
CS First Boston - Le pari risqué du renouveau

First Boston, banque d’affaires américaine entrée dans le giron de Credit Suisse en 1988, puis fondue au sein du groupe helvétique en 2005 via l’adoption d’une marque unique, renaît de ses cendres. Obligé de se restructurer, Credit Suisse a annoncé vouloir recréer sous la marque CS First Boston (CSFB) une entité autonome, qui a vocation à « attirer des capitaux extérieurs » à plus ou moins long terme. L’option d’une introduction en Bourse est ouverte.
Ce pari, contraint, se révèle risqué. « Le moment est tout sauf adéquat. Vouloir relancer une activité, qui plus est indépendante, dans un marché aujourd’hui peu porteur pour les banques d’investissement semble très hasardeux », réagit Sam Theodore, consultant senior chez Scope Group. Les revenus mondiaux du secteur ont en effet chuté de 40 % depuis le début de l’année, selon Dealogic.
Le terrain de jeu des banques d’investissement se montre en outre déjà très occupé. « CSFB ne sera évidemment pas dans le peloton de tête, qui compte une poignée d’acteurs américains et internationaux, mais en seconde ligne, où la concurrence est très vive et où il faut pouvoir se démarquer pour gagner de l’argent », poursuit Sam Theodore, pour qui la banque n’a ni l’envergure d’un acteur global, ni le pouvoir de capitaliser sur une niche ou une expertise particulière. Or c’est un positionnement hybride que vise Credit Suisse, projetant pour CSFB une approche « plus internationale et plus généraliste que les boutiques », mais « plus recentrée que les majors du secteur ».
La structure regroupera les activités de conseil et marchés, principalement aux Etats-Unis. Les activités de marché en lien avec la clientèle institutionnelle en Europe restent au sein du groupe, tandis que les produits titrisés en sortent. Un pôle d’actifs non stratégiques est parallèlement créé. CSFB et Credit Suisse ont par ailleurs vocation à conserver des liens commerciaux. « Mais les clients de Credit Suisse voudront-ils déléguer leurs activités de banque de financement et d’investissement (BFI) à une entité détachée de leur banque, centrée aux Etats-Unis et éloignée de leurs bases ? », s’interroge un banquier.
L’atout de CSFB repose dès lors sur son empreinte américaine, ce qui explique la reprise du nom initial de l’ancienne boutique. « Une fusion à terme avec un acteur bancaire américain, dont une multitude sont de petite taille et cherchent à croître, est possible mais la première étape consistera à ressusciter le CSFB des années 1980 », intervient David Benamou, directeur des investissements chez Axiom.
Restructuration
Credit Suisse ne vendra pas CSFB immédiatement. « La banque doit d’abord travailler sur la structure pour mieux la valoriser », poursuit le dirigeant. Selon lui, cela passera par une transformation de l’organisation, un changement de culture, des coupes dans la masse salariale actuelle ou encore le recrutement de talents, ce qui engendrera dans un premier temps des charges additionnelles pour la banque suisse. « Une partie de l’augmentation de capital sera probablement allouée à cette restructuration », perçoit David Benamou.
Ce travail se révèle d’autant plus nécessaire que l’activité de banque d’investissement nécessite d’être notée par les agences. Or au regard du profil de risque actuel de CSFB, « sa notation ne dépassera pas au début le triple B (contre une notation A pour les plus grandes banques d’investissement, NDLR) », juge Sam Theodore.
Valoriser une telle structure n’est pas aisé. « Tout dépendra de la capacité de la banque à retenir ses clients, de la durée des contrats, des risques, perçus comme importants, liés aux produits… Dans le climat de crise actuelle, le prix pour des activités risquées ne sera pas élevé », estime Sam Theodore.
Dans cet environnement incertain, les banques subissent en effet une forte décote. « Une banque d’investissement en Europe se valorise autour de 55 % des fonds propres tangibles et de 6 fois ses bénéfices annuels (contre un multiple de 10-11 généralement). Ce niveau est toutefois légèrement supérieur aux Etats-Unis, zone sur laquelle CSFB est majoritairement positionnée », informe David Benamou. Encore faut-il que les résultats dégagés soient positifs et que le périmètre final post-restructuration soit connu pour se plier au jeu de l’évaluation, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas.
L’aspect humain est également primordial. Attirer les talents au sein de CSFB, en tant qu’entité indépendante, risque de se révéler plus difficile. « Cela nécessitera davantage d’argent. Or la logique est surtout à la réduction des coûts sur la masse salariale au sein du groupe », réagit Sam Theodore. Dans toute restructuration, « conserver et attirer les talents devient très difficile », appuie David Benamou. La banque d’investissement de Credit Suisse pâtit en outre de plusieurs affaires ayant écorné son image (prêts suspects au Mozambique, affaire Greensill…). Associer les banquiers au capital apparaît dès lors comme un levier d’attractivité.
La nouvelle entité sera dirigée par Michael Klein. Cet ex-Citigroup, administrateur de Credit Suisse, devrait prendre une part au capital de CSFB et y apporter sa propre boutique. Une opération qui fait débat, certains observateurs mettant en garde sur un potentiel risque de conflit d’intérêts.
Faire renaître CSFB ne sera pas chose aisée.
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