
Credit Suisse vacille sur ses fondations

Malgré ses efforts, Credit Suisse ne parvient pas à enrayer la crise de confiance dont elle est victime depuis des mois. Impliquée dans une série de scandales qui ont mis en lumière des lacunes criantes dans sa gestion des risques, le groupe a présenté le 27 octobre un plan de la dernière chance prévoyant de restructurer sa banque d’investissement pour se recentrer sur les métiers cœurs qui ont fait sa réputation, la gestion de fortune et la gestion d’actifs. Mais, n’en déplaise à son président Axel Lehmann qui veut un « Credit Suisse aussi solide que les montagnes » de son pays, ses fondations apparaissent sérieusement fragilisées.
Quelques heures avant l’assemblée générale extraordinaire convoquée mercredi pour approuver son augmentation de capital de 4 milliards de francs destinée àfinancer sa restructuration, Credit Suisse a émis un nouvel avertissement sur résultat, le quatrième depuis janvier. La banque devrait enregistrer une perte nette de 1,5 milliard de francs suisses au quatrième trimestre.
Fuite des clients
Mais le plus « préoccupant » relèvent les analystes de Jefferies et de JPMorgan réside dans la décollecte massive subie par la banque : 88 milliards de dollars (83 milliards de francs, 85 milliards d’euros) selon les chiffres arrêtés au 11 novembre, soit 6% des actifs sous gestion. La banque suisse avait déjà alerté début octobre sur un retrait brutal d’avoirs, causé, selon elle, par les différentes « rumeurs de presse » sur sa solidité. Elle avait alors subi une envolée du prix de sa couverture contre le risque de défaut (credit default swap, CDS). La direction de la banque avait donné l’ordre à ses équipes de « rassurer » les clients.
Ce mouvement de fuite des clients ne « s’est pas encore inversé », reconnaît aujourd’hui la banque. Pire, il a pris une dimension massive dans son activité cœur, la gestion de fortune, qui a subi une décollecte nette de l’ordre de 10% des actifs sous gestion à fin septembre en seulement six semaines. « Nous nous attendions à une détérioration par rapport aux sorties enregistrées aux deuxième et troisième trimestres mais l’ampleur de la décollecte annoncée à date pour le quatrième trimestre nous surprend », relèvent les analystes de Jefferies qui tablaient sur une décollecte nette limitée à 3% des actifs sous gestion au niveau du groupe et dans la gestion de fortune.
L'écart se creuse avec UBS
Dès lors, comment convaincre les investisseurs que Credit Suisse peut tourner la page de ses difficultés ? Car le problème ne semble pas lié au contexte macroéconomique mais bien aux questions structurelles qui plombent la banque. Cette dernière a déjà subi une fuite des talents, la moitié de ses banquiers seniors préférant quitter l'établissement. Elle paie désormais sa perte de crédibilité auprès des clients, alors que sa rivale UBS a dans le même temps enregistré son deuxième meilleur trimestre en trois ans sur les commissions générées par ses riches clients en Asie. UBS ne cesse d’ailleurs de creuser l’écart en Bourse face à Credit Suisse. Au 23 novembre, sa capitalisation atteint 60 milliards de francs suisses (et autant d’euros)… bien loin des 9,5 milliards de francs suisses de son concurrent affaibli. Mercredi, l’action Credit Suisse a lâché 6%.
La décollecte subie par Credit Suisse a également des répercussions sur sa liquidité. La banque explique « avoir partiellement utilisé des coussins de liquidité au niveau du groupe et de son entité légale », ce qui a l’a placée « en dessous de certaines exigences réglementaires ». Son ratio de liquidité (LCR) devrait ainsi chuter de 192% au troisième trimestre à 140% au quatrième, ce qui reste au-dessus de l’exigence minimale requise de 100%. La nouvelle perte annoncée pour le quatrième trimestre risque également de peser sur son ratio de capital. L’augmentation de capital de 4 milliards de dollars, approuvée ce 23 novembre par ses actionnaires à plus de 91%, ainsi que la vente annoncée de ses actifs de titrisation à l’américain Apollo devraient néanmoins permettre de constituer « un coussin de capital suffisant », selon les analystes de Jefferies. La capacité de Credit Suisse à retenir ses clients et à générer de la croissance semble en revanche plus que jamais incertaine.
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La bourse de New York termine sur des records dans l'attente des taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a terminé à de nouveaux sommets mardi, abordant avec optimisme la publication de plusieurs indicateurs d’inflation aux Etats-Unis susceptibles de donner de nouveaux indices sur la trajectoire monétaire privilégiée par la Réserve fédérale (Fed). Le Dow Jones a avancé de 0,43%, à 45.711,34 points, l’indice Nasdaq a pris 0,37% à 21.879,49 points et l’indice élargi S&P 500 a gagné 0,27% à 6,512,61 points. «Le groupe des mégacapitalisations a joué un rôle moteur en contribuant à soutenir les principaux indices», souligne auprès de l’AFP Patrick O’Hare, de Briefing.com. Nvidia a ainsi gagné 1,46%, Alphabet (Google) 2,39% et Amazon a avancé de 1,02%. Globalement, les investisseurs sont «dans l’expectative des données sur l’inflation, avec l’indice des prix à la production (PPI) qui sera publié mercredi, puis jeudi avec l’indice des prix à la consommation (CPI)», relève Patrick O’Hare. «Les acteurs du marché s’attendent non seulement à ce que la Fed abaisse ses taux en septembre, mais aussi en octobre et en décembre», note l’analyste. Selon l’analyste, les données sur l’inflation donneront par conséquent «une base pour réévaluer la probabilité de ces baisses de taux». La banque centrale des Etats-Unis est investie d’un double mandat pour le pays, consistant à la fois à surveiller le marché de l’emploi et à maintenir l’inflation proche de 2% sur le long terme. Toutefois, prévient M. O’Hare, «il semble que les marchés financiers se concentrent davantage sur l’affaiblissement du marché du travail que sur les données d’inflation pour le moment». Mardi, ils ont gardé un oeil sur la forte révision à la baisse des chiffres de l’emploi américain entre avril 2024 et mars 2025, sans pour autant y réagir négativement. Selon le Bureau des statistiques du travail (BLS), les entreprises américaines ont au final créé 911.000 emplois de moins sur l’ensemble de l’année fiscale 2024-2025, soit quasiment deux fois moins que ce qui avait été rapporté initialement. «Pour ce marché, les mauvaises nouvelles économiques sont synonymes de bonnes nouvelles en matière de baisse des taux», résume Patrick O’Hare. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, le rendement des emprunts d’Etat américains à échéance 10 ans se tendait par rapport à la clôture lundi, à 4,08% contre 4,04%. Côté entreprises, Apple (-1,48% à 234,35 dollars) a souffert de la présentation de sa nouvelle gamme d’iPhone 17. L’entreprise a présenté un modèle «Air» ultrafin, a promis des progrès sur l’autonomie et les objectifs photographiques, mais n’a pas annoncé d’avancées majeures pour rattraper son retard dans l’intelligence artificielle (IA). La firme de Cupertino (Californie) a aussi annoncé que les prix des nouveaux iPhone devraient augmenter aux Etats-Unis en raison des droits de douane imposés par le président Donald Trump, qui alourdissent les coûts de production en Chine, toujours le principal centre de fabrication de la marque à la pomme. La start-up américaine spécialisée dans l’informatique à distance («cloud computing») CoreWeave a bondi de 7,13% à 100,22 dollars après avoir annoncé le lancement d’un fonds de capital-risque dédié aux investissements dans l’IA. Le spécialiste néerlandais des infrastructures et services IA Nebius (+49,42% à 95,72 dollars) s’est envolé à l’annonce d’un partenariat avec Microsoft. Nebius dédira une partie des ressources de son nouveau data center au géant américain de l’informatique. Nasdaq © Agence France-Presse