Le fonds souverain norvégien confesse le patron de BlackRock

Larry Fink se livre au micro de Nicolai Tangen. Dialogue inédit entre les patrons des deux géants de l’investissement dans le monde.
Thibaud Vadjoux
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Que se disent le directeur du plus grand fonds souverain et le patron de la plus grosse société de gestion au monde? Dans le dernier épisode de la série de podcasts de Nicolai Tangen, directeur du fonds souverain norvégien (1.300 milliards dollars d’actifs sous gestion), Larry Fink, directeur de BlackRock (8.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion) fend l’armure. L’homme le plus puissant de Wall Street évoque son rôle de grand-père, proche de ses sept petits-enfants. Il aime la famille et les relations humaines dans sa vie professionnelle. «Le monde a besoin de se parler. On doit pouvoir discuter avec les clients,les régulateurs, la société civile, pour chercher le consensus, éviter les extrêmes, donner de l’espoir, surtout aux épargnants aujourd’hui», partage-t-il. Larry Fink apprécie ceux qui osent parler de leur «vulnérabilités ». Lorsqu’il reçoit un nouveau salarié pour l’entretien d’embauche final, il lui demande : « qu’est-ce qui n’apparaît pas dans votre CV dont vous devriez me parler?». Aux managers et salariés, il appelle à dépasser les individualités et créer un esprit d’équipe. Il adore Phil Jackson, ancien joueur de basket et entraîneur des Chicago Bulls et des Los Angeles Lakers, multiples vainqueurs NBA. Côté spectacle, c’est Bruce Springsteen qui touche la corde sensible du millionnaire. Larry Fink a commencé à travailler dans le magasin de chaussures de son père. «On apprend le sens du service aux clients, savoir ce qu’ils veulent », glisse-t-il. La formule n’a pas changé. Il assure penser d’abord tous les jours à sa responsabilité fiduciaire vis-à-vis de ses clients. Donner le pouvoir de vote aux clients A propos du climat, Larry Fink prend des positions modérées alors que la société de gestion est visée par certains Etats et fonds de pension américains hostiles au développement de l’ESG. «Je ne crois pas que notre travail serait d’avoir une influence sur les émetteurs. Notre responsabilité est d’apporter aux clients les informations sur les risques ESG», affirme-t-il. Pour le patron de Wall Street, la transition énergétique est avant tout de la responsabilité du politique. «Je ne crois pas au scope 3 des émissions de gaz à effet de serre (émissions financées, ndlr). Ce n’est pas aux actionnaires de jouer le rôle de police de l’environnement auprès des entreprises. Je connais mon scope 1 et 2, cela me suffit (émissions directes, ndlr)», ajoute-t-il. La société de gestion qui a doublé son équipe d’engagement actionnarial en 2018, préfère laisser le choix du vote ESG à ses clients (programme Voting Choice), comme Larry Fink l’explique dans sa dernier lettre aux clients et entreprises. BlackRock ne croit pas dans les désinvestissements des secteurs du pétrole et gaz. «Le monde va avoir un besoin important d’hydrocarbures pour une transition juste. Le gaz jouera un rôle de long terme dans cette transition. Aux Etats-Unis, le complexe énergétique est très important et je comprends que des gouverneurs, dont le mandat n’est que de quatre ans, cherchent à défendre leurs économies locales», explique-t-il. Larry Fink soutient plutôt les investissements dans les technologies de décarbonation,séquestration et captation des gaz à effets de serre, ainsi que dans l’hydrogène vert. A propos des salaires des grands PDG,Larry Finck préfère laisser le marché globalisé, la transparence et la concurrence, agir. «Les salaires des patrons doivent être complètement alignés sur les objectifs de performance. En cas de contreperformance, la sanction doit être là», soutient-il. Larry Fink se souvient de la banque d’affaires First Boston qu’il dirigeait à 31 ans et qui a perdu 100 millions de dollars. «Nous avions pris trop de risques et nous aurions dû être virés. Aujourd’hui, nous sommes très fiers de notre système élaboré de gestion des risques chez BlackRock», affirme-t-il. Cependant, à ses yeux, les Etats-Unis restent très attractifs pour les jeunes diplômés et les entreprises car les salaires peuvent être élevés et l’innovation peu contrainte. Cela ne l’empêche pas de s’imaginer passer du côté institutionnel public, même si le salaire est plus faible. «Je suis jaloux, j’aimerais bien faire comme toi un jour!», lance-t-il au patron du fonds souverain norvégien. Le fonds souverain détient 1,2 milliard de dollars d’actions BlackRock soit 0,86% du capital et droits de vote.

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