver le chemin des bénéfices et apparaît comme une option convaincante. Ce n’est pas le cas d’ALD, la filiale cotée de location automobile, qui a acheté le néerlandais LeasePlan au prix fort avant la remontée des taux. Le plan stratégique 2026 d’ALD, dévoilé lui aussi ce 18 septembre, a fait un flop en Bourse.
Si la «SG» ne démontre pas sa capacité à créer seule de la valeur, la question de son adossement se posera à nouveau, même si les obstacles réglementaires aux grands mariages bancaires restent nombreux. A 0,4 fois son actif net, la Société Générale vaut moitié moins que les neuf grandes banques européennes auxquelles elle se compare lundi dans sa présentation aux investisseurs. Parmi ces concurrents, BNP Paribas, le Crédit Agricole, l’espagnole Santander ou l’italienne UniCredit trouveraient dans le portefeuille d’activités du groupe, valorisé 19 milliards d’euros en Bourse, de quoi justifier un rachat. «Slawomir Krupa vient de disqualifier le précédent plan stratégique, qui avait été approuvé par le président Lorenzo Bini Smaghi et le conseil d’administration en place, observe l’ex-cadre dirigeant. Il a douze à dix-huit mois pour convaincre que son nouveau plan fonctionne. »
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