
Bruxelles mise sur une approche graduelle pour finaliser Bâle 3

La Commission européenne (CE) a présenté ce mercredi midi un paquet législatif modifiant le cadre réglementaire ‘CRR-CRD’ qui régit les exigences de fonds propres dans le secteur bancaire européen. Son principal objectif : introduire dans l’Union européenne (UE) les exigences prudentielles de l’accord de Bâle 3 conclu fin 2017.
Bruxelles mise sur une approche progressive pour mettre en place, à partir de 2025, le nouveau plancher en capital (output floor), la mesure la plus sensible pour les banques européennes. Celui-ci limitera les avantages en termes de fonds propres qu’une banque peut tirer lorsqu’elle utilise un modèle interne pour valoriser ses risques. Son introduction s’étalera ainsi jusqu’en 2030 : comme prévu par les accords internationaux, les actifs pondérés (risk weighted assets) calculés par les banques sur la base de leurs modèles internes ne pourront alors pas être inférieurs à 72,5 % des actifs pondérés calculés via les approches standards. Aux termes du projet de la Commission, susceptible d’être modifié lors des négociations à venir au Conseil et au Parlement européen, le seuil minimal atteindrait ainsi 50% en 2025, 55% en 2026, 60% en 2027, puis 65% en 2028.
Dix banques principalement concernées
« Nous avons pleinement respecté la demande des Etats membres et du Parlement européen : que cette réforme ne conduise pas à une augmentation significative des exigences de fonds propres, en moyenne, pour le secteur bancaire européen », estimait un haut-fonctionnaire européen en amont de la présentation officielle. D’après les résultats de l’étude d’impact publiés par l’exécutif européen, les mesures proposées, prises dans leur ensemble, auraient pour effet d’accroître les exigences en fonds propres entre 0,7% et 2,7% en 2025 et entre 6,4% et 8,4% en 2030. Et comme l’indiquait L’Agefi en début de semaine : seules 10 grandes banques européennes seraient principalement concernées par le besoin de renforcer leurs fonds propres pour un montant total estimé à moins de 27 milliards d’euros.
« Nous nous sommes efforcés de respecter les accords internationaux tout en utilisant les flexibilités qu’ils autorisent afin de limiter les impacts », résume cette même source. « Pour prendre en compte les spécificités de l’économie européenne, nous proposons notamment des dispositions transitoires dans le calcul de l’output floor visant à préserver le financement par les banques des PME non cotées et des prêts hypothécaires à faibles risques. Il y aura pendant huit ans un plus faible calibrage pour ce type d’expositions. Cette mesure vient s’ajouter au fait que l’output floor est introduit progressivement », plaide la Commission.
Supervision renforcée pour les succursales de pays tiers
Second grand objectif du paquet législatif : renforcer la supervision des succursales de groupes bancaires issus de pays tiers actives dans l’UE, dont Bruxelles constate l’augmentation ces dernières années, en particulier depuis le Brexit, qui est pour l’heure essentiellement de la responsabilité des autorités nationales. Bruxelles propose une harmonisation de cette supervision entre les différents Etats, en introduisant un ensemble de standards à travers l’UE, dont : une procédure uniforme d’autorisation, des exigences minimales en capital, des obligations de reporting sur les activités dans l’UE et des contrôles réguliers par les superviseurs nationaux. Ces derniers seraient menés par des collèges de superviseurs pour les grandes entités opérant dans plusieurs États membres.
« L’UE est aujourd’hui la seule juridiction majeure où le superviseur sur base consolidée n’a pas une image complète des activités des groupes de pays tiers opérant dans l’UE via des filiales et des succursales, déplore Bruxelles. Nous proposons donc un meilleur échange d’informations pour garantir que toutes les autorités de surveillance de l’UE, où qu’elles se trouvent, disposent d’une vue d’ensemble de l’activité des groupes actifs dans leur pays », ajoute la CE.
Prise en compte des risques ESG
Troisième volet du paquet législatif : pousser les banques établies dans l’UE à une meilleure prise en compte des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) en les intégrant dans le Pilier 2 des règles prudentielles. Suivant les recommandations de l’Autorité bancaire européenne(EBA, European banking authority), celles-ci seront notamment tenues de préparer des plans concrets pour affronter ces risques, mais aussi d’étendre leur reporting à ce type de facteurs. Une initiative que salue Sebastian Mack, chercheur du Centre Jacques Delors de Berlin : « Cette proposition d’inclure les risques ESG dans le processus de surveillance et d'évaluation prudentiels (SREP) est bienvenue car cela permettrait aux superviseurs d’exiger des fonds propres supplémentaires si la gestion interne des risques des banques affiche des lacunes », estime le chercheur.
L’EBA qui est chargée de produire des orientations afin d’uniformiser la supervision de ces risques, en premier lieu ceux liés au climat, poursuivra dans le même temps ses travaux sur le besoin éventuel d’une modification des exigences de fonds propres réelles pour refléter les risques ESG, à travers le pilier 1. Initialement fixée à mi-2025, la date de rendu de ses recommandations sur le sujet a été avancée à mai 2023.
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Sébastien Lecornu "n'a pas donné de position" aux syndicats sur le sujet des retraites
Paris - Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu qui a entamé une série de rendez-vous avec les partenaires sociaux «n’a pas donné de position» sur le sujet des retraites, a déclaré vendredi la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon, au sortir d’une rencontre avec M. Lecornu à Matignon. «Il n’a pas donné de position sur ce qu’il allait donner comme suite sur le sujet des retraites», a déclaré Marylise Léon à la presse, en répétant que la CFDT était fermement opposée à une éventuelle réouverture du conclave lancé l’année dernière par François Bayrou, et qui avait échoué avant l'été. «Il n’y a pas eu de terrain d’atterrissage au moment de la fin du conclave, donc on ne reprend pas les discussions», a-t-elle estimé. S’agissant de la préparation du budget, Mme Léon a estimé qu’il était «hors de question que ce soit le monde du travail qui paye la question de la réduction des déficits». «Nous lui avons réaffirmé que nous étions plus que jamais motivés pour aller dans la rue, et que nous réussirons la mobilisation du 18 septembre», a-t-elle dit. M. Lecornu «n’a pas démenti qu’il pourrait y avoir un certain nombre d'éléments, de travaux, sur une contribution des plus hauts revenus», mais «selon quelles modalités, ça n’est pas encore complètement défini», a précisé Mme Léon. «Ce qu’attendent les travailleurs et les travailleuses, c’est qu’il y ait des preuves» de la «rupture» annoncée par le nouveau Premier ministre, «et qu’on puisse avoir une démonstration qu’il y a véritablement un changement de méthode», a-t-elle ajouté. La consultation des partenaires sociaux se poursuivra vendredi soir avec le Medef qui sera reçu à 19H45 par le nouveau Premier ministre. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, sera elle, reçue lundi à 11H00 à Matignon puis la CFTC à 14H30 et les deux organisations patronales CPME et U2P, respectivement lundi à 17H00 et mardi à 11H00. © Agence France-Presse -
Londres : des hôtels accueillant des demandeurs d'asile pris pour cible par l'extrême droite
Londres - Dans la capitale britannique, plusieurs hôtels hébergeant des demandeurs d’asile ont été pris pour cible lors de manifestations anti-immigration, suscitant désormais la crainte de ceux qui y sont logés mais aussi de certains habitants. L’entrée de l’hôtel Thistle Barbican, qui héberge quelque 600 demandeurs d’asile dans le centre de la capitale, est bloquée par des barrières en acier et des planches de bois. «Je ne me sens pas en sécurité parce que les gens pensent que nous sommes leurs ennemis», déclare l’un d’eux à l’AFP, préférant rester anonyme. Cet homme originaire d’un pays africain y est logé depuis deux ans, pendant l’examen de sa demande d’asile, en vertu de l’obligation du gouvernement britannique de lui fournir un toit. Mais «ces deux derniers mois, les gens ont changé», dit-il, ressentant une hostilité croissante après les manifestations de l'été en Angleterre. Celles-ci ont démarré devant un hôtel d’Epping, au nord-est de Londres, où un demandeur d’asile qui y était hébergé a été accusé d’avoir notamment tenté d’embrasser une adolescente de 14 ans. Il a été condamné pour agressions sexuelles la semaine dernière. La colère a aussi enflé sur les réseaux sociaux, avec des publications accusant les migrants d'être logés dans des hôtels luxueux et de bénéficier d’avantages dont les Britanniques sont privés. «Je ne suis pas ici pour m’en prendre aux femmes ou aux enfants, mais pour obtenir une protection», défend le demandeur d’asile interrogé par l’AFP, regrettant que certains manifestants ne les considèrent pas «comme leurs égaux». Les résidents de l’hôtel ont «très peur maintenant», abonde Mo Naeimi, réfugié iranien de 29 ans qui y a lui-même été hébergé par le passé, et travaille pour une association aidant les demandeurs d’asile. À l’extérieur de l’hôtel, des manifestants ont peint les couleurs du drapeau de l’Angleterre - une croix rouge sur fond blanc - sur des murs ou des cabines téléphoniques. Ces dernières semaines, les étendards anglais et britannique ont essaimé dans le pays, une démonstration de patriotisme largement alimentée par l’extrême droite et liée à ces manifestations anti-immigration. Elles interviennent au moment où le gouvernement de Keir Starmer peine à endiguer les traversées clandestines de la Manche, avec plus de 30.000 arrivées de migrants sur des petits bateaux depuis début janvier. «Tension palpable» En face du Thistle Barbican, un commerçant d’origine pakistanaise, arrivé à Londres il y a 20 ans, a accroché le drapeau anglais dans sa vitrine. La raison: il veut protéger son entreprise et ses employés immigrés des manifestants, explique-t-il. «Je ne suis pas blanc, bien sûr que j’ai peur», confie cet homme de 45 ans à l’AFP. «Ils pourraient venir casser les fenêtres et nous attaquer à la place» des demandeurs d’asile, dit-il, ajoutant que ces derniers n’ont jusque-là posé «aucun problème». Dans l’est de la capitale, le quartier d’affaires de Canary Wharf a aussi été secoué par des manifestations après l’annonce en juillet que l’hôtel Britannia allait héberger des demandeurs d’asile. Lorsque Britt-Marie Monks, commerçante de 43 ans vivant à proximité, a appris la nouvelle, son «coeur s’est arrêté», raconte-t-elle à l’AFP. Cette mère de famille dit aussi bien se méfier des demandeurs d’asile logés que des personnes venant manifester leur colère devant l’hôtel, et elle «évite» désormais la route qui passe à côté. Andrew Woods, ancien conseiller municipal, juge que la présence de l’hôtel a «divisé» les habitants. En marge d’une manifestation, des affrontements ont éclaté avec la police dans un centre commercial haut de gamme du quartier d’affaires, conduisant à l’arrestation de quatre personnes. «C’est le dernier endroit où je m’attendrais que ça arrive», s'étonne Ziaur Rahman, expert en informatique qui vit et travaille à Canary Wharf. Pour Britt-Marie Monks, il s’agit principalement d’habitants frustrés qui voudraient que le gouvernement s’occupe de leurs problèmes en priorité. Mais Mo Naeimi craint que les demandeurs d’asile servent de boucs émissaires, à un moment où les conditions de vie se dégradent pour certains Britanniques. Samedi, l’activiste d’extrême droite Tommy Robinson organise à Londres une grande marche pour la défense de la «liberté d’expression», qui fait craindre que les hôtels hébergeant des demandeurs d’asile soient à nouveau ciblés. "Ça va s’intensifier», prédit Britt-Marie Monks, qui dit ressentir «une tension palpable» dans l’air. Akshata KAPOOR © Agence France-Presse -
En Russie, les prix de l'essence augmentent dus aux frappes ukrainiennes sur les raffineries
Moscou - «Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d’essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner. «Tout le monde l’a remarqué», tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l’essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l’agence nationale des statistiques. Ce renchérissement s’inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l’heure où la Russie intensifie l’offensive qu’elle a lancée en 2022 en Ukraine. Début septembre, le prix de la tonne d’AI-95, l’un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s’est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d’attente devant les stations-service de l’Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l’Ukraine, pour cause de pénurie. Mercredi, le média Izvestia évoquait des «interruptions d’approvisionnement» dans «plus de dix régions» de Russie, l’un des principaux producteurs de pétrole au monde. Raffineries frappées A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l’essence et au revenu moyen moindre. Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation «depuis le début de l’année». «Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible», dit-il. Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l’augmentation d’"environ 16%» du droit d’accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières. Car, comme l’explique à l’AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, «plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible», ce qui pousse les pétroliers à «répercuter» ces pertes sur les prix au détail. La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles. Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l’Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d’entraver sa capacité à financer son offensive. «Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie», notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram. «Ce n’est rien!» L’une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le «plus important du système Rosneft», géant russe des hydrocarbures. Moscou n’a pas quantifié l’impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l’analyste Maxime Diatchenko parle d’une baisse de la production «de près de 10%» depuis le début de l’année. «C’est rien!», assure Alexandre, un homme d’affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. «Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n’est rien pour le marché en général ou pour les prix». «Le pays a besoin d’argent. L’augmentation du prix de l’essence, c’est une façon d’augmenter le revenu de l’Etat», estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans. Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d’"exporter de l’essence pour les automobiles» jusque fin octobre. La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l’offensive russe en Ukraine, pays qui compte l’Union européenne comme principale alliée. © Agence France-Presse