
Après SVB, la Fed durcit les règles pour les grandes banques

Quatre mois après la faillite de Silicon Valley Bank (SVB), la Réserve fédérale (Fed) durcit la réglementation bancaire. Michael Barr, vice-président de la banque centrale en charge de la supervision, a annoncé, le 10 juillet dans un discours très attendu, des exigences en capital plus strictes pour les établissements de crédit dont les actifs dépassent 100 milliards de dollars.
Engagés il y a neuf mois, les travaux de la Fed sur la réglementation bancaire se sont heurtés à une actualité spectaculaire. La chute de SVB, puis de Signature Bank et de First Republic, a déclenché en mars un vent de panique dans le secteur des banques régionales américaines. Pour circonscrire l’incendie, les autorités de Washington ont dû déroger à leurs principes, en garantissant sans limite les dépôts chez SVB, puis en permettant à JPMorgan de franchir le plafond de 10% de parts de marché des dépôts pour jouer les chevaliers blancs chez First Republic. Devenue en quelques années la 16e banque américaine, SVB avait profité de l’assouplissement de la réglementation bancaire sous l’administration Trump pour passer sous les radars : son bilan restait inférieur à 250 milliards de dollars, ce qui l’exemptait de la plupart des exigences en liquidité et en capital.
Modèles standard
Michael Barr propose donc de renforcer les règles applicables aux banques et aux holdings bancaires de plus de 100 milliards de dollars de bilan – contre 700 milliards aujourd’hui pour le seuil le plus élevé de la réglementation. D’abord en durcissant la méthode de calcul des risques de crédit et de marché des banques, qui servent à déterminer les ratios de solvabilité. Des modèles standard seraient appliqués, plutôt que des modèles internes qui conduisent leurs utilisateurs à minorer leurs actifs pondérés par le risque.
Autre changement notoire, les plus et moins-values latentes des titres détenus dans le portefeuille de trading (available-for-sale, AFS) des banques viendraient s’imputer directement sur leurs fonds propres réglementaires. «Cela permettrait de mieux appréhender la capacité d’absorption des pertes des organisations bancaires», a souligné Michael Barr dans son discours. Ce point a constitué le déclencheur de l’effondrement de SVB. La banque californienne, gorgée d’emprunts d’Etat américains, enregistrait de fortes moins-values sur ce portefeuille. Elle a cristallisé ses pertes lorsqu’il lui a fallu vendre des titres pour faire face aux retraits de ses clients.
La Réserve fédérale propose également des ajustements techniques concernant le calcul des coussins de capitaux pour les banques systémiques mondiales (G-SIB) ainsi que la part des dettes long terme dans le financement des groupes bancaires.
Au total, selon Michael Barr, ces nouvelles règles équivaudraient à accroître de 2%, ou «2 dollars pour 100 dollars d’actifs pondérés par le risque», les fonds propres réglementaires. «Bien que ce renforcement des exigences puisse entraîner certains changements dans les activités des banques, mieux vaut rendre le système financier plus résistant aux tensions, qui pourraient autrement nuire à la croissance», fait valoir le dirigeant. Michael Barr souligne qu’à profits constants la plupart des prêteurs concernés pourraient couvrir les nouvelles exigences en moins de deux ans, sans toucher à leur dividende.
Lobbying efficace
Mais rien n’est encore gravé dans le marbre. Les propositions devront être adoptées par les différents régulateurs bancaires : Fed, Federal Deposit Insurance Corp et Office of the Comptroller of the Currency. Un processus durant lequel les lobbyistes du secteur bancaire, toujours très efficaces aux Etats-Unis, pourront faire valoir leurs vues. Lundi, Michael Barr a devancé deux de leurs arguments : le risque de fuite d’activités vers la finance non bancaire et la faillite de la supervision dans l’affaire SVB, en soulignant que, dans les deux cas, la réponse ne consiste pas à moins réguler les banques.
Le point d’atterrissage de cette réforme, que les événements de mars 2023 rendent indispensable, sera surveillé de près de ce côté-ci de l’Atlantique. Les gendarmes bancaires ont eu beau jeu d’y souligner, au printemps, que seulement 13 grandes banques américaines, contre la totalité des banques de l’Union européenne, appliquent les standards internationaux de Bâle 3, dont Michael Barr a rappelé lundi l’utilité. «Nous attendons avec grand intérêt le prochain paquet américain», glissait malicieusement François Villeroy de Galhau le 5 juillet, lors du Paris Finance Forum de Paris Europlace. Voilà l’industrie financière servie.
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