
Deezer met la dernière note à son entrée en Bourse

Deezer veut mettre toutes les chances de son côté. Dans un contexte économique tourmenté, la plateforme de streaming musical s’apprête à s’introduire à la Bourse de Paris, où elle sera cotée sur Euronext à partir de ce 5 juillet. Cette opération va se dérouler sept ans après une première tentative avortée en 2015.
L’opération sera réalisée par le biais d’une fusion avec une société d’investissement cotée (Special purpose acquisition company, Spac), I2PO. Le Spac, entré en Bourse en juillet 2021, a déjà levé 275 millions d’euros. Il a été fondé par la famille Pinault, l’homme d’affaires Matthieu Pigasse, et Iris Knobloch, ancienne dirigeante de Warner Media, qui vient de prendre la présidence du festival de Cannes en juillet.
Le rapprochement entre I2PO et Deezer a été approuvé lors d’une assemblée extraordinaire des actionnaires de I2PO, jeudi 30 juin.
La nouvelle société cotée, issue de la fusion avec I2PO, devrait atteindre une valeur d’entreprise de 1,06 milliard d’euros. Deezer bénéficiera, à la suite de la réalisation de la fusion, de la trésorerie détenue par I2PO et des fonds levés via un placement privé (le Pipe, pour private investment in public equity) souscrit par la plupart des actionnaires existants de Deezer comprenant Access Industries, UMG, Warner Music, Orange, Kingdom Holdings, Eurazeo et Xavier Niel, ainsi qu’un groupe sélectionné d’investisseurs long terme français et internationaux dont la holding de la famille Pinault Artémis, Bpifrance et Media Participations.
Les partenaires ont sécurisé une levée de « 143 millions d’euros, dont près de 120 millions d’euros levés à travers un placement privé » dans le cadre de cette transaction, soit plus que les 135 millions d’euros annoncés comme acquis en avril dernier, indique à L’Agefi Pierre Pasqual, partner chez Centerview, banque conseil d’I2PO - dirigée par Matthieu Pigasse - aux côtés de la Société Générale.
Le recours à ce mode opératoire a permis d’assurer l’entrée en Bourse de Deezer dans un contexte économique incertain, entre l’environnement macro, la baisse des valeurs technologiques, et la guerre en Ukraine. « Ceci a permis de sécuriser les financements nécessaires avant l’opération avant de devenir public », souligne Pierre Pasqual.
Rentabilité attendue pour 2024
Mais Deezer aura plusieurs défis à relever. Notamment celui de retrouver le chemin de la rentabilité. Sur l’année 2021, l’entreprise tricolore a cumulé 123 millions d’euros de pertes pour un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros. Elle ne communique pas ses résultats pour le premier trimestre 2022 – qui ne seraient pas encore consolidés. Mais elle vise le retour à la rentabilité « d’ici 2024 ». « Son chiffre d’affaires 2021 est un paramètre de l’équation. Deezer a besoin de fonds, dont pour financer sa nouvelle stratégie. Se coter va lui permettre d’accéder à du capital, et de ne plus dépendre que d’actionnaires privés », argumente Pierre Pasqual.
D’ailleurs, sa valorisation attendue aujourd’hui est à peine plus élevée que celle de 2015, alors à 1 milliard d’euros.
Deezer devra aussi grossir. Quinze ans après sa création, le service de streaming musical sur abonnement revendique 9,6 millions d’abonnés. Un chiffre à relativiser, puisque sur ce total, 3,9 millions sont « abonnés » via ses partenaires, tels Orange et SFR en France, selon son document remis à l’AMF.
Deezer pèse au total environ 2% du marché mondial du streaming, dominé par le suédois Spotify (31% de parts de marché), et les géants technologiques Apple et Amazon.
« Malgré un environnement concurrentiel fort, le taux de pénétration du streaming musical va être multiplié par deux ces dix prochaines années. La croissance de demain est un réservoir gigantesque », avance Pierre Pasqual.
Avec cet argent frais, Deezer compte développer sa technologie, et croître à l’étranger, grâce à des partenariats BtoB avec des télécoms et des groupes de médias. « Notre modèle de développement consiste à conquérir de nouveaux marchés via des partenaires : ils peuvent proposer à leurs clients notre service de streaming musical, et nous, nous accédons à leurs bases d’abonnés », résume Stéphane Rougeot, le directeur général adjoint de Deezer.
En fait, Deezer applique déjà ce modèle depuis ses débuts : il a actuellement des partenariats avec les opérateurs télécoms Orange et SFR en France, TIM au Brésil, et depuis peu RTL en Allemagne. Il compte recourir à ce système de partenariats BtoB pour s’étendre à l’international. Il vise ainsi « quelques grands pays européens, comme le Royaume Uni, l’Italie et l’Espagne », ainsi que l’Amérique du Nord, selon Stéphane Rougeot.
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En Nouvelle-Calédonie, des tensions autour de l’accord de Bougival et du report des élections provinciales
Nouméa - Le parti indépendantiste Union calédonienne (UC) a qualifié dimanche de «stratégie de manipulation» la publication samedi au Journal officiel de l’accord de Bougival sur l’avenir institutionnel de cet archipel du Pacifique sud, texte qu’il avait rejeté. «Manuel Valls persiste dans sa stratégie de manipulation et tente de transformer un projet contesté en loi constitutionnelle, contre la volonté des indépendantistes et du peuple kanak», a réagi dans un communiqué l’Union calédonienne, principale composante du mouvement indépendantiste Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Cette publication au JO «marque une étape importante puisque l’accord continue de progresser vers sa mise en œuvre concrète», s’est félicité samedi auprès de l’AFP le ministre des Outre-mer Manuel Valls. L’accord de Bougival a été validé dans un premier temps le 12 juillet par l’ensemble des participants, au terme de dix jours de négociations. Mais le 9 août, les militants du FLNKS ont rejeté le texte, estimant qu’il était «contraire aux fondements de la lutte indépendantiste». Deux rencontres à Nouméa fin août entre Manuel Valls et des représentants du mouvement n’ont pas permis d’infléchir cette position. La publication du texte au JO va notamment permettre au Sénat «d’examiner sa proposition de loi organique permettant le report des élections provinciales en juin 2026", a précisé M. Valls. Le texte prévoit également l’ouverture du corps électoral, dossier extrêmement sensible dans l’archipel, qui avait entraîné la crise insurrectionnelle de 2024. «Comme par enchantement, le projet est devenu Accord de Bougival et a été publié au Journal officiel, donnant l’illusion d’une légitimité juridique, dénonce l’UC. Mais un texte dont les signataires sont inconnus et dont le contenu est flou ne peut servir de base à un report arbitraire des élections.» Le 12 juillet, les représentants de toutes les formations politiques présentes ont signé un «engagement à défendre le texte» portant la mention «projet d’accord» à leur retour en Nouvelle-Calédonie. «Nous dénonçons ici les méthodes colonialistes et dilatoires de l’État français, qui cherchent à imposer ses choix en violation du droit international et de l’esprit de l’accord de Nouméa», conclut l’UC. L’accord de Bougival doit être soumis à l’approbation des Calédoniens par référendum début 2026. Il nécessite une réforme constitutionnelle qui devra être adoptée par le congrès réuni à Versailles d’ici à la fin de l’année pour que le calendrier soit tenable. A l’exception du FLNKS, le texte reste défendu par l’ensemble des formations calédoniennes, y compris les indépendantistes de l’Union nationale pour l’indépendance. Interrogé dimanche au Grand Jury RTL/M6/Le Figaro/Public Sénat, Manuel Valls a estimé que «le seul danger (...) est que la situation politique nationale fasse dérailler les engagements que nous avons pris». «Je ne veux pas faire un accord contre le FLNKS (...) mais d’abord, la délégation du FLNKS emmenée par Emmanuel Tjibaou avait donné son accord pour (le) défendre (...). Ensuite, des organisations historiques indépendantistes comme le Palika ou l’UPM soutiennent cet accord», a-t-il souligné, estimant que le FLNKS avait «changé» en accueillant dans ses rangs de «petites organisations radicales». «Quand le Sénat et l’Assemblée auront fait en sorte que les élections provinciales soient renvoyées au mois de juin, je pense que nous pouvons trouver des accords pour (...) aller dans le sens d’un certain nombre d’attentes du FLNKS», a-t-il toutefois ajouté. Il a également jugé «possible» la réforme constitutionnelle, estimant qu’il «n’y avait pas d’autre voie parce que des risques de guerre civile existent toujours». © Agence France-Presse