La taille des entreprises en restructuration grandit

Si les défaillances restent contenues, les difficultés n’épargnent pas les grosses PME et les ETI de qualité.

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Les Prêts Garantis par l'Etat ont accru l'endettement des entreprises, augmentant leurs difficultés à se financer  - 

Le retour à la normale du nombre des défaillances d’entreprises françaises était prévu depuis la crise Covid où le «quoi qu’il en coûte» les a gelées. Les chiffres actuels confirment l’évolution attendue, comme dans l’étude annuelle 2023 publiée par EY et AU Group sur le sujet : la remontée progressive des défaillances depuis 2021 doit déboucher sur environ 60.000 cas cette année, soit la moyenne annuelle d’avant la crise.

Mais une nouvelle tendance se dessine, plus inquiétante, avec plus d’entreprises en restructuration et de plus grande taille, comme l’exposaient le 6 mars les participants à une table-ronde sur le sujet «Entreprises en difficulté : l’enjeu critique de la gestion du temps», organisée par l’université de Paris-Dauphine.

«Si le nombre d’entreprises en recherche de fonds propres du fait des difficultés est historiquement stable au cours des dernières années, nous assistons cependant depuis le mois de septembre dernier à une évolution de notre deal flow : un nombre croissant de dossiers mais surtout des PME et ETI de tailles plus significatives qu’auparavant en terme de chiffre d’affaires», déclarait ainsi Franck Kélif, managing partner chez Perceva, qui accompagne des PME et ETI ayant besoin de capital pour se repositionner. Les dossiers traités concernent plutôt des entreprises dont le chiffre d’affaires atteint entre 80 et 250 millions d’euros au lieu de 50 à 100 millions historiquement.

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Prévention

Point positif, ces entreprises ont davantage recours à des procédures de prévention dans le souci d’anticiper les difficultés, même si la boîte à outils très riche en France pour traverser les crises n’est toujours pas suffisamment utilisée. «Comme toujours, les défaillances concernent surtout les TPE et PME mais nous constatons une augmentation de la taille des entreprises qui ont recours aux procédures amiables et confidentielles, mandat ad hoc et conciliation», a souligné Guillaume Cornu, associé, stratégie et transactions chez EY.

Ainsi, les dirigeants, instruits notamment par les difficultés des dernières années, ont gagné en maturité pour anticiper les problèmes et éventuellement consolider leur situation plus en amont. «Aujourd’hui, suite aux événements ayant pesé sur les entreprises – crises des gilets jaunes, du Covid, contexte macroéconomique – les dirigeants des PME et ETI ont clairement intégré que construire un budget constitue un sujet complexe et qu’ils ont affaire à un environnement incertain de façon récurrente, témoigne Franck Kélif. Leur sujet premier est devenu comment sécuriser le financement de leur exploitation et leurs investissements à horizon 12 ou 18 mois et non plus uniquement leur plan d’affaires à horizon de trois ou cinq ans.

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Moins de crédit bilatéral

Mais même si la crise du Covid a permis aux entreprises de s’adapter et de se structurer, d’apprendre à préserver leur trésorerie, l’accumulation des facteurs négatifs semble conduire inéluctablement vers un horizon assombri. «Augmentation des matières premières, inflation, hausse très forte des coûts d’énergie, baisse du pouvoir d’achat, difficultés d’approvisionnement, hausse des taux d’intérêt, risque de crise sociale… - autant de signaux inquiétants qui se cumulent tous en même temps, ce qui est nouveau, observe Guillaume Cornu. Pour autant nous n’anticipons pas de vagues de faillites comme lors de la crise financière de 2008 mais des difficultés accrues et une augmentation des dossiers de restructuring.»

A quoi s’ajoute une moindre facilité à se financer après des années de liquidité abondante. Ainsi, les PGE (Prêts garantis par l’Etat) ont rajouté de l’endettement alors qu’aujourd’hui, compte-tenu du contexte, le niveau d’Ebitda (excédent brut d’exploitation) baisse même à chiffre d’affaires égal. Résultat, les entreprises présentent un ratio de dette sur Ebitda mécaniquement détérioré alors qu’il conditionne l’obtention de financement. «Le soutien bancaire devient donc complexe à obtenir, pour toute entreprise ne présentant pas un historique de crédit favorable au titre des deux dernières années, cela d’autant plus que le recours historique à des relations bilatérales avec les partenaires bancaires ne correspond plus à la logique actuelle des prêteurs qui privilégient aujourd’hui le financement en club deal», constate Frank Kélif.

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