
Universwiftnet, 20 ANS : Le défi du yo-yo des taux


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Moindre rémunération
Côté placements, le choc des taux négatifs a posé une équation inédite, « l’option idéale était le compte à terme ou CAT à taux fixe, et à plus long terme possible », se remémore David Guyot, directeur général du courtier en placements de trésorerie d’entreprise Pandat Finance. Un tel produit devait être renégocié en phase de remontée des taux, en respectant le préavis somme toute limité de 32 jours. Et à présent que la courbe des taux est inversée, David Guyot estime qu’il est opportun de « conserver une part de CAT à taux variable à court terme ou de comptes courants rémunérés, aujourd’hui autour de 4 %, tout en allant chercher du 3,2 % environ en taux fixe sur cinq ans, afin de cristalliser cette rémunération ». Certes, « il peut être difficile pour un décideur financier d’entendre ce conseil de moindre rémunération de prime abord ».
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Le service de variabilisation partielle du coût de la dette a un coût mais a du sens dans le contexte actuel
Pour Christophe Combes, responsable à la Société Générale des ventes taux, devises et placements aux moyennes et grandes entreprises en France, « quand le cash ne payait plus, en période de taux négatifs, le meilleur placement consistait à se désendetter ». Pour autant, le banquier pointe qu’une entreprise « se doit de toujours conserver de la trésorerie disponible, et cette vérité en règle générale se renforce avec sa taille ». Cette épargne de précaution peut être alimentée par la levée d’un endettement supérieur au besoin de financement anticipé. « Entre 2008 et 2022, les entreprises ont fait grossir leur matelas de sécurité. Son renouvellement coûte aujourd’hui beaucoup plus cher », souligne Benoît Rousseau, directeur de la trésorerie et des assurances de Bel. Qui avance qu’« aujourd’hui, nous devons nous demander si nous n’avons pas surestimé ce volant de cash, car le coût de portage, différence généralement positive entre taux de financement et de placement, s’est élevé en même temps que les taux ». Sans oublier que « si les taux rebaissent rapidement, nous serons exposés à un fort coût de portage si nous sommes restés à taux fixe ». En attendant, la récente hausse des taux – « et c’est bien l’objectif de la BCE que de contraindre la demande », note Ferdinand Brunet – a en outre resserré l’équation économique de rentabilité espérée des investissements passant par un endettement plus coûteux. « C’est redevenu un sujet, largement mis de côté lorsque l’agent était gratuit », note le banquier, incitant certaines entreprises à patienter dans l’attente d’une baisse des taux.

Il y a près de deux ans, les taux ont bondi vite et fort, de -0,5 % à 4 % environ en un an côté Banque centrale européenne (BCE). « Cela a occasionné un réveil brutal pour tout le monde, nous a fait redécouvrir le risque de taux qui, pendant des années, s’était résumé au risque de crédit », selon Benoît Rousseau. Il glisse avoir dû « en premier lieu faire preuve de pédagogie envers notre management, en expliquant que les frais financiers allaient grimper. Certes, nous disposions, comme nombre d’entreprises, d’un stock de dette à taux faiblemais cela va peu à peu se tarir ».
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Boule de cristal
Comment vont désormais évoluer les taux ? La boule de cristal reste introuvable, et « celui qui pourrait lire l’avenir à ce sujet serait comme toujours très riche », indique Ferdinand Brunet. « Le consensus pointe un actuel pic à 4 % côté BCE. Nous anticipons une baisse à 3 % à fin 2024 avant une stagnation entre 2 % et 3 % en 2025 et 2026 », mise-t-il. « L’attentisme prévaut, relève David Guyot pour Pandat Finance. L’Euribor 12 mois se stabilise à 3,7 % et l’Ester, au jour le jour, à 3,9 %. »
D’ici là, Benoît Rousseau, chez Bel, avance que la politique de partage du financement entre taux fixe et variable « doit toujours se placer en adéquation avec la réalité de l’activité de l’entreprise, il faut déterminer un process et s’y tenir », ce partage étant « différent d’un secteur à l’autre. Les entreprises au cycle d’exploitation court exposées à la variation des prix seront bien inspirées de conserver une part de financement à taux variable, a minima pour un montant correspondant au besoin en fonds de roulement ». « Le rôle du trésorier n’est pas facile, reconnaît Christophe Combes. S’il a pour vocation la maîtrise des charges financières, la sécurité, la visibilité, il semble aussi sain de présenter un mix de financement à taux fixe et à taux variable. »
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Hors de question de négliger des soldes ne rapportant rien
Bel souhaitait émettre de la dette début 2022. Si le déclenchement de la guerre en Ukraine a fermé la fenêtre, le groupe s’est félicité d’avoir mis en place une pré-couverture lui permettant d’« absorber une partie de la hausse des taux », note Benoît Rousseau. Le trésorier s’interroge aujourd’hui sur l’opportunité de « swaper » en taux variable une part de l’émission réalisée en avril dernier, de 350 millions d’euros à cinq ans à coupon fixe de 4,375 %, « car une part des fonds levés va être placée en tant qu’excédent de trésorerie ». Un certain nombre d’entreprises « se posent la question de transformer une part de dette à taux fixe vers du variable, dans l’hypothèse d’une baisse des taux », observe Christophe Combes. Il prévient que « si, à terme, cela peut se révéler intéressant, l’effet initial immédiat est de partir sur un taux variable supérieur souvent de 100 points de base au fixe existant ». Le banquier de la Société Générale valide tout de même l’idée d’une « couverture naturelle via le maintien pour l’entreprise d’une dette à taux variable pour un montant nominal équivalent au placement existant indexé à taux variable ». Le service de variabilisation partielle du coût de la dette « a un coût mais a du sens dans le contexte actuel », estime David Guyot.
Autre aspect d’empreinte de l’évolution des taux sur la vie du trésorier, sous le joug des taux négatifs, « les banques limitaient au maximum les dépôts, rappelle Ferdinand Brunet. Elles pouvaient même faire payer l’argent dormant, cela était étudié au cas par cas dans le cadre de la relation globale avec l’entreprise. » Il fallait alors, se souvient Benoît Rousseau, « répartir au quotidien nos soldes de trésorerie entre le plus de banques possible afin de limiter les intérêts à payer au-delà d’un certain seuil sur chaque compte ». Aujourd’hui, « mais cela nécessite bien entendu d’avoir mis en place une tuyauterie automatisée et exhaustive dite de cash pooling, insiste le trésorier de Bel, nous devons concentrer l’ensemble de nos soldes sur un compte unique par devise afin de maximiser le placement au jour le jour, en ayant pour objectif d’avoir ailleurs des soldes nuls, voire légèrement négatifs ». Il apparaît « hors de question de négliger des soldes ne rapportant rien ». Et de souligner : « Nous avons revisité nos process en interne au niveau de notre cash management central pour nous assurer que nous ne laissions pas de soldes positifs ».
La chasse à la rémunération au meilleur taux des excédents de trésorerie se pratique bien au quotidien. Tout comme il convient de garder un œil sur sa couverture de taux même si les opérations ne sont pas récurrentes. Ce n’est pas parce qu’on agit alors ponctuellement que l’impact de la valse des taux n’est pas à surveiller comme le lait sur le feu par le trésorier. Le yo-yo fait rarement des pauses.
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Munich - Acheter une voiture chinoise sur les Terres de Volkswagen, BMW et Mercedes? «Et pourquoi pas?», sourit la designeuse allemande Tayo Osobu, 59 ans, déambulant dans la vieille ville de Munich, devenue vitrine géante du salon automobile. Venue de Francfort, elle découvre les plus de 700 exposants, dont 14 constructeurs chinois contre 10 européens, qui tentent de séduire le public avec des modèles high-tech dans toutes les gammes de prix. Sur la Ludwigstrasse, deux mondes se font face. D’un côté, le géant chinois BYD, dont les ventes en Europe ont bondi de 250% au premier semestre, expose ses modèles phares, dont l’un, une citadine électrique, se vend à partir de 20.000 euros. De l’autre, Volkswagen, numéro 1 européen en crise, tente de défendre son territoire malgré la chute des livraisons et un plan social historique. Tayo est impressionnée par les finitions des coutures à l’intérieur d’une voiture BYD. Sur la sécurité, aucun doute: «si elles sont vendues ici, c’est qu’elles respectent les normes européennes», répond-t-elle sans hésiter. Qualité au «même niveau» Les marques chinoises maîtrisent une grande partie de leur chaîne de valeur, des batteries électriques aux logiciels embarqués. De plus, elles bénéficient d’une main d'œuvre moins chère et d’économies d'échelle grâce au marché chinois gigantesque. Et fini la réputation de la mauvaise qualité. «Ce qui a changé en cinq ans, c’est qu'à prix inférieur, les Chinois sont désormais au même niveau sur la technologie et la qualité à bien des égards», résume l’expert du secteur Stefan Bratzel. Pour contenir cette offensive, la Commission européenne a ajouté l’an dernier une surtaxe pouvant atteindre 35% sur certaines marques chinoises, en plus des 10% de droits de douane existants. Objectifs visés: protéger l’emploi sur le Vieux continent, limiter la dépendance technologique et préserver l’image des constructeurs européens. Mais BYD contournera bientôt la mesure: sa première usine européenne en Hongrie doit démarrer sa production dès cet hiver. Il est encore «trop tôt» pour parler d’invasion, estime M. Bratzel. Les marques chinoises doivent encore établir «une relation de confiance» avec le public européen, développer des réseaux de concessionnaires et de service après-vente, explique-t-il. Des acheteurs potentiels le disent aussi: «Si on conduit une voiture chinoise, dans quel garage va-t-on en cas de problème?», s’interroge Pamina Lohrmann, allemande de 22 ans, devant le stand Volkswagen où est exposé un ancien modèle de l’iconique Polo. «J’ai grandi avec les marques allemandes, elles me parlent plus», confie cette jeune propriétaire d’une Opel décapotable, dont la famille roule plutôt en «BMW, Porsche ou Mercedes». «Image de marque» L’image des véhicules reste un point faible, mais déjà une certaine clientèle, jeune et technophile, se montre plus ouverte. Cette dernière est convoitée par la marque premium XPeng, lancée en Chine en 2014 : «Nous visons la première vague d’enthousiastes de la technologie», explique son président Brian Gu sur le salon. Loin de baisser les bras, les constructeurs allemands continuent de «renforcer leur image de marque européenne» avec «un héritage» échappant encore aux entrants chinois, explique Matthias Schmidt, un autre expert. Volkswagen a ainsi rebaptisé son futur modèle électrique d’entrée de gamme «ID.Polo», attendu en 2026 autour de 25.000 euros, pour capitaliser sur la notoriété de sa citadine. Et les Européens imitent les Chinois sur l’intégration du numérique, comme le nouveau système d’affichage par projecteur de BMW, et dans la course à la recharge rapide. Ils adoptent aussi les batteries lithium-fer-phosphate (LFP), moins coûteuses, et intègrent de plus en plus de pièces standards chinoises, afin de réduire les coûts et de combler l'écart technologique, note M. Schmidt. «Ce qui compte, c’est que les fonctionnalités et le prix soient convaincants», note Martin Koppenborg, consultant automobile de 65 ans, bravant la pluie sur un stand de BYD, visiblement séduit. Léa PERNELLE © Agence France-Presse