
Banques : avis de tempête sur les bonus

Les ventes de Lamborghini tout comme les réservations de voyages de luxe seront-elles en berne cette année ? « L’idée générale est que la saison des bonus ne va pas être bonne, explique Stéphane Rambosson, cofondateur du cabinet Vici Advisory à Londres. Les banques vont très probablement procéder à des charrettes avant de distribuer des rémunérations variables, dont l’enveloppe globale sera à la baisse. »
Goldman Sachs a d’ores et déjà confirmé la tendance. Fin 2022, David Solomon, le directeur général du géant américain, a indiqué travailler sur des suppressions de postes pour ce début d’année : un peu plus de 3.000 emplois pourraient être supprimés à travers le monde, selon des sources de presse. Le groupe devrait aussi réduire les bonus de ses 3.000 banquiers d’affaires, à hauteur de 40% selon le Financial Times. « La saison des bonus va être très difficile chez Jefferies, tout comme elle le sera pour chaque entreprise de notre industrie », ont averti quant à eux Richard Handler et Brian Friedman, respectivement directeur général et président de Jefferies, dans un mémo.
45 milliards de dollars
L’an dernier, année faste post-Covid, les banquiers de Wall Street s’étaient vu décerner 45 milliards de dollars de bonus, selon le contrôleur de l’Etat de New York. La prime moyenne versée aux salariés de la finance atteignant quelque 257.500 dollars. Changement de décor cette année : l’enveloppe de rémunérations variables au sein des principales banques de Wall Street est attendue en baisse de 30 %-50 %. Plus précisément, la rémunération totale moyenne des managing directors américains chez JPMorgan Chase devrait baisser de 35 %-40 % et celle des banquiers seniors de Citigroup et de Bank of America d’environ 35 % et 30 % respectivement, selon une étude du cabinet de chasseurs de têtes Sheffield Haworth, relayée par Reuters. A Londres, les banques s’apprêtent aussi à annoncer leurs enveloppes pour cette année. « Nous tablons sur une réduction des bonus, comparé à l’an dernier, indique une recruteuse, et il est fort probable que certains établissements n’en verseront pas du tout. »
L’an dernier, la volatilité des marchés due aux tensions géopolitiques, à l’inflation galopante et à la flambée des taux d’intérêt a mis la banque de financement et d’investissement (BFI) mondiale sous pression. Les revenus dans cette activité ont ainsi baissé de 42 % en 2022 sur un an, pour atteindre 77,1 milliards de dollars dans le monde, selon Dealogic. La baisse est particulièrement forte sur le continent nord-américain, avec des revenus en retrait de 48 % sur une année, à 39,6 milliards de dollars. En Europe, le déclin des recettes est estimé à 35 %, à 18,8 milliards de dollars. « La communication des banques est en train de changer, poursuit le cofondateur de Vici Advisory. De nombreux établissements bancaires préfèrent désormais prendre comme référence l’année 2020 en lieu et place de 2021, jugée exceptionnelle. De cette manière, l’évolution des bonus peut être positive. »
Dès le mois d’août, la distribution par les banques américaines des bonus aux analysts – ces banquiers juniors durant leurs trois premières années de carrière – avait donné le ton. « Au lieu de 80 % à 100 % de leur rémunération de base, les plus performants ont reçu 30 % à 40 % de leur rémunération, ce qui constitue une énorme coupe », explique Emma Galatry, consultante chez Segalen+associés à Londres. « Même si les salaires avaient été fortement augmentés au cours de ces dernières années, cela faisait longtemps que les résultats n’avaient pas été aussi bas, à l’inverse des boutiques, qui, elles, ont maintenu des bonus très élevés », ajoute Jeanne Segalen, consultante chez Segalen+associés à Paris.
Départs et charrettes
Tous les secteurs ne seraient cependant pas logés à la même enseigne. Les bonus dans les activités de conseil sont attendus en baisse de 15 %-20 %, tandis que les activités d’underwriting accuseraient particulièrement le coup, avec de forts déclins compris entre 40 % et 45 %, selon les dernières projections de Johnson Associates, cabinet américain spécialisé dans les rémunérations.
Pour les traders actions, le cabinet s’attend à un statu quo, tandis que les professionnels du fixed income pourraient voir leur rémunération variable bondir de 15 %-20 % sur une année. « Si le secteur des fusions-acquisitions dans les large caps a souffert, les acteurs du M&A midcaps ont su tirer leur épingle du jeu dans certains secteurs et s’apprêtent à recevoir des bonus corrects, même s’ils peuvent être un peu inférieurs à ceux de l’an dernier, qui étaient très hauts, détaille Corinne Oremus, DG du cabinet de recrutement Vendôme Associés. Même constat dans les financements structurés, où, si la partie LBO est un point d’attention, le domaine infrastructures/digital infra reste très actif. »
Avant même de connaître les niveaux de bonus à Wall Street, les salariés échafaudent des plans d’avenir : selon un sondage réalisé par Fishbowl – une appli de réseautage professionnel –, 72 % des 1.096 professionnels de la finance américaine sondés déclaraient en décembre avoir l’intention de démissionner en cas de réduction de leurs bonus. Les options de mobilité professionnelle dans la banque restent pourtant réduites. Morgan Stanley a annoncé son intention de réduire sa masse salariale à hauteur de 2 %, soit de quelque 1.600 emplois, tandis que Citi a déjà licencié une cinquantaine de traders à New York en novembre. De son côté, Credit Suisse, en plein restructuration, table sur la suppression de 9.000 postes d’ici à 2025, alors que Barclays et HSBC ont d’ores et déjà commencé à faire des coupes dans les activités de BFI les moins performantes. « Jusqu’à présent, on était plutôt sur une tendance de charrettes deux fois par an, explique Stéphane Rambosson. Il est probable que l’on revienne aux pratiques du début des années 2000, où les banques d’investissement organisaient des charrettes tous les trimestres en fonction de leurs résultats. » De quoi freiner les ardeurs des plus audacieux…
Plus d'articles du même thème
-
A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
L’intersyndicale de la banque a lancé une pétition sur le sujet et appelle à une mobilisation avant une réunion prévue le 19 septembre. -
Les hedge funds vendent la volatilité, comme si de rien n’était
Les fonds spéculatifs ont augmenté en août leurs paris «short vol» à un niveau inédit depuis septembre 2022. De telles positions à découvert, nettes vendeuses, contre le VIX peuvent sembler agressives, mais viennent en fait contrecarrer les importantes attentes de hausse de la volatilité des investisseurs retail. -
L’inflation s’est un peu accentuée en zone euro au mois d'août
Cela ne devait pas modifier l’approche désormais attentiste du Conseil de la Banque centrale européenne, qui tiendra sa réunion monétaire le 11 septembre.
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Le Crédit Agricole a bouclé l'acquisition de Banque Thaler
- Les émetteurs français de dette bravent la crise politique
- L'indice Euro Stoxx 50 va perdre deux représentants de la Bourse de Paris
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street progresse avec le ralentissement de l’emploi et à la perspective d’une baisse des taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a terminé en hausse jeudi, portée par les chiffres de l’emploi privé aux Etats-Unis, qui ont renforcé les anticipations d’un assouplissement monétaire de la banque centrale américaine (Fed). Le Dow Jones a pris 0,77% et l’indice Nasdaq a gagné 0,98%. L’indice élargi S&P 500 a quant à lui avancé de 0,83%, établissant un nouveau record en clôture à 6.502,08 points. Les créations d’emplois ont nettement ralenti dans le secteur privé aux Etats-Unis en août, selon l’enquête mensuelle ADP/Stanford Lab publiée jeudi avant l’ouverture de Wall Street. Le mois dernier, 54.000 emplois ont été créés dans le secteur privé, contre 106.000 en juillet. Les investisseurs s’attendaient à environ 75.000 créations d’emplois. Ces données viennent s’additionner à des demandes hebdomadaires d’allocation chômage en accélération (+237.000) et à un sous-indice à l’emploi en contraction dans l’enquête de la fédération professionnelle ISM. «Nous sommes dans une période où les mauvaises nouvelles sont en quelque sorte de bonnes nouvelles, le marché attendant une baisse des taux de la Fed», commente pour l’AFP Pat Donlon, de Fiduciary Trust Company. Plusieurs membres de la banque centrale ont récemment plaidé pour un assouplissement monétaire de l’institution et son président, Jerome Powell, a laissé la porte ouverte à cette idée en raison du ralentissement du marché américain du travail. Les données publiées jeudi ont par conséquent renforcé les attentes d’une baisse de taux dès la réunion de politique monétaire de la Fed de septembre, selon l’outil de veille de CME, FedWatch. Et les analystes sont de plus en plus nombreux à anticiper des baisses lors des réunions suivantes. Ils scruteront donc avec d’autant plus d’attention la publication vendredi du rapport mensuel sur l'état du marché du travail aux Etats-Unis, juge Pat Donlon, qui estime qu’il «sera intéressant de voir quelle sera la réaction du marché». En attendant, «ce ne sont pas seulement les chiffres de l’emploi qui enthousiasment Wall Street: le candidat du président Trump au poste de gouverneur de la Fed est en passe d'être confirmé rapidement», note Jose Torres, d’Interactive Brokers. Conseiller de Donald Trump, Stephen Miran a jusqu’ici été un défenseur zélé de l’agenda économique du président américain, qui comprend des droits de douane élevés et des pressions permanentes sur la Fed, sommée de baisser les taux directeurs pour favoriser l’emprunt et soutenir l’activité. Sur le marché obligataire, le rendement des emprunts d’Etat américains à échéance 10 ans se détendait à 4,16%, contre 4,21% mercredi en clôture. Côté entreprises, la plateforme américaine de design collaboratif Figma (-19,92% à 54,56 dollars) a plongé après la publication de ses premiers résultats trimestriels depuis son introduction à la Bourse de New York fin juillet. L'éditeur de logiciels a pourtant dépassé les attentes à la fois sur son chiffre d’affaires du deuxième trimestre et sur ses prévisions pour le trimestre en cours. La marque de jeans American Eagle a été propulsée (+37,96% à 18,79 dollars) après avoir publié des résultats trimestriels globalement meilleurs qu’attendu. Cette marque s’est récemment retrouvée au cœur d’une polémique après une campagne publicitaire avec l’actrice Sydney Sweeney. Certains internautes ont accusé American Eagle de promouvoir l’eugénisme et des idéaux de suprématie blanche, tandis que d’autres l’ont au contraire saluée pour ce qu’ils considèrent comme une réaffirmation des valeurs traditionnelles. L'éditeur de logiciels américain Salesforce a glissé franchement (-4,85% à 244,01 dollars), malgré des résultats conformes aux attentes du marché. Les investisseurs ont surtout été déçus par les prévisions du groupe. Nasdaq © Agence France-Presse -
La Bourse Wall Street clôture en hausse, stimulée par l’emploi américain et l’espoir d’une Fed plus accommodante
Washington - La Bourse de New York a terminé en hausse jeudi, portée par les chiffres de l’emploi privé aux Etats-Unis, qui ont renforcé les anticipations d’un assouplissement monétaire de la banque centrale américaine (Fed). Le Dow Jones a pris 0,77% et l’indice Nasdaq a gagné 0,98%. L’indice élargi S&P 500 a quant à lui avancé de 0,83%, établissant un nouveau record en clôture à 6.502,08 points. Nasdaq © Agence France-Presse -
Médicaments non utilisés : jusqu'à 1,7 milliard d'euros gaspillés chaque année selon la Cour des comptes
Paris - Les médicaments prescrits en ville mais non consommés représentent chaque année en France entre 561 millions et 1,7 milliard d’euros, selon une évaluation de la Cour des comptes publiée jeudi qui appelle à identifier les produits les plus jetés et les raisons de ce gaspillage. A ce jour, «les modalités de collecte et de traitement des médicaments non utilisés ne permettent pas de connaître de manière précise les montants et la nature des dépenses de médicaments qui auraient pu être évités», souligne la Cour des comptes. Son évaluation des coûts a été réalisée à partir des quantités de médicaments non utilisés collectées par l’organisme Cyclamed chargé de leur récupération. La facture atteint jusqu’à 1,7 milliard d’euros si le calcul prend en compte tous les médicaments mais elle tombe autour de 561 à 788 millions d’euros si les plus coûteux en sont exclus, détaille la Cour des comptes. Le volume de médicaments jetés et collectés par Cyclamed représentait 8.503 tonnes en 2023. Le potentiel de réduction de ces déchets peut être évalué entre 224 millions à 867 millions d’euros, selon l’enquête conduite par la Cour des comptes. Il est «indispensable que les pouvoirs publics améliorent leur connaissance de l’usage des produits de santé, prescrits, dispensés et remboursés, et comprennent pourquoi certains d’entre eux ne sont pas utilisés», écrit l’instance de surveillance des finances publiques. Elle préconise de s’appuyer sur l’expertise de Cyclamed pour quantifier les médicaments non utilisés, évaluer la proportion des médicaments périmés, identifier les produits les plus gaspillés et en déterminer les raisons afin de «susciter des mesures de prévention». La redistribution des médicaments non utilisés pourrait être, selon elle, «une mesure prometteuse», en particulier pour les médicaments coûteux ou très prescrits. De même, certains dispositifs médicaux (béquilles, fauteuils roulants, déambulateurs etc..) pourraient être réutilisés, remis en état ou recyclés pour récupérer au moins leurs composants, préconise le rapport. Parmi ses autres recommandations pour un meilleur usage des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux), la Cour des comptes propose d’inciter les industriels à adapter les conditionnements et les délais de péremption. Les produits de santé ont représenté un coût de 36,05 milliards d’euros pour l’assurance maladie en 2023, dont 25,26 milliards au titre des médicaments et 10,79 milliards au titre des dispositifs médicaux. Le gouvernement vise une réduction des dépenses de santé de l’ordre de cinq milliards d’euros l’an prochain. © Agence France-Presse