
La réforme européenne du traitement des données de marché bute sur l’obligataire

L’épisode autour de la révision de la réglementation MIF2 va être bloqué encore un moment autour de la création de bases de données post-négociation consolidées sur les instruments financiers (consolidated tape, CT). Afin d’améliorer la transparence post-trade, la réglementation impose depuis 2018 aux Bourses historiques et aux plateformes de négociation alternatives (MTF) de publier gratuitement, après 15 minutes, les données sur les transactions auprès des brokers, des fournisseurs de données et donc de consolidated tapes, qui restent à créer mais n’ont jamais trouvé de modèle viable.
Les propositions des colégislateurs (Commission, Parlement et Conseil de l’Union européenne, UE) portent bien sur la création de quatre bases (actions, ETF, obligations, dérivés), privées et sélectionnées pour cinq ans par l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) afin de publier les données post-trade «en temps quasi-réel». Mais les débats du 10 octobre à la Commission des affaires économiques et monétaires (Econ) du Parlement ont encore montré, comme début septembre après la proposition de la présidence tchèque de l’UE, d’importantes divergences sur la question d’élargir la transparence aux données pre-trade pour les actions.
Quels reports adéquats ?
Le 5 octobre à la conférence Fixed Income Leaders Summit (FILS), le directeur de l’unité Marchés de valeurs mobilières de la Commission a mis en évidence les résistances autour de la création d’une base sur les obligations, pourtant la plus urgente selon lui : «Les obligations sont, contrairement aux actions, moins fréquemment négociées, avec des transactions souvent plus volumineuses et une forte résistance à montrer les prix alors que les titres sont toujours dans les livres de trading, il y a donc très peu de transparence sur les prix exacts. Il y a beaucoup de questions ouvertes, et je ne pense pas que nous aurons fini (ce chantier) d’ici à la fin de l’année», a déclaré Tilman Lueder, renvoyant déjà à la présidence suédoise de l’UE en 2023.
La principale question porte sur la durée des reports de publication sur les prix et les volumes. Les colégislateurs semblent d’accord sur un report maximum jusqu’à la fin de la journée de négociation sur le prix, avec une publication en temps «quasi-réel» pour les petites transactions (3 millions d’euros sur les obligations «high yield» ; 5 millions sur les obligations «investment grade»). En revanche, la Commission prône toujours un report jusqu’à 2 semaines sur les volumes pour les très grandes transactions sur lesquelles le délai peut affecter la liquidité, alors que le Parlement penche pour un report jusqu’à 4 semaines, avec un calibrage précis des tailles concernées par l’Esma. Tilman Lueder déplore le risque d’un allongement progressif des délais de report, qui pourrait rendre la base de données commercialement non viable.
Autre point d’achoppement : la publication a posteriori des cotations indicatives, selon lui nécessaire pour donner la direction du marché. «Je suis toujours étonné par le mur de résistance à ce sujet, a-t-il indiqué. Les cotations indicatives sont jugées peu fiables ou significatives en Europe, les marchés ne souhaitant pas qu’elles soient ainsi consignées. Nous sommes très surpris, car aux Etats-Unis, nous voyons exactement le contraire : les cotations indicatives des grandes maisons de trading sont très fiables, bien plus que les prix des transactions datant de plus de deux jours. A notre avis, refuser les cotations indicatives n’est pas la bonne voie à suivre.»
Obligations souveraines ?
Alors que la Commission, dont les propositions ne couvrent que les obligations d’entreprises, examine la possibilité de créer une base similaire pour les obligations souveraines, l’Association européenne des marchés financiers (AFME) a présenté jeudi 13 octobre le deuxième volet de ses travaux sur la nécessité de conserver des délais de publication importants sur les volumes afin de ne pas nuire à la liquidité. Le premier rapport prônait un calibrage plus précis des contraintes sur les obligations d’entreprises - dont seulement 8% des transactions en nombre font déjà l’objet d’une publication en temps réel. Ce deuxième rapport indique que les obligations souveraines connaissent déjà un degré élevé de transparence en nombre - 76% des transactions -, mais avec une bien moindre qualité des données à cause de normes que le régulateur doit essayer d’améliorer. Par ailleurs, l’AFME considère que 60% des transactions sur des plateformes européennes concernant des obligations souveraines américaines ou britanniques, cela limite la visibilité sur les seules obligations souveraines de l’UE sur lesquelles devrait donc se cantonner l’obligation de transparence.
Enfin, comme pour les obligations d’entreprises, les délais de traitements sont très différents entre les petites transactions, celles de plus de 6,5 millions d’euros (1 à 12 jours), celles de plus de 20 millions (2 à 65 jours), celles de plus de 100 millions (7 à 292 jours)… avec des écarts énormes selon la liquidité quotidienne, la taille de la souche, l’échéance, l’émetteur, etc. En conséquence, l’Afme insiste sur le fait que, là aussi, il doit revenir à l’Esma de calibrer soigneusement les durées de report devant permettre d’éviter un risque indu pour les teneurs de marché, potentiellement trop négatif pour la liquidité.
Plus d'articles du même thème
-
Les fonds d'actions Amérique du nord à la loupe #48
L'économie américaine fait preuve d'une belle résilience. Les meilleurs fonds de la catégorie en profitent et affichent des performances à deux chiffres sur un an, voire approchent les 100 % sur cinq ans... -
Le premier ministre japonais entend changer la dynamique du marché local de la gestion d’actifs
Le premier ministre japonais Fumio Kishida a assuré, lors d’un discours à l’Economic Club of New York en date de jeudi 21 septembre, que son gouvernement allait « encourager la gestion d’actifs sophistiquée et solliciter les nouveaux entrants sur le marché » pour transformer l’épargne des ménages japonais en investissements, relate Reuters. -
Le régulateur chinois surveille les hedge funds quantitatifs
Les activités de certains hedge funds quantitatifs ont attiré l’attention du régulateur chinois des marchés financiers, China Securities Regulatory Commission (CSRC), selon Reuters, qui s’appuie sur des sources anonymes.
Sujets d'actualité
- Société Générale : le mythe têtu de la «création de valeur»
- La Société Générale dévoile des ambitions décevantes pour 2026
- Après les années Oudéa, Slawomir Krupa met la Société Générale au régime sec
- L’ancien patron de la Bred, Olivier Klein, arrive chez Lazard
- La zone euro se dirige vers la récession
Contenu de nos partenaires
-
Exclusif
Séisme au Maroc: dans les coulisses du jour le plus long de Mohammed VI
L'Opinion a reconstitué les premières heures post sinistre du roi du Maroc pour répondre à la catastrophe naturelle la plus mortelle de son règne -
Spécial Pologne
« Les Russes veulent revenir » - la tribune d'Eryk Mistewicz
« Il y a 30 ans, le dernier soldat soviétique a quitté la Pologne. À en croire les idéologues de Poutine, les Russes aimeraient aujourd'hui retourner en Pologne et dans toute l'Europe centrale. Nous faisons tout, nous, Polonais et Ukrainiens, Français aussi, tous en Europe et aux États-Unis, pour les en empêcher », explique le président de l'Instytut Nowych Mediówryk. -
Editorial
Antonio Guterres, le prophète de malheur qui ne fait peur à personne
Le Secrétaire Général de l’Onu va crescendo dans les prévisions apocalyptiques