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Carve-out : anticiper les effets liés à l’évaluation des activités isolées, un exercice d’équilibriste ?

Dans un contexte de coût du financement bancaire en forte augmentation (au cours des 18 derniers mois, l’OAT 10 ans a augmenté de 278 points de base) et de durcissement des conditions d’obtention des financements, les entreprises analysant la possibilité d’un carve-out (« détourage ») d’une partie de leurs activités pour financer leur stratégie de croissance sont nombreuses. Les modalités de sortie peuvent évoluer en fonction de considérations stratégiques propres à chaque acteur et de sa volonté de rester aux commandes ou non, et se traduit par divers schémas post carve-out : cotation en Bourse, recherche de partenaires pour une joint-venture, ou cession pure et simple.
S’il s’agit là d’une problématique rencontrée par les grands groupes cotés multi-activités, les sociétés privées en recherche de financements sont également incitées à se saisir du sujet.
Dans ce contexte, l’anticipation de l’évaluation des composantes de l’activité isolée est clé pour maîtriser la cohérence et les effets du processus de carve-out, d’un point de vue transactionnel, juridique et fiscal, mais aussi comptable (entre autres).
L’enjeu, du point de vue de l’évaluation, tient à la cohérence par sommes des parties de l’ensemble des composantes de l’activité isolée : actifs incorporels (marques, technologies, contrats clients, fonds de commerce…), actifs corporels (biens immobiliers, sites industriels, ...), titres de filiales, besoin en fonds de roulement et dette financière nette apportés en date des opérations d’apports ou cessions. Avoir une vision d’ensemble, construite comme la somme de l’ensemble des apports et réconciliant avec la valeur cible d’ensemble, permet de gérer les apports et leurs impacts au mieux.
Cerner la valeur cible
Le point de départ de l’analyse est donc la valeur cible de l’ensemble à isoler. Cette valeur n’est généralement pas une donnée connue au moment des travaux de carve-out, qui s’articulent en amont du processus de cession. Cependant, définir un point de référence pour l’ensemble est clé afin de calibrer l’approche et l’Equity Story qui sous-tend la valorisation des apports. Elle affecte la hiérarchie des actifs et activités : par la sélection des sociétés cotées comparables utilisées par exemple, par les tendances sectorielles retenues pour calibrer les ambitions intégrées dans le plan d’affaires, ou encore par le poids alloué à la valeur des actifs incorporels également, pour ne citer que ces exemples. Cette valeur cible d’ensemble peut être mouvante, au gré du processus M&A et des turpitudes des négociations, ce qui suppose une agilité dans la modélisation financière et la traduction de l’allocation de la valeur d’ensemble à ses composantes. Cette agilité suppose d’identifier ab initio les risques et zones d’ambition qui pourront donner lieu à des sensibilités au gré des négociations, qui deviendront les variables d’ajustement des évaluations afin de traduire au plus juste une vision de marché de la valeur de chaque apport.
Une fois la valeur cible calibrée, la deuxième difficulté de l’approche réside dans l’allocation de cette valeur en cohérence avec les actifs faisant l’objet d’apports ou cessions. La structuration juridique des apports définit (i) le besoin d’estimations à la valeur réelle dans le cadre des opérations (par opposition aux valeurs nettes comptables), mais aussi (ii) la qualification des objets apportés (actifs isolés, branches d’activités complètes et autonomes, ou encore participations dans des filiales par exemple). La méthode d’évaluation la plus pertinente compte tenu de l’actif évalué et de ses caractéristiques varie fortement en fonction de cette qualification. Par exemple, une technologie pourra faire l’objet d’une évaluation isolée par la méthode des redevances sur une durée finie si elle est apportée dans le cadre d’un apport d’actif isolé, mais elle pourra aussi être intégrée à une évaluation plus globale d’une branche d’activité de R&D évaluée par Discounted Cash Flows sur une durée infinie. En fonction de l’approche retenue, les implications fiscales peuvent varier considérablement.
L’évaluation doit en outre refléter le modèle opérationnel cible de l’activité isolée de façon autonome. Le cas échéant, afin de minimiser les risques fiscaux, les nouvelles politiques de prix de transfert ont ainsi vocation à être anticipées et reflétées dans les évaluations de chaque objet – qui s’appuient sur des états financiers historiques et l’allocation du plan d’affaires consolidé du périmètre par objet reflétant ce modèle cible. A ce titre, la cohérence du dossier (i.e. l’adéquation entre les états financiers historiques et prospectifs de référence pour le carve-out et ceux retenus pour les vendor due diligences) a vocation à être assurée ou a minima une réconciliation pourra être préparée.
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Anticipation et coordination
Enfin, dernier élément d’analyse de cohérence, les implications comptables des opérations envisagées ont vocation à être analysées. Les indications de dépréciations ou de plus-values significatives dans les comptes consolidés (goodwill) ou sociaux (actifs incorporels ou corporels, titres de participations) pourront donner lieu à de plus amples analyses pour s’assurer de leur substance réelle. Les méthodes d’évaluation pourront être comparées aux méthodes retenues par le groupe pour mener à bien ses propres tests de dépréciations annuels afin d’en analyser la pertinence et la comparabilité au cas d’espèce. Au titre des éléments expliquant des divergences d’évaluation, la principale réside dans la différence de date d’évaluation, pouvant donner lieu à des modifications de marchés ou d’activité.
Si l’on ajoute à cela les éventuelles synergies additionnelles et les intentions des acquéreurs potentiels – qui peuvent diverger de celles du cédant – et leurs impacts sur les évaluations d’actifs, la réconciliation avec le prix cible devient épineuse et matière à interprétations.
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Pourtant, cette anticipation de l’ensemble des enjeux des opérations de carve-out est d’autant plus importante que ces indications de valeurs pourront transparaître au gré des opérations : dans les comptes consolidés, dans les comptes sociaux, … tant de sources d’informations qui donnent des premiers éléments de valorisation avant même que l’opération principale visée ne soit parfois finalisée dans son intégralité. La visibilité de ces opérations à valeur de marché est d’ailleurs un trigger pour la structuration même des opérations - la boucle est bouclée !
En synthèse, l’anticipation et la coordination sont certainement les maitres mots d’un carve-out réussi, qui suppose une coopération au quotidien des équipes opérationnelles, finances, juridiques, fiscales et comptables, et de leurs conseils.
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États-Unis : les démocrates publient une lettre attribuée à Trump pour l’anniversaire de Jeffrey Epstein
Washington - Une lettre attribuée à Donald Trump à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 a été rendue publique lundi par des parlementaires démocrates, alors que le président américain en avait démenti l’existence en juillet, en pleine polémique sur ses liens avec le délinquant sexuel. La lettre, obtenue par les membres démocrates d’une commission de la Chambre des représentants, montre une esquisse de buste féminin avec des citations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump, deux figures alors de la jet-set new-yorkaise, avec la signature du futur président américain au pied de la note. L’affaire Epstein, du nom du financier new-yorkais mort en prison en 2019 avant son procès pour crimes sexuels, enflamme de nouveau les Etats-Unis depuis que le gouvernement de Donald Trump a annoncé début juillet n’avoir découvert aucun élément nouveau qui justifierait la publication de documents supplémentaires ou le lancement d’une nouvelle enquête dans ce dossier. La mort, par suicide selon les autorités, de Jeffrey Epstein a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Selon le Wall Street Journal, qui avait le premier révélé en juillet l’existence de la lettre, celle-ci a été envoyée par les légataires de Jeffrey Epstein à une commission du Congrès ayant exigé auprès d’eux d’obtenir de nombreux documents liés à l’affaire. «Merveilleux secret» Après les révélations du quotidien américain, Donald Trump avait nié être l’auteur de la lettre et avait attaqué le «WSJ» pour diffamation, ainsi que son patron Rupert Murdoch, leur réclamant au moins 10 milliards de dollars de dommages-intérêts. Le texte de la missive représente un échange imaginaire entre Donald Trump et Jeffrey Epstein, dans lequel le premier dit: «Nous avons certaines choses en commun Jeffrey». «Les énigmes ne vieillissent jamais, as-tu remarqué cela», dit-il également avant de conclure: «Joyeux anniversaire. Que chaque jour soit un autre merveilleux secret». Après avoir promis à ses partisans pendant sa campagne présidentielle des révélations fracassantes sur cette affaire, Donald Trump tente aujourd’hui d'éteindre la polémique, qu’il a de nouveau qualifiée récemment de «canular» monté par l’opposition. Les élus démocrates qui ont publié la lettre lundi ont exhorté le président républicain à faire la lumière sur l’affaire. «Trump parle de merveilleux secret que les deux partageaient. Qu’est-ce qu’il cache? Publiez les documents!», ont-ils écrit sur X avec une image de la lettre. Taylor Budowich, un conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche, a réagi en affirmant que la signature en bas de page ne correspondait pas à celle du président. «DIFFAMATION!», a dénoncé sur X le responsable. Le très populaire podcasteur conservateur Charlie Kirk a également mis en doute la véracité de la lettre. «Est-ce que ça ressemble à la vraie signature du président. Je ne crois pas du tout», a-t-il lancé sur X, estimant que celle-ci avait été «falsifiée». Robin LEGRAND © Agence France-Presse -
Après la chute de Bayrou, des rassemblements improvisés dans plusieurs villes de France
Paris - Des manifestants fêtent lundi soir dans différents endroits de France la chute du gouvernement de François Bayrou devant des mairies, à l’appel du mouvement «Bloquons tout» le 10 septembre. A Nantes, quelque 300 personnes, selon la préfecture, se sont rassemblées en début de soirée, en musique et sous des pancartes marquées «Bye bye Bayrou» et «le 10/09 on bloque tout», quelques confettis survolant le regroupement. «On en profite pour échanger sur les différentes actions prévues le 10 septembre, les informations circulent», rapporte Inès Guaaybess, 30 ans, qui prévoit de se mobiliser mercredi. A Rennes, quelques centaines de personnes, pour beaucoup des étudiants, se sont réunis place de la mairie autour d’une table avec quelques bouteilles et du pain, sur fond de musique et de confettis. Les manifestants se sont ensuite rendus place Sainte-Anne au centre ville, haut lieu de la vie étudiante rennaise. «On est au bout du système» avec «une alternance droite gauche qui ne remet pas en cause le côté capitaliste libéral. Il va falloir bifurquer», assure Jérémie, ingénieur de 37 ans, venu en vélo avec son enfant. A Paris, des rassemblements étaient organisés devant plusieurs mairies d’arrondissement. Dans le 20e, au moins 200 personnes se sont réunies place Gambetta dans une ambiance bon enfant. «C’est une grande victoire ce soir! Le prochain gouvernement devrait penser aux pauvres et aux retraités. Tout est cher, tout augmente. Macron, je voudrais qu’il s’en aille, pourtant j’ai voté deux fois pour lui pour faire barrage» à l’extrême droite, explique Amina Elrhardour, 60 ans. Selon Marius, 25 ans, «il y a vraiment de la démocratie locale qui s’organise» en vue du 10 septembre, tandis que Xavier Keller, 25 ans lui aussi, dit que «le Nouveau Front populaire doit gouverner. On est capable de faire accepter un budget de gauche, je n’ai aucun doute là-dessus». A Bordeaux, plus d’une centaine de personnes, dont de très nombreux jeunes, ont applaudi et crié de joie à l’annonce de la chute du gouvernement Bayrou, au son d’une fanfare. «Il faut qu’on soit visible, on est nombreux à en avoir ras le bol et n’avoir plus confiance en Macron», lance Mathilde, trentenaire ceinturée d’une banane Confédération paysanne. Un rassemblement a également été organisé en fin d’après-midi à Pau, ville dont M. Bayrou est le maire. Le chef de l’Etat a dit vouloir nommer un nouveau Premier ministre «dans les tout prochains jours». © Agence France-Presse