Haro sur les règles pour les investisseurs locatifs

Les banques espèrent faire évoluer la norme qui impose un taux d’endettement maximal de 35% aux candidats à l’emprunt, quel que soit leur profil.
Immobilier Paris
Selon les banques, les emprunteurs les plus aisés dont le reste à vivre est important ne présentent pas de risque sur la capacité de remboursement.  -  Bloomberg

Depuis la remontée des taux entraînée par le changement de politique monétaire au printemps 2022, les banques n’ont cessé de défendre le modèle « très protecteur » du crédit immobilier à la française… tout en demandant à alléger le cadre réglementaire. Après le taux d’usure, objet d’une passe d’armes médiatique pendant plusieurs mois, les professionnels du crédit ont un nouveau cheval de bataille : la norme du Haut conseil à la stabilité financière (HCSF).

Rendue juridiquement contraignante au 1er janvier 2022, elle impose un taux d’endettement maximal de 35%, frais et assurance inclus, pour que les demandes de crédit soient acceptées. Alors que les taux ont considérablement grimpé, elle pèse donc fortement sur la capacité d’emprunt des ménages et bloque une partie des dossiers de prêts. Face à ce frein, les banques ont trouvé un nouvel angle d’attaque : alléger la règle pour une partie des emprunteurs. Selon nos informations, une réunion s’est tenue la semaine dernière à la Fédération bancaire française (FBF) en vue de pousser l’idée d’une dérogation à la règle pour les investisseurs locatifs.

«Le HCSF considère que cette norme est protectrice pour les emprunteurs, argumente un banquier de la place, qui préfère rester anonyme. Certes. Mais elle est très monolithique et ne tient pas compte des différences dans le profil de risque. Les emprunteurs les plus aisés dont le reste à vivre est important, typiquement les candidats à l’investissement locatif, ne présentent pas de risque sur la capacité de remboursement».

Un impact sur les programmes immobiliers

D’autres soulignent qu’en limitant l’accès au crédit des investisseurs locatifs, la norme peut avoir in fine des conséquences sur l’offre de logements neufs, alors que les programmes de construction subissent déjà un coup d’arrêt. Le gouvernement sera-t-il sensible à cet argumentaire ?

A l’issue de sa dernière réunion le 7 mars, le HCSF s’était montré clair : «il n’est pas question de faire évoluer cette norme». Et de préciser : «cela a permis de sécuriser l’accès au crédit immobilier en France et de protéger les ménages d’un endettement excessif.» Bercy préfère renvoyer les banques à la possibilité qui leur est laissée de déroger à la règle pour 20% des dossiers. «Cette capacité n’est pas pleinement utilisée et nous invitons les banques à s’en saisir», commente-t-on au ministère.

Refroidir le marché et après ?

«Nous ne sommes plus dans un contexte de bulle, il faut adapter la norme !», s’est ému Pierre-Edouard Batard, directeur général du groupe Crédit Mutuel lors de la présentation des résultats annuels. Sous couvert de protéger les Français, la norme du HCSF a surtout été conçue pour «refroidir le marché», juge un banquier, alors que les prix de l’immobilier restaient très élevés et que la machine du crédit à taux bas continuait de s’emballer.

Si les banques parviennent à se faire entendre, alléger la règle pour les investisseurs locatifs seulement ne contribuera pas pour autant à résoudre le recul de la demande de crédit. Ces derniers ne représentent en effet qu’une petite proportion des candidats à l’emprunt immobilier. En freinant l’emballement du marché, le risque, redoute un acteur de la place, est de «freiner in fine l’accession à la propriété des Français». «Il faut prendre garde à ne pas aller trop loin car, on a tendance à l’oublier, devenir propriétaire de sa résidence principale est aussi, pour les ménages, une façon d’épargner en vue de la retraite.» Le débat est ouvert.

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