Sisouphan Tran : Ippon et gestion de patrimoine

Sisouphan Tran, 43 ans, est directeur général adjoint du groupe Crystal – Expert et Finance, une société spécialisée dans la gestion de patrimoine et en passe de devenir l’un des plus gros acteurs de ce secteur. Pourtant, la finance n’était, à l’origine, pas une évidence...
Jérémie Gatignol
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 -  GuilhemCANAL

Né au Laos, sixième d’une fratrie de huit frères et sœurs, Sisouphan Tran arrive en France en 1975 à la fin de la guerre du Vietnam, à peine âgé de 6 mois. Il est élevé à Saint-Étienne et ses bons résultats dans les matières scientifiques laisse penser qu’il suivra la tradition familiale et fera des études médicales. « Mais je voulais rompre avec cette tradition. Comme j’étais bon en mathématiques je me suis orienté vers la finance que je connaissais mal mais qui me fascinait », raconte-t-il. Il entame donc des études d’économies qui le mènent à l’école de commerce EM Lyon où il se spécialise en finance de marché. « J’étais le seul de ma famille à faire de la finance je n’avais donc personne pour discuter, m’orienter ou me conseiller comme je peux le faire aujourd’hui avec mes neveux et mes nièces qui s’intéressent à ce milieu », explique-t-il. En 2001, il réalise un stage de fin d’études chez KPMG au Luxembourg, où il effectue une « saison » d’audit financier. Une expérience très formatrice pour le jeune homme d’un point de vue professionnel mais aussi humain dans une ville très cosmopolite dont il conserve encore aujourd’hui d’excellents souvenirs. Huit mois plus tard, plutôt que de valider son diplôme, qu’il finira par obtenir en 2004, il décide de rentrer à Paris pour intégrer le département dérivés actions de la Société Générale. « Chez KPMG, j’avais audité un certain nombre de fonds d’investissements qui utilisaient des dérivés et j’avais beaucoup apprécié cet aspect très technique, explique-t-il. Je souhaitais donc approfondir cela en allant travailler dans une salle de marché. » Les débuts dans les dérivés Sisouphan Tran devient donc commercial sur les produits structurés au desk parisien entre 2002 et 2003, date à laquelle la Société Générale l’envoie à Londres pour s’occuper d’une clientèle plus institutionnelle composée de banques régionales, de compagnies d’assurances, d’asset managers et de fonds de pensions. « Je travaillais toujours sur les dérivés cotés en bourse mais je me suis spécialisé sur la structuration de produits plus complexes car ma clientèle était plus experte. » Les rues de Londres où Sisouphan Tran a passé 10 ansEn 2005, il commence à s’intéresser à la clientèle des IFA (Independent Financial Advisors, les CGP anglais), une clientèle est très mal couverte par les banques françaises. Il propose donc à la Société Générale de lancer Adequity en Angleterre pour partir à la conquête des quelques 42.000 IFA référencés à l’époque. « Je connaissais bien le succès d’Adequity en France et je souhaitais le répliquer en Angleterre », indique-t-il. L’expérience ne connait malheureusement pas le succès escompté et Sisouphan Tran se heurte à la culture anglo-saxonne très attachée à la performance des marchés actions. « À l’époque, les IFA ne comprenaient pas pourquoi ils devaient renoncer à une partie de la performance contre de la protection, la crise de 2007/2008 s’est chargée de leur expliquer », se souvient-il avec un sourire. Lancement de Privalto UK En 2007 justement, Sisouphan Tran est débauché par BNP Paribas Securities Services (BPSS) pour lancer Privalto UK, une offre un peu similaire reposant sur un fonds structuré garanti par des obligations AAA émises par les pays du G7. Pendant 9 mois, il travaille d’arrache-pied avec les équipes de la banque pour un lancement prévu le 15 septembre 2008. « Je me rappellerai toujours de mon arrivée le dimanche 14 septembre dans la salle de marché pour bien m’assurer que tout était en ordre pour le lancement de notre nouvel OPCVM structuré le lendemain, relate-t-il. J’ai trouvé une salle comble et j’ai compris que quelque chose était en train de se passer. Le lendemain, c’était la chute de Lehman Brothers. » Victime collatérale de cette chute retentissante, le lancement de Privalto UK passe inaperçu et le fonds ne collecte pas pendant plus d’un mois. « J’ai cru que c’était la fin de mon aventure chez BNP UK. Pendant plusieurs semaines pas un centime n’arrivait alors que j’avais monopolisé beaucoup de ressources de la banque pour créer cette nouvelle gamme de fonds structurés », se rappelle-t-il. Mais à la mi-octobre, suite à quelques articles de presse favorables, les IFA se penchent sur le dossier Privalto et voyant la garantie G7 se ruent sur le fonds. Pendant 2 mois, le fonds collecte plus d’un million d’euros par jour et caracole dans le top 10 de la collecte de plusieurs plateformes de distribution à côté de mastodontes du secteur. Un succès énorme qui pousse les dirigeants de BNP Paribas à confier une nouvelle équipe à Sisouphan Tran, sur une thématique identique mais auprès d’une clientèle composée cette fois d’assets managers et de gérants discrétionnaires. « Le succès a été encore plus important que pour Privalto et BNP Paribas a décidé de concentrer ses efforts sur ce business », indique Sisouphan Tran. Entraînement au Kodokan le temple du judo au JaponC’est durant cette période que ce dernier fait la rencontre de Bruno Narchal, président du groupe Crystal – Expert et Finance. « Les changements réglementaires sur les IFA avec la suppression des rétrocommissions étaient en cours depuis 2006, explique-t-il. J’étais le référant pour BNP Paribas auprès de la clientèle française et j’animais donc une conférence à ce sujet tous les ans pour les plus grands distributeurs français à Londres via l’APECI. C’est là que j’ai rencontré Bruno Narchal pour la première fois. » En 2013, BNP Paribas demande à Sisouphan Tran de rentrer en France pour reprendre la direction de Privalto dans l’Hexagone. Il y reste 3 ans, et compte notamment le groupe Crystal parmi ses clients. À la suite de nombreux échanges, il finit par accepter de rejoindre le groupe en 2016 en tant qu’associé et directeur des investissements. Une fonction qu’il a conservé malgré sa promotion quelques mois plus tard, suite au rachat du groupe Expert et Finance, en tant que directeur général adjoint du « canal historique » Crystal Finance et Crystal Partenaires. Une nouvelle aventure, entrepreneuriale cette fois, qui plait beaucoup à Sisouphan Tran mais qui lui laisse peu de temps pour d’autres centres d’intérêts. Sur les tatamis ! Ce passionné de judo a tout de même réussit à renfiler son kimono à 43 ans pour aller passer sa ceinture noire. « J’ai pratiqué le judo pendant près de 12 ans en compétition, me hissant dans le top 20 français de ma catégorie quand j’avais 16/17 ans », évoque-t-il. Pensionnaire du Judoclub de La Loire à Saint-Étienne, il conservait cependant un petit goût d’inachevé n’ayant pas pu valider sa ceinture noire en raison d’une blessure puis du début de ses études. Il a donc repris des années plus tard, pour le plaisir, la pratique de ce sport avec en ligne de mire la validation du précieux sésame couleur d’ébène. Véritable fan de judo, il était dans les tribunes à Londres lors de la médaille de bronze de Priscilla Gneto au Jeux Olympiques de Londres en 2012. Il évoque aussi avec émotion un entrainement suivi à Kodokan le dojo fondé par Jigoro Kano, le créateur du judo, lors d’un voyage au japon. « C’est un sport qui véhicule des valeurs très importantes comme le respect, la discipline ou le sang-froid, résume-t-il. Cela apprend aussi à gérer la pression et à savoir rester humble car on finit toujours par tomber sur plus fort que soit. »

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