Les trésoriers privilégient la prudence malgré la volatilité de l’euro contre dollar

Depuis un an, les secousses sur la parité ont été gérées par des stratégies plutôt conservatrices.

Euro Dollar
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La parité euro-dollar a souvent surpris les trésoriers ces derniers temps. Fatalement, les couvertures n’ont pas toujours été fixées au meilleur prix. Dans l’ensemble, la prudence a toutefois permis d’éviter les gros écueils. Le fait est que le marché a connu un énorme changement de tendance depuis un an, le dollar contre euro passant de 0,95 à 1,125. « Il n’y a pas si longtemps de cela, on pensait que la paire euro contre dollar allait tutoyer la zone de prix autour de 1,14-1,15 dollar d’ici la fin de l’année. C’était d’ailleurs la cible des trésoriers. Cependant, l’été est passé par là et on voit plutôt la paire amorcer une nouvelle traversée du désert », exposait récemment Olivier Lechevalier, chez Defthedge.

Moins favorable qu’aux Etats-Unis, la réalité économique de l’Europe s’est imposée et cela a pesé sur l’euro en dépit du downgrade de la notation des Etats-Unis par Fitch cet été. « Le niveau actuel à 1,0750 dollar contre euro n’avait pas été vu depuis juin mais il s’agissait alors d’un effet technique alors qu’à présent, il s’agit d’une tendance », confirme Cyril Léger, chez Moneycorp.

Défendre le cours budget

Souvent, échaudés par un contexte secoué, les importateurs - acheteurs de dollars – n’auront pas eu l’occasion de tirer parti des opportunités de marché qui se sont fait jour récemment. Le cours budget avait été déterminé entre septembre et décembre, entre 1 et 1,05, et comme le dollar est monté dès le début de 2023, beaucoup de couvertures ont été prises rapidement. « Les importateurs ont été marqués par l’épisode de baisse de l’Euro dollar sous la parité (en automne 2022), et dès que le cours est revenu à 1,05, ils ont souscrit des couvertures, en décembre dernier, très rapidement pour défendre leur cours budget. La plupart des importateurs était déjà bien couvert quand l’euro contre dollar a touché 1,10 début février et même 1,12 en juillet », relève Solal Huard, CFA, directeur chez Kerius Finance.

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Ainsi, l’épisode de forte baisse de l’euro a mis le risque de change en exergue et orienté les décisions vers des positions « conservatrices ». Avec plus de patience, les couvertures auraient pu être achetées sur des niveaux supérieurs, à 1,10 dès février.

Attentisme

Si parfois, la volatilité avait aussi incité les trésoriers à se couvrir à plus longue échéance, pour d’autres, le contexte incertain a joué comme un frein. «Souvent, les perturbations économiques - mise en place de nouvelles chaînes d’approvisionnement, craintes de problèmes de livraison - ont amené les entreprises à décaler leurs décisions d’achats, et les entreprises ont pris du retard dans leurs décisions de couverture, rapporte Cyril Léger. Toutefois, nos clients qui sont majoritairement des acheteurs de dollars ont pu souvent profiter du niveau de 1,12 atteint en juillet dernier. »

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A l’exportation – vente de dollar contre euro -, la situation a, parfois, été plus claire grâce à l’accès de baisse de l’euro d’il y a un an. « Le pessimisme sur l’euro s’est bien ancré dans les mentalités des trésoriers, les sociétés exportatrices ont pu sécuriser leur exposition sur le pic de septembre 2022 à 0,96 dollar contre euro et chercheront à compléter leur couverture dans la période actuelle », indique Solal Huard. Compte-tenu de la faiblesse de l’économie européenne par rapport à l’économie américaine et de sa politique énergétique, on peut s’attendre à voir l’euro baisser encore vers les 1.05 et plus bas encore sur la fin d’année et le début de la prochaine.

Mais toutes les couvertures pour cette année n’ont pas été prises dès la fin 2022 et la baisse du dollar depuis le début d’année a souvent impacté les exportateurs. « Si certains étaient couverts dès le début de l’année, nombreux sont ceux qui, faute de visibilité ou, du fait d’un cours budget à 1,05 dollar contre euro, ont espéré une hausse du dollar et ne se sont pas couverts avant l’été », rapporte Olivier Lechevalier. L’achat d’une couverture à un niveau défavorable par rapport au cours budget implique, en effet, d’afficher une perte comptable.

Simplicité

L’attitude de prudence des responsables financiers se retrouve dans les solutions de couvertures. «Les entreprises privilégient souvent le change à terme, pour les deux tiers ou les trois quarts environ des besoins », indique Cyril Léger. Il est vrai aussi que la volatilité rend le prix des options excessif. « Les industriels qui sont nos clients ont vu leurs marges entamées par les prix de l’énergie et la hausse des taux, ils ne veulent pas davantage grever leur rentabilité avec des primes et privilégient le change à terme plutôt que les options», indique Solal Huard.

Pour éviter tout biais subjectif, les entreprises suivent des approches systématiques pour leurs couvertures, se protégeant par tranches de 15% ou 20% de leur exposition, selon les fenêtres de marché. Le choix des niveaux auxquels intervenir est également cadré. Les effets psychologiques jouent tout de même. A l’exportation, compte-tenu de la faiblesse de l’économie européenne et de sa politique énergétique, les spécialistes attendent une baisse de l’euro cet hiver avec un point d’ancrage à 1,05 pour les exportateurs.»L’euro contre dollar à 1.05 représente une résistance forte et un seuil psychologique important, après avoir vu la parité remonter à 1.12, indique Solal Huard. Un tel niveau serait une belle opportunité pour les exportateurs pour défendre leur cours budget.» Une ruée sur les couvertures est attendue dès ce niveau atteint...

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