
La fusion Société Générale-Crédit du Nord à l’épreuve du défi social

La fusion entre la Société Générale et le Crédit du Nord vient d’entrer dans le dur. Après avoir opéré les deux bascules informatiques des neuf banques du Crédit du Nord vers le nouveau système d’information commun, le groupe s’attèle désormais au chantier opérationnel. Le chemin est encore long avant que ne prenne forme, sur le terrain, la nouvelle banque de détail SG. «Le choc des cultures, que nous attendions, s’est produit», relève Philippe Fournil, délégué syndical CGT.
Après les migrations informatiques, «les couacs avec la clientèle sont restés marginaux, raconte Marc Durand, délégué syndical FO, qui vient d’achever une tournée dans les agences. En revanche, les salariés du Crédit du Nord ont du mal à digérer la fusion, ils n’ont pas été assez accompagnés pour maîtriser les nouveaux outils».
Formation et immersion
Le groupe s’est pourtant préparé en mettant sur pied, dès l’annonce du projet «Vision 2025», un véritable plan en matière de ressources humaines. «Nous avions anticipé que les collaborateurs de l’ex-Crédit du Nord auraient un énorme travail à fournir pour s’approprier les nouveaux produits, les processus et leur nouvel environnement de travail. Nous avons mis en place un dispositif complet de conduite du changement», explique Valérie Migrenne, directrice des ressources humaines du réseau SG en France.
Trois mois avant les bascules informatiques, le groupe a proposé aux collaborateurs un parcours de formation dédié, qui a été suivi à 95%. «Nous avons incité les collaborateurs du réseau Crédit du Nord à se rendre en immersion dans les sites de la Société Générale, en ‘front’ et en ‘back-office’. Cela a permis de créer des liens et de construire les bases pour une future entraide», ajoute Valérie Migrenne.
Après la première bascule informatique, à la mi-mai, la banque a mis en place un système de «compagnonnage», négocié avec les partenaires sociaux. Quelque 2.000 salariés volontaires de la Société Générale – qui ont été défrayés au moyen d’une prime – se sont rendus pendant trois semaines dans les agences et les back-offices du Crédit du Nord.
Des salariés qui se muent en «hotline»
Mais cette formation express sur le terrain s’avère insuffisante, rapportent les élus syndicaux. «Les salariés de la Société Générale, qui gagnent parfois 3.000 à 6.000 euros de moins par an que ceux du Crédit du Nord, se transforment en hotline. Leurs nouveaux collègues les appellent à la rescousse car ils ne maîtrisent pas encore les outils», témoigne Marc Durand. «Dans le réseau Crédit du Nord, les salariés ont basculé du jour au lendemain dans un nouvel environnement de travail. Il faut, selon nous, étoffer l’accompagnement. L’entraide entre collègues, très forte au sein du groupe, reste tout de même une bouée salutaire», ajoute Philippe Fournil.
«Le compagnonnage a permis de commencer à souder les collaborateurs. L’esprit d’équipe fait partie de l’ADN du groupe. Les dernières recrues nous le confirment», acquiesce Valérie Migrenne. La direction ne sous-estime pas, pour autant, la marche à franchir. «Pour le moment, les collaborateurs sont préoccupés par la maîtrise des outils après la bascule informatique. C’est normal. Les salariés du Crédit du Nord sont dans une situation inconfortable et lorsqu’ils nous font part de certains irritants, nous les traitons. Le processus de la fusion au plan opérationnel va s’étaler progressivement jusqu’en 2025», rappelle Valérie Migrenne.
Des opportunités d’évolution à long terme
Pour maintenir la confiance et l’engagement des salariés, la directrice des ressources humaines du réseau SG rappelle que la création de la nouvelle banque de détail reste aussi un projet de long terme, avec des opportunités à la clef. «Nous pensons que cette fusion ouvre des perspectives de développement personnel et d’évolution. Nous avons d’ailleurs mis en place une académie des compétences, avec des diagnostics de compétence et un dispositif de formation renforcé pour les accompagner», précise-t-elle.
Le groupe, qui compte supprimer 3.700 postes nets dans le cadre des regroupements d’agences, doit également gérer l’accompagnement en termes d’emploi. Tandis que le réseau table sur 1.500 départs naturels – évitant tout départ contraint –, il a continué de recruter au premier semestre. Il a également offert des solutions aux salariés concernés par les fusions d’agences, qui ont opté à 80% pour des reclassements internes. «Cela crée d’autres problèmes car les salariés du Crédit du Nord sont prioritaires pour les reclassements. Les salariés en centres d’appels à la Société Générale qui souhaitent évoluer n’arrivent plus à accéder à la bourse aux emplois», raconte Marc Durand. De son côté, Philippe Fournil alerte sur «le risque de devoir gérer des sous-effectifs dans certaines régions. Les démissions se multiplient et pas uniquement dans les régions Nord ou Ile-de-France».
Les salaires, sujet de tensions
Aux difficultés d’appropriation des outils et des méthodes de travail s’ajoutent en effet des tensions sur les salaires. Le réseau Crédit du Nord compte plus de cadres, mieux rémunérés. «C’est le cas des conseillers professionnels par exemple, ou des directeurs d’agence, qui ne sont pas tous cadres à la Société Générale aujourd’hui», rapporte Marc Durand. Le versement de la participation et de l’intéressement a récemment alimenté une partie du mécontentement. «Le système en place au Crédit du Nord est plus aligné sur le standard du marché, alors que la Société Générale a développé depuis une décennie la rémunération variable, un peu à la tête du client», estime Philippe Fournil.
Une problématique sur laquelle se penche la DRH. «Nous avons négocié avec les partenaires sociaux un accord sur les statuts pour aligner les régimes d’avantages sociaux. Nous avons accordé des primes pérennes ou temporaires aux salariés du Crédit du Nord afin qu’ils ne soient pas perdants du fait de la fusion. Nous héritons de deux modèles de rémunération, avec des historiques différents. Nous devrons opérer une convergence des rémunérations pendant trois à quatre ans en ajustant les rémunérations fixes et variables, tout en tenant compte des standards du marché. Ce sont des évolutions qui suivent le rythme du déploiement effectif sur le terrain», précise Valérie Migrenne.
Les salariés du Crédit du Nord se heurtent, en outre, à de nouvelles méthodes de travail et pointent «une culture du chiffre» ancrée dans le réseau Société Générale. «Il est important que nous continuions à expliquer qu’il ne s’agit pas de se fondre dans le modèle de la Société Générale mais dans celui d’une nouvelle banque de détail que nous inventons ensemble. Le réseau SG va bénéficier de démarches plus industrialisées avec l’apport du digital à bon escient», rappelle Valérie Migrenne. La digitalisation permet aussi d’automatiser des tâches… et de libérer du temps de qualité pour le travail commercial.
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