
Grandes manœuvres dans le « restructuring »

S’adapter au mouvement pendulaire de l’économie. Les structures de conseil de tous bords ont cet enjeu chevillé au corps, avec parfois une tendance à virer brutalement d’un extrême à un autre. Au sein des cabinets d’avocats d’affaires, la crise de 2008 est encore dans toutes les têtes. Nombre de lawyers avaient été remerciés en raison du tarissement drastique des transactions sur le marché des fusions-acquisitions et du private equity. Depuis, plus d’une décennie s’est écoulée et les capacités d’anticipation se sont aiguisées, avec à la clé de multiples recrutements de professionnels du restructuring. « Ce mouvement a commencé dès la seconde moitié de 2019, un certain nombre de grandes structures ayant anticipé la fin du cycle sur le marché des transactions », constate Yves Boissonnat, dirigeant-fondateur du cabinet de recrutement Boissonnat Partners. Ce fut notamment le cas en septembre 2019 chez DLA Piper, qui est allé piocher chez Gide pour recruter en tant qu’associée Caroline Texier – laquelle a fait ses classes aux côtés de l’une des références en la matière, Gabriel Sonier.
Par le passé, les dossiers à fortes connotations contentieuses étaient essentiellement l’apanage de petites structures spécialisées. Mais les grands cabinets, y compris ceux disposant d’une forte pratique bancaire, ont fini par se frotter à l’exercice. « Il y a une raison macroéconomique et microéconomique. Tous les cabinets ont constaté une dégradation de la conjoncture et aucun d’entre eux ne veut rater le train, mais ils constatent aussi que leurs propres clients ont ou vont avoir des sujets de restructuration auxquels ils se doivent de répondre », note Yves Boissonnat. Mandats ad hoc, conciliations, sauvegardes financières et autres « pre-pack »… sans capacité d’accompagnement sur ces thématiques, le risque d’une perte de captivité des clients est bien réel.
Dans les plus gros cabinets de la Place, le mercato a ainsi été florissant depuis le début de l’année, et plus particulièrement depuis l’explosion de la crise sanitaire. Latham & Watkins, dont la practice restructuring était jusque-là tenue par Hervé Diogo Amengual, a ainsi franchi un nouveau cap en s’accaparant les services de la réputée Alexandra Bigot. Cette professionnelle à l’origine de la pratique restructuring chez Willkie Farr & Gallagher (où elle a officié pendant une trentaine d’années) est notamment connue pour avoir œuvré sur toutes les restructurations de Vivarte depuis 2014, ainsi que sur celles de CPI, Materis et Novasep.
Les « bébés » Bremond
Mais le plus gros pourvoyeur d’experts en restructuring de l’année a sans conteste été Bremond & Associés. Cela en raison de l’éclatement du cabinet créé par Guilhem Bremond en 2006. « La pression du marché était importante et ce cabinet réputé mais de niche peinait à s’introduire sur les plus gros dossiers », estime un avocat. L’homme fort de la structure n’a ainsi pas résisté à l’appel du pied du bureau parisien de Paul Hastings, qui l’a convié à bâtir son département restructuring. Dans son sillon, sept de ses collaborateurs ont aussi rejoint l’aventure. De leur côté, Virginie Verfaillie-Tanguy (actuelle présidente de l’Association pour le retournement des entreprises) et Christine Le Breton, toutes deux associées dans la structure de Guilhem Bremond, ont décidé de lancer leur propre cabinet, Valoren Avocats. Un nouveau défi qui a aussi fédéré quatre de leurs collaboratrices. Parmi la liste des « bébés » Bremond à avoir pris leur envol figure aussi Hector Arroyo. Après dix années passées dans la structure, il a signé son arrivée chez Baker McKenzie en tant que partner. Président d’honneur de l’Association des jeunes professionnels du restructuring, il avait apporté ses conseils sur des dossiers comme Gérard Darel, Doux, Tati et Rallye/Casino. Certaines boutiques résistent cependant à l’attraction des grandes structures, à l’instar de Carbonnier Lamaze Rasle. Ce cabinet réputé en droit pénal s’est doté d’un département restructuring en recrutant le mois dernier Amandine Rominskyj et Antoine Poulain en qualité d’associés. L’un et l’autre évoluaient au sein de l’emblématique structure de Jean-Paul Poulain… père d’Antoine Poulain.
« Il y a une quinzaine d’années, les équipes bancaires des cabinets étaient en charge du ‘restructuring’. Les boutiques spécialisées ont ainsi pu prospérer », souligne Marc Bartel, ex-senior client partner de Korn Ferry. Mais le phénomène d’aspiration des plus grands cabinets est aujourd’hui d’autant plus fort que le restructuring est devenu un « must have », où les rémunérations s’avèrent particulièrement attractives. Rien qu’au stade de counsels, il n’est pas rare de voir des montants de 250.000 euros par an. Un chiffre pouvant s’envoler à près de 400.000 euros dans quelques cabinets d’origine américaine. « En matière de rémunération, il n’y a pas de grosse différence avec les avocats spécialisés en ‘private equity’. Les éventuels écarts s’expliquent par la capacité à générer du business », explique Yves Boissonnat. La période n’est de toute façon pas propice aux excès. Confrontés à des délais de paiement de plus en plus longs en raison de l’impact de la crise sur leurs clients, la plupart des grands cabinets internationaux ont pris des décisions fortes ces derniers mois, en bloquant les rémunérations et les promotions, mais aussi en diminuant les recrutements, notamment en immobilier et en private equity. L’expertise restructuring s’avère donc plus que jamais un précieux sésame pour éviter la cure d’austérité du moment.
Plus d'articles du même thème
-
La finance est à la recherche de profils toujours plus techniques
Les études de rémunération cadres 2026 des cabinets de recrutement PageGroup et Expectra, filiale de Randstad, mettent en avant les profils toujours très techniques recherchés dans la finance d'entreprise. -
Novo Nordisk acte ses difficultés en supprimant des milliers de postes
Le laboratoire danois invoque une intensification de la concurrence sur le marché des traitements contre l’obésité pour justifier une restructuration qui entraînera la suppression de 9.000 emplois et des coûts exceptionnels de 8 milliards de couronnes. -
La révision de l’emploi américain entérine la prochaine baisse de taux
Le département du Travail a publié mardi une révision record des créations d’emplois non agricoles (NFP) publiées entre le 1 er avril 2024 et le 31 mars 2025. De quoi conforter la Fed dans sa volonté de baisser les taux le 17 septembre.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le rachat de Mediobanca menace la fusion des gestions de Generali et BPCE
- Mistral AI serait valorisé 12 milliards d’euros par une nouvelle levée de fonds
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street termine sans direction claire, prudente avant les prix à la consommation
Washington - La Bourse de New York a terminé sans direction claire mercredi, les investisseurs se montrant attentistes avant la publication jeudi d’un nouvel indicateur d’inflation côté consommateurs aux Etats-Unis, susceptible de donner de nouveaux indices sur la trajectoire privilégiée par la banque centrale américaine (Fed). L’indice élargi S&P 500 (+0,30%) et l’indice Nasdaq (+0,03%) ont tous les deux grappillé de nouveaux records, respectivement à 6.532,04 points et 21.886,06 points. Le Dow Jones a, pour sa part, perdu 0,48%. «Le marché connaît quelques ventes avant la publication demain (jeudi) de l’indice CPI» des prix à la consommation américains, a commenté auprès de l’AFP Peter Cardillo, analyste de Spartan Capital Securities. Mercredi, les investisseurs ont finalement peu réagi à l’annonce d’un recul surprise des prix à la production en août aux Etats-Unis (-0,1%), après une forte augmentation un mois plus tôt (+0,7% en juillet). «C’est une bonne nouvelle, mais cet indicateur ne porte que sur un seul mois, et n’indique donc pas de véritables changements vis-à-vis de l’inflation, qui reste tenace», a expliqué M. Cardillo. En rythme annuel, l’indice a ralenti en août à +2,6%. En revanche, hors prix volatils de l’alimentation et de l'énergie, il a accéléré à +2,8%. La publication jeudi de l’indice des prix à la consommation (CPI) avant l’ouverture de Wall Street sera plus «significative», a souligné Jose Torres, analyste d’Interactive Brokers, car elle viendra affiner les attentes des investisseurs concernant les perspectives de baisses des taux de la Réserve fédérale (Fed). Selon l’outil de veille FedWatch de CME, la grande majorité des acteurs du marché estiment que l’institution baissera ses taux d’un quart de point lors de sa prochaine réunion prévue les 16 et 17 septembre. «Mais si le CPI est inférieur aux prévisions (...) cela pourrait ouvrir la voie à une baisse d’un demi-point la semaine prochaine», a estimé M. Cardillo. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, le rendement des emprunts d’Etat américains à échéance 10 ans se détendait par rapport à la clôture mardi, à 4,04% vers 20H20 GMT contre 4,09%. A la cote, Oracle a été catapulté (+36,07% à 328,62 dollars) après avoir annoncé que le chiffre d’affaires de ses infrastructures «cloud» (informatique dématérialisée) devrait atteindre 144 milliards de dollars d’ici 2030, profitant de l’engouement autour de l’intelligence artificielle (IA). A l’occasion de la publication mardi de ses résultats trimestriels, le groupe a annoncé dans un communiqué anticiper une croissance de 77% du chiffre d’affaires d’Oracle Cloud Infrastructure, «pour atteindre 18 milliards de dollars cette année fiscale». Selon le Wall Street Journal, le groupe aurait par ailleurs signé un contrat d’environ 300 milliards de dollars avec OpenAI, l’un des leaders de l’IA générative. Le spécialiste suédois du paiement fractionné Klarna a reçu un accueil mitigé pour son premier jour de cotation à la Bourse de New York. L’entreprise a fait son entrée avec un titre vendu au prix de 40 dollars l’unité. L’action a terminé à 46,33 dollars (+15,8%). La chaîne de sandwicheries Potbelly s’est envolée (+31,32% à 16,98 dollars) après que la société a annoncé qu’elle avait accepté d'être rachetée par RaceTrac, entreprise de stations-services et de magasins de proximité aux Etats-Unis, dans le cadre d’une transaction évaluée à environ 566 millions de dollars. Nasdaq © Agence France-Presse -
La Bourse de New York termine sans direction claire
Washington - La Bourse de New York a terminé sans direction claire mercredi, les investisseurs se montrant attentistes avant la publication jeudi d’un nouvel indicateur d’inflation côté consommateur aux Etats-Unis, susceptible de donner de nouveaux indices sur la trajectoire privilégiée par la banque centrale américaine (Fed). L’indice élargi S&P 500 (+0,30%) et l’indice Nasdaq (+0,03%) ont tous les deux grappillé de nouveaux records, respectivement à 6.532,04 points et 21.886,06 points. Le Dow Jones a, pour sa part, perdu 0,48%. Nasdaq © Agence France-Presse -
Yémen : 35 morts et 131 blessés dans des raids israéliens sur les Houthis
Sanaa - L’armée de l’air israélienne a bombardé mercredi des sites des Houthis au Yémen, faisant 35 morts et 131 blessés, ont indiqué ces rebelles, qui contrôlent de larges pans du pays y compris la capitale Sanaa. «Le nombre de martyrs et de blessés parmi les citoyens victimes du crime sioniste perfide est passé à 35 martyrs et 131 blessés», a déclaré le porte-parole du ministère de la Santé houthi, Anees Alasbahi, sur X, en précisant que ce décompte n'était pas définitif. Il avait dans un premier temps fait état de neuf morts et 118 blessés, et de recherches dans les décombres pour retrouver des disparus. Les raids ont ciblé la capitale Sanaa et la province de Jawf (nord), où Israël a indiqué avoir frappé des «cibles militaires» des Houthis. «Nous continuerons à frapper. Quiconque nous attaque, nous l’atteindrons», a déclaré après ces raids le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. La télévision Al-Massirah, organe des Houthis, a fait état de «martyrs, blessés et plusieurs maisons endommagées dans l’attaque israélienne contre le quartier général de l’Orientation morale», du nom donné aux services de communication des forces rebelles dans la capitale. Un grand panache de fumée grise s’est élevé au-dessus de Sanaa après les frappes, dont le bruit a résonné dans toute la ville, régulièrement attaquée par Israël, ont constaté des journalistes de l’AFP. «Nos défenses aériennes affrontent actuellement des avions israéliens qui lancent une agression contre notre pays», a déclaré dans l’après-midi le porte-parole militaire houthi, Yahya Saree. Tirs vers Israël Selon deux journalistes de l’AFP à Sanaa, un bâtiment utilisé par les forces armées houthies a été touché. Al-Massirah a également fait état de frappes israéliennes contre des bâtiments gouvernementaux à Jawf. L’armée israélienne, qui avait annoncé la veille avoir intercepté un missile tiré du Yémen, a dit avoir frappé des «camps militaires où des membres du régime terroriste avaient été identifiés, le siège des relations publiques militaires des Houthis et un site de stockage de carburant». Sa nouvelle attaque survient trois jours après qu’un tir de drone, revendiqué par les Houthis depuis le Yémen, a blessé un homme en tombant sur l’aéroport de Ramon, dans le sud d’Israël. Le mois dernier, des bombardements israéliens ont tué le Premier ministre et 11 responsables houthis, dans la plus importante opération israélienne contre ces rebelles proches de l’Iran. Depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023, les Houthis ont multiplié les tirs contre Israël et les attaques de navires marchands qui lui sont liés au large du Yémen, affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens. En réponse, Israël a mené plusieurs séries de frappes meurtrières au Yémen, visant des ports, des centrales électriques et l’aéroport international de Sanaa. © Agence France-Presse