
Sébastien Grasset, un dirigeant à l'écoute du bien commun

Pour trouver le bureau de Sébastien Grasset, plus besoin de monter le petit escalier qui mène sous le toit de The Asset Management Place, l’espace de travail pour start-ups de gestion d’actifs où il s’était installé avec les équipes de Salamandre AM en 2016. Depuis le rachat début 2020 de sa société par Auris Gestion, il vous faut parcourir un dédale de couloirs haussmanniens à la décoration épurée, et choisir de pousser la bonne porte. Sébastien a pris possession d’un bureau sobre, situé non loin de ses équipes, bien étoffées depuis le rapprochement avec Auris Gestion. Tout juste remarque-t-on un fatras de magazines économiques et financiers trônant sur une table basse, image qui rassure toujours les journalistes. Les responsabilités, elles, se sont épaissies. En qualité de membre du directoire et de directeur de l’asset management, il supervise désormais près de 1,5 milliard d’euros d’encours, soit trois fois ceux de Salamandre au moment du rapprochement. La fusion n’a pourtant pas enterré ses ambitions d’entrepreneur et son esprit d’indépendance. En rejoignant Auris Gestion, il a voulu conserver ce qui faisait l’originalité de Salamandre AM: sa sélection de stratégies alternatives, le recours possible aux produits structurés et sa clientèle de conseillers en gestion de patrimoine et d’investisseurs institutionnels. Il a même convaincu ses nouveaux associés de garder en partie sa marque, en renommant l’offre commerciale de gestion d’actifs «Salamandre x Auris Gestion» (lire «Salamandre by Auris Gestion»). Avec une gamme diversifiée reposant sur des fonds internes et de la multigestion, Sébastien semble avoir désormais en main l’offre de gestion dont il a toujours rêvé. Un dirigeant passionné de sélection de fonds Cette double compétence de dirigeant de sociétés de gestion et de spécialiste de la sélection de fonds en architecture ouverte, Sébastien l’a construite tout au long de son parcours professionnel. Ce diplômé de droit bancaire et financier, de droit des affaires et de l’économie et de droit européen fait ses premiers pas en gestion d’actifs au sein du service juridique d’OFI AM, dans lequel il entre en 2005, et dont il est promu responsable au bout de trois ans. C’est en participant aux due diligences pré-investissement que Sébastien s’initie à la sélection de fonds, dont le groupe OFI est un adepte de longue date. Il a par ailleurs affronté la crise de 2008, une période qu’il qualifie de «riche d’enseignements», en traitant des dossiers complexes liés à la gestion alternative et aux produits dérivés. Il participe également à l’activité d’incubation de sociétés de gestion développée alors par OFI et accompagne les filiales spécialisées du groupe (en infrastructures, sur les obligations complexes, le private equity…), et contribue au développement des sicav luxembourgeoises destinées à la multigestion. Autant d’expériences précieuses dont il se servira ensuite. Fort de ces savoirs, et témoin des succès des entreprises incubées, l’idée d’avoir sa propre société de gestion fait son chemin. Sa carrière accélère une première fois en 2012, lorsqu’il prend la direction générale de Twenty First Capital. Il occupe ensuite le poste de directeur général d’Ecofi Investissements, où il s’épanouit davantage. Cependant, il reste décidé à monter sa propre société. Il ne lui reste alors qu’à bien s’entourer, et il n’a pas eu besoin d’aller bien loin pour trouver ses futurs partenaires. Il quitte en effet Ecofi en compagnie de trois collègues: Mathieu Baillau, Thomas Giudici, et Camille Barbier. «Notre départ s’est fait en bonne entente avec Ecofi. Nous avons notamment continué à gérer en délégation deux de leurs fonds dédiés», tient à préciser Sébastien. L’aventure Salamandre AM démarre fin 2016. L’équipe s’installe dans les locaux de l’ex-incubateur The Asset Management Place, avec pour voisins Roche-Brune AM. Les ambitions consistent alors à couvrir les mutuelles françaises de taille plus modeste, mal servies par les principaux gérants d’actifs, en se reposant entre autres sur de solides compétences obligataires et en multigestion traditionnelle et alternative. Les associés ont d’ailleurs alors emporté avec eux la gestion déléguée de deux fonds institutionnels logés chez Ecofi et dédiés à un institutionnel. Au bout de deux ans, les encours dépassent le demi-milliard d’euros. La question du développement commercial au-delà de la cible initiale se pose. Salamandre AM commence par élargir sa clientèle aux conseillers en gestion de patrimoine et family offices, auprès de qui Sébastien va promouvoir les avantages de la multigestion traditionnelle et alternative en architecture ouverte, comme les fonds de polices d’assurance décès ou encore de financement de contentieux lorsque cela s’avère adéquat. L'élargissement de la gamme interne est aussi sur la table. Pour ce faire, Sébastien se met en quête d’un petit acteur indépendant spécialisé sur les actions ou l’immobilier. La société pense alors faire appel à de la dette et de l’autofinancement pour réaliser une acquisition. Finalement, Sébastien décide fin 2019 de s’allier avec Auris Gestion, un acteur entrepreneurial de plus grande taille. L’offre produit de Salamandre est maintenue et fusionnée avec les fonds maison d’Auris. «Nous étions en discussions avec plusieurs candidats. J’ai choisi l’offre d’Auris Gestion car, d’une part, ils me laissait une latitude totale sur le pôle asset management, et d’autre part, il y avait une séparation claire avec la gestion privée », explique le dirigeant. L’ensemble de l’équipe poursuit l’aventure au sein d’Auris, à l’exception de Camille Barbier, qui retourne dans le monde institutionnel en prenant la direction des gestions d’Apicil AM. «Le télétravail a paradoxalement favorisé le rapprochement des équipes» L’équipe de Sébastien atterrit ainsi dans les vastes locaux d’Auris, situés boulevard Haussmann. Les écrans sont branchés, les équipes font connaissance mais, très rapidement, le premier confinement pour lutter contre la pandémie de Covid-19 entre en vigueur en mars 2020. Les salariés vont devoir poursuivre leurs prises de contact par écrans interposés. Et ce qui aurait pu être un obstacle va rapidement se révéler être une force. Les réunions de gestion, dont Sébastien doit désormais diriger les débats, s’organisent autour des nouvelles règles de bienséance en ligne que le monde du travail apprivoise de concert dans tout l’Hexagone. Les bras de fer font place à l’écoute, puisqu’il devient incongru et inefficace de couper la parole en visioconférence. «Cette situation a été, du moins d’un point de vue managérial, du pain bénit pour mettre en place une gestion collégiale. Chacun a pu et dû documenter ses choix sans doute de manière encore plus forte que dans une situation normale. Le télétravail a paradoxalement favorisé le rapprochement des équipes», note Sébastien. Côté sélection de fonds, l’équipe de Sébastien a gagné en surface puisque la multigestion globale d’Auris, qui sert les pôles asset management et gestion privée, a plus d’un milliard d’euros investis en architecture ouverte. Son collaborateur chez Salamandre, Valentin Urrutiaguer, travaille désormais au sein d’une équipe de sept gérants et analystes, aux profils différents en matière d’expérience et de spécialités. D’ailleurs, deux gérants seniors composent cette équipe de sélection de fonds, ce qui vient apporter encore plus de profondeur aux débats. Le processus de sélection fait la part belle à la gestion des risques, en adoptant, par exemple, une approche par transparence de la sensibilité factorielle des stratégies analysées. Mais le directeur de l’asset management tient également à ce que ses équipes lui apportent de l’information humaine, au-delà des métriques financières. «Les process et la performance des gérants, c’est bien, mais nous aimons aussi connaître l’ambiance au sein de la société de gestion du fonds analysé, le bien-être des gérants, et la qualité de la gouvernance. Connaître l’écosystème dans lequel les équipes de gestion des fonds analysés évoluent est important », prévient-il. Mise en place d’un programme de mécénat Cette omniprésence de la lecture dans son travail quotidien explique peut-être ses difficultés à terminer les œuvres complètes de Sénèque, qui, parmi d’autres ouvrages de littérature antique, figurent en bonne place dans sa bibliothèque. En quête d’actions utiles et de sens, Sébastien a préféré, pendant un temps, s’engager comme réserviste au sein d’un régiment d’infanterie, un choix qu’il a fait à la suite des attentats du Bataclan, en 2015. «Je n’avais pas 40 ans, et je voulais être utile d’une autre manière à mon pays», explique-t-il. Aujourd’hui père de deux jeunes enfants, il cherche avant tout à transmettre ses valeurs de civisme, de tolérance et de démocrate. Il prend notamment du temps pour dialoguer avec sa fille aînée, actuellement en primaire, pour essayer de donner du sens à un monde en profonde mutation. Ils rédigent ainsi ensemble, chaque weekend, un «cahier des valeurs», dans lequel ils compilent leurs réflexions sur des notions en prise avec l’actualité que l’un croise au travail, et l’autre à travers les médias et la cour de récréation. Cette importance des valeurs se retrouve également dans sa vie professionnelle. Sébastien a su convaincre ses associés de mettre en place, depuis un an, un programme de mécénat financé par les résultats d’Auris Gestion. La société soutient ainsi des associations dans cinq domaines: l’enfance (Unicef, LEV-Fonds de dotation), le climat et l’environnement (Pollinis), l’épanouissement par le sport (Avant Garde Caennaise, Weyersheim Basket Ball), la lutte contre la faim (Restos du Cœur), et la culture et le patrimoine (La Belle Iloise BI 634). Le principe de diversification suit Sébastien jusque dans le choix de ses causes.
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