
Patrick Paillol, un pro du polo chez Silex

En ce matin d’avril 2020, Patrick Paillol roule à toute vitesse. Il jubile, seul au volant de sa voiture sur une autoroute de la région parisienne totalement déserte. Patrick Paillol, patron en France de la société financière Silex, pense à ses chevaux. Il doit aller les nourrir et les entraîner. En cette période de confinement strict et général, le polo est en effet l’une des rares activités sportives à avoir une autorisation de sortie car il dépend du ministère de l’Agriculture et non pas de celui des Sports. Les entraînements sont donc restés possibles et Patrick Paillol compte bien en profiter. Cet ancien banquier de Morgan Stanley a le polo dans le sang. Il est comme Obelix avec la potion magique, raconte celui qui fut jusqu’en 2018 l’un des piliers de l’équipe de France: il est tombé dedansquand il était petit. Son grand père est un grand agriculteur dans le Sud Ouest de la France et possède plusieurs chevaux. Avoir ses propres poulains est une sorte de «marque de noblesse» dans le milieu. Passionné par les équidés, il emmenait le petit Patrick regarder ou participer à des courses d’amateurs organisées dans des hippodromes. Inscrit par son père, Patrick prendra son premier cours de polo à 9 ans. C’est la révélation. «Cela a été le coup de foudre. J’aimais beaucoup d’autres sports à l’époque mais je les ai tous abandonnés », se rappelle Patrick Paillol. Un match de polo se perd ou se gagne sur des détails L’enfant découvre en effet un univers très spécial qui s’apparente « à un art de vivre» et pas seulement à un sport. Il ne faut pas uniquement s’occuper de soi et de ses performances, il faut aussi prendre soin d’un autre, le cheval. «Cela apporte très vite beaucoup de maturité», explique-t-il. En outre, les enfants étant autorisés à jouer avec des adultes dès 11 ans, Patrick Paillol commence très jeune à jouer en équipe. « Pour être recruté par un patron d’équipe, il faut savoir bien parler et communiquer en plus de savoir bien jouer». Ensuite, intégrer une équipe, c’est comme intégrer une PME. «Cela nécessite une grosse organisation. Chaque membre de l’équipe, à son niveau, doit délivrer très en amont pour pouvoir gagner un match. Un match se perd ou se gagne sur des détails le jour même, car le plus gros du boulot a été fait bien avant». Pour écrire ce portrait, l’autrice de ces quelques lignes s’est plongée dans cet univers qui lui est inconnu, celui d’un sport né en Asie il y a 2.500 ans, mais à peine plus que centenaire en France. Tout l’enjeu consiste à contrôler un cheval qui peut être lancé à 60 km/h sur un terrain dont la taille peut aller jusqu’à quatre terrains de foot! Mais que l’on se rassure, à neuf ans, on commence sur un poney. Des joueurs de polo (crédit: pixabay)Largement dominé par les joueurs argentins, le polo emprunte son vocabulaire à d’autres mondes. Comme au tennis, il y a des revers et des coups droits; comme au foot, on joue la balle (on l’arme plus précisément avec un maillet) et on doit marquer des buts sous l’œil vigilant des arbitres; comme sur la route, il y a des priorités à respecter (on ne coupe pas la route à un joueur qui a la balle). Et puis il y a le propre de l’équitation: il faut gripper la selle, maîtriser les trois allures (pas, trot, galop) et tenter de faire «un coup sous l’encolure». La France compte 30 clubs de polo, dont le plus grand est à Chantilly, à la Ferme d’Apremont, que Patrick Paillol connait bien. Celle-ci accueille quelque 350 chevaux à l’année et jusqu’à 700 en période de compétitions. Surtout, faire partie d’une équipe nécessite de s’occuper de la pension des chevaux, de leur ferrure, de leur soin vétérinaire, de leur entraînement et de l’achat et du renouvellement du matériel de polo. Doué, passionné, Patrick Paillol s’investit à fond et commence à gagner de l’argent. «Entre 14 et 17 ans, je réfléchissais à en faire mon métier et passer professionnel», explique-t-il. Fréquentation d’Edouard Carmignac Mais de l’argent, justement, il en faut et beaucoup. Un gros propriétaire d’équipe peut dépenser plusieurs dizaines de milliers d’euros par saison, voire quelques centaines de milliers. Pour éviter de tomber dans les clichés sur ce sport que Patrick Paillol a tout de suite réfutés auprès de nous, on ne citera point les noms des grands industriels qui s’y adonnent et qu’il a pu rencontrer. Mais il n’empêche. N’est-ce pas dans cet environnement que Patrick Paillol a fait la connaissance d’Edouard Carmignac, une des plus grosses fortunes de France, fondateur de la plus importante société de gestion indépendante de France et que NewsManagers suit assidument? Edouard Carmignac a monté sa propre équipe de polo «lorsqu’il a commencé à gagner trois francs six sousdans les années 80 », nous explique ce dernier. Cela fait une dizaine d’années qu’il connait Patrick Paillol, à qui d’ailleurs il a proposé un stage. « Je n’ai jamais joué avec lui mais plutôt contre lui. Il a un vrai esprit de compétiteur, témoigne Edouard Carmignac. C’est un garçon courageux car ce n’est pas facile de mener de front deux carrières. Mais je partage sa passion. Le polo est un vice et un sport qui permet de se nettoyer l’esprit dans nos métiers plutôt stressants !». Patrick Paillol a donc été joueur semi-professionnel avec un handicap de 5. Si ce détail reste ésotérique pour vous, sachez que les handicaps vont de -4 à 10; les débutants sont en général à -4; ceux qui ont un handicap à 10 sont seulement 10 au monde et… sont tous Argentins. Revenons au sujet. Patrick Paillol renonce donc à être un pro mais pas uniquement à cause de l’argent. «Je me suis dit que je m’éclatais dans ce sport parce que ce n’était justement pas mon travail», explique-t-il. Il continue donc d’en faire uniquement sa passion et rencontre dans ce milieu tout un tas de gens qui ont réussi professionnellement. «Cela apporte beaucoup de confiance en soi en plus de la maturité et cela propulse vite dans le monde professionnel». Il est alors attiré très tôt par la finance. «C’est un secteur assez semblable au polo, très méritocratique. Si on travaille dur, que l’on est bien organisé et qu’on anticipe bien les choses alors on réussit», estime-t-il. Après des années à Dauphine (pour un master en finance) qui lui permettent de concilier aisément polo et études (il évite les cours du mercredi après-midi pour pouvoir s’entraîner), il fait un stage chez L’Oréal. Voyant moins dans ce milieu la dynamique méritocratique à laquelle il aspirait, l’expérience le convainc de poursuivre dans un établissement financier. De la Société Générale à Morgan Stanley En 2010, il rejoint donc la Société Générale. Arrivé en septembre, son patron d’alors, Antoine Delon, s’en va en mars pour développer le bureau français de Morgan Stanley. «Il m’a demandé de le rejoindre et j’ai dit oui de suite». Il est alors le «jeune à tout faire», tapant et livrant des slides, apportant le café, appelant les clients.L’expérience est enrichissante. «Je crois qu’à part le ménage, j’ai tout fait», s’amuse-t-il. Mais le rythme de travail est intense dès le départ. Le temps consacré au polo en prend un sérieux coup. «Et depuis que je suis chez Silex, c’est pire», relate-t-il. Finies donc (pour le moment) les compétitions avec l’équipe de France qu’il avait rejointe en 2014. Il ne reste plus que quelques week-ends par mois entre Paris et Genève pour s’adonner à sa passion. Mais cette dernière aura été décisive dans sa carrière pour rejoindre à la fois cette société spécialisée dans les produits structurés et l’investissement, mais aussi pour entrer à la Société Générale. Antoine Delon, par exemple, était un joueur assidu de golf, presque au niveau professionnel. «Je savais que pour lui c’était un plus que je sois sportif de haut niveau », relate Patrick Paillol. De même, c’est grâce au sport qu’il fait la connaissance il y a 10 ans, par un ami commun à Genève, de Xavier Laborde, le cofondateur de Silex, alors salarié d’Exane. «Nous pensions chacun à monter notre entreprise, mais Xavier l’a fait avant moi en 2016», relate Patrick Paillol. Durant cette période, Xavier Laborde lui présente Fabrice Rey, l’autre cofondateur de Silex, qui lui pitche son projet. Patrick Paillol était prêt à quitter Morgan Stanley, ce sera pour Silex en 2018. Agé d’à peine 35 ans aujourd’hui, il a donc constitué le bureau français de cette société genevoise, doté d’une trentaine de personnes en très peu de temps. Et vous ne serez pas surpris pour ses choix de recrutements : « sur les CV, je regarde beaucoup la partie sport ou activité extra-professionnelle. Sinon, ils se ressemblent tous. Dans nos métiers, avoir fait HEC, Essec ou même Polytechnique est assez banal. Mais avoir relevé certains défis, c’est ça qui fait la différence…».
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