La Commission européenne change temporairement le package bancaire

Les premiers amendements à la réglementation CRR auront plus ou moins d’effet.
Fabrice Anselmi
La Commission européenne à Bruxelles
La Commission européenne propose au Parlement trois premières révisions au règlement sur les exigences en capital (CRR 2).  -  © European Union EC Mauro Bottaro

La Commission européenne (CE) a présenté le 28 avril plusieurs nouveaux assouplissements pour faciliter les prêts des banques dans la crise actuelle. Outre une «communication interprétative» qui implique d’utiliser des scénarios macroéconomiques à long terme dans l’approche flexible suggérée par les superviseurs pour l’application de la norme comptable IFRS 9, elle propose au Parlement trois premières révisions au règlement sur les exigences en capital (CRR 2).

IFRS 9 oblige les banques à constituer des provisions (expected credit loss, ECL) selon trois catégories de prêts : niveau 1 (sans problème), niveau 2 (situation détériorée sans cessation de paiement), niveau 3 (cessation de paiement). «Normalement, le niveau 1 impose un calcul ECL à partir des probabilités de défauts (PD) et de perte (LGD) sur douze mois, alors que les niveaux 2 et 3 imposent un calcul ECL à partir des mêmes probabilités sur toute la durée du prêt. La CE souhaite ici réduire l’impact sur le provisionnement de la migration des prêts de la phase 1 à la phase 2 - puisque la crise doit théoriquement être temporaire - et suggère donc d’officialiser dans la loi le fait que les prêts garantis par l’Etat soient provisionnés comme les prêts garantis par les agences officielles de crédit export. Cela signifie qu’aucun provisionnement ne sera nécessaire au cours des sept premières années suivant l’exposition à un prêt estimé comme non performant (NPL, explique Miguel Raminhos, analyste spécialisé chez Natixis.

CRR 2 prévoyait une période de transition de 2018 à 2022 pour IFRS 9, la CE propose une nouvelle période de transition de 2020 à 2024 pendant laquelle les banques pourront réintégrer les provisions IFRS 9 directement liées à la crise Covid-19 à leur ratio de fonds propres CET1 selon les séquences suivantes : à 100% en 2020 et 2021, 75% en 2022, 50% en 2023, 25% en 2024. En 2025, ces montants redeviendront des provisions normales. «Fondamentalement, le provisionnement IFRS 9 n’aura donc aucun impact sur les fonds propres en 2020 et 2021, afin d’éviter son effet procyclique. Mais cette mesure complique l’analyse crédit entre les prêts et entre les établissements, avec en plus le risque d’un impact beaucoup plus fort si trop de défauts se matérialisent ou sur les ventes de NPL sous-provisionnées», regrette Miguel Raminhos.

Ratio de levier ajusté

Concernant le ratio de levier (LR), la CE propose de retarder d’un an, au 1er janvier 2023, la mise en place des règles relatives au calcul du supplément de LR prévu pour les banques d’importance systémique mondiale (G-SIB) - ce supplément reste de 50% du coussin systémique propre à chaque banque G-SIB en fonction de ses actifs pondérés par les risques (RWA).

En outre, elle propose d’ajuster pour toutes les banques le mode de calcul du LR prévu à compter du 28 juin 2021, date à partir de laquelle CRR 2 introduit une exigence de fonds propres spécifique LRR en fonction du LR (et non des RWA). Conformément au cadre de Bâle, CRR 2 prévoit de pouvoir exclure temporairement du calcul au dénominateur les réserves/dépôts de l’établissement auprès de sa banque centrale dans certaines circonstances exceptionnelles. Mais cette exemption, quand elle est accordée par les autorités compétentes pour une période d’un an, fait l’objet d’un mécanisme de compensation qui augmente le LR individuel de l’établissement proportionnellement à l’amélioration de l’exigence de fonds propres spécifique induite (LRR1/LRR2).

«Le risque lié à l’exemption était que les banques avec beaucoup de liquidités se retrouvent, par exemple à l’occasion des programmes d’achat d’actifs (QE) qui renforcent encore ces liquidités, à voir augmenter leur LR et avec plus de contraintes sur leurs prêts. La CE propose que cet ajustement prévu trimestriellement ne soit finalement calculé qu’une seule fois, le jour où l’exemption est accordée et pour toute sa durée, poursuit Miguel Raminhos. Cette mesure sur le LR ajusté concernera particulièrement les banques néerlandaises, Deutsche Bank et Nordea, qui sont en modèle interne et ont à la fois des liquidités et une forte densité de RWA (sur l’actif total non pondéré), moins les banques d’Europe du Sud en modèle standard.»

Enfin, la CE propose d’avancer la date des traitements prudentiels avantageux initialement prévus par CRR 2 via une réduction de la pondération des risques sur les prêts adossés à des pensions ou à des salaires, sur les expositions aux prêts à des PME ou à des infrastructures et systèmes de réseaux synonymes de services publics essentiels.

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