
Nathalie Columelli, le CFA comme passeport … pour l’enseignement

Pour la quasi-totalité des candidats, le titre de Chartered Financial Analyst (CFA) est un sésame pour des métiers financiers à fortes responsabilités auquel on consacre des révisions intenses et des journées d’examens interminables à noircir des QCM dans un hall mal chauffé. Pour Nathalie Columelli, la toute récente directrice exécutive du CFA Society France, il fut au contraire un billet pour l’entreprenariat et l’enseignement. Son métier de formatrice à l’examen CFA, qu’elle exerce depuis les années 2000, fut avant tout un appel du coeur, après une quinzaine d’années sur les marchés. «J’ai toujours voulu avoir du sens dans mon métier, avoir un impact, grandir. Et monter une boite, c’était dans mon programme», se remémore-t-elle. En témoigneront les 2000 étudiants qu’elle aura accompagnés sur les chemins des niveaux I, II et III au travers de sa structure Finance Training. Sa carrière a pourtant commencé par un stage de fin d’étude en marketing, qui la conduit à lancer des produits de soin du visage chez Garnier. Quelques mois d’une vie qui paraissent aujourd’hui aux antipodes de sa carrière. «Je n’ai pas eu envie d’être la responsable du produit à la vanille, à côté de celui à la framboise, cela manquait de sens», explique-t-elle. Après avoir sondé les Anciens de l’ESSEC, elle jette son dévolu sur un secteur qui assouvirait son amour des maths: la finance. Des débuts marqués par le Black monday A la rentrée 1987, Nathalie prend place comme sales sur produits monétaires au sein de la salle de marché de la Banque de l’Union européenne, ex-banque du groupe industriel Empain-Schneider nationalisée quelques années auparavant. Malgré ses lacunes initiales en finance, son profil de matheuse s’adapte vite aux swaps, floors, caps et autres «FRA». Mais, après moins de trois semaines,les marchés obligataires s’écroulent lors du célèbre Lundi Noir d’octobre 1987. Les licenciements s’enchainent dans le secteur. Nathalie trouve son salut en développant un outil de suivi agrégé et actualisé des performances à venir du livre de comptes de l’institution. Cela peut paraître incongru aujourd’hui, à l'ère des data scientists et des tableaux de bords omniprésents, mais la tenue de tableurs n’était pas encore monnaie courante. Le programme Excel venait d’ailleurs à peine d’être intégré àWindows… Cette capacité d’analyse permet à Nathalie de passer arbitragiste dès le printemps 1988, au milieu d’une équipe d’ingénieurs pur jus. Et lui ouvre une carrière sur le marché obligataire qui va durer une quinzaine d’année. Ses premiers pas se font sur les OAT, dont elle découpe et revend séparément le principal et les coupons, une activité qui la fait connaître sur la Place parisienne. Dès l’été 1989, elle passe chez Neuflize Schlumberger Mallet (aujourd’hui ABN Amro). S’en suivent cinq années de trading sur les dettes souveraines européennes et les obligations d’entreprises, où son intuition marketing originelle va se mêler à la rationalité des modèles financiers. «Certains émetteurs ont plus ou moins une bonne image auprès des investisseurs. Par exemple, le spread de marché de Michelin était toujours plus serré que le théorique à la fois parce que les emprunts étaient rares et parce que le pneu Michelin est un symbole éternel », soutient-elle. Au milieu des années 90, Nathalie accepte une proposition de la Société Générale pour un poste équivalent. La banque au logo rouge et noire, qui vient tout juste d’emménager dans les tours iconiques de La Défense, fait alors rêver tout opérateur de marché de la Place parisienne. Mais l’expérience va tourner court.Assise dans un grand open space, où elle se sentmoins libre, avec un champ d’intervention moins diversifié, le plaisir du travail disparaît. «Chez ABN Amro, je me sentais relativement libre. Je travaillais pour une grande banque avec un énorme bilan, et en même temps, j’étais assez loin de la hiérarchie, basée aux Pays-Bas», analyse-t-elle. Un an plus tard, Nathalie rejoint la Deutsche Bank, qui sera, jusqu’ici, sa dernière entreprise financière. A l’instar de ses années ABN Amro, elle retrouve la joie d’être loin des supérieurs, combinée à la force d’un bilan bancaire puissant. Elle y restera 10 ans, voyageant entre Paris, Francfort et Londres. Un CFA obtenu à Pôle Emploi Au tournant des années 2000, alors que l’Europe passe à la monnaie unique, Nathalie découvre l’existence du programme CFA, encore peu connu en France, où la Société française des analystes financiers (SFAF) règne. Avec ses quinze années de trading, elle n’en mène pourtant pas large face à la densité des cours. Elle organise alors ses révisions comme une ingénieure financière: tranching des matières indigestes, empaquetées dans des cours de mathématiques plus amusants, et le tour est joué! Son cerveau n’y aura vu que du feu. Les séances de lecture et d’exercice s’enchaineront les soirs, les week-ends, et même sur les pauses-déjeuner, durant lesquelles elle sera rejointe par des collègues de la «DB». Elle finira toutefois son troisième et dernier niveau à Pôle Emploi, après que la Deutsche Bank afermé son bureau de Paris. Lorsque le marathon des révisions s’est arrêté, et que la joie de la réussite s’est estompée, Nathalie a ressenti un vide. Il lui a fallu un nouveau projet pour remplir ce temps qu’elle déteste laisser filer. Plutôt que de retourner dans une salle de marché, elle en profitepour trouver en elle sa véritable envie: l’enseignement. «J’ai tellement aimé le programme du CFA que je me suis dit que tous les acteurs de la finance devaient l’avoir», résume-t-elle. Sur les conseils de Pôle Emploi, elle intègre une licence accélérée de science de l’éducation à l’Université de Nanterre, et termine sa scolarité par un stage chez First Finance. : «J’ai passé six mois chez First Finance à faire de l’ingénierie pédagogique et à animer des séminaires, j’ai beaucoup appris», raconte-t-elle. A l’issue de ce second stage de fin d’étude, cette fois-ci plus utile, Nathalie crée sa propre structure de formation: Finance Training est né. L’entreprise s’est tout d’abord construite en binôme avec Gary Cantor, un expert-comptable anglo-saxon qui a lancé les premières préparations à l’examen du CFA en France, puis en trinôme avec le renfort de Zakaria Darouich sur l'économie autour des années 2010. Nathalie garde pour elle l’enseignement des mathématiques financières, cela va de soi, et de l'éthique, qu’elle dispense dans des formations maisons et dans des programmes universitaires (dont l’INSEAD, Dauphine, Science Po Paris, Panthéon Assas). Et si la théorie reste la base des informations, l’art de transmettre lui demande finalement de revenir quelque peu aux sources du marketing. « Pour enseigner, il ne faut pas partir d’une page blanche, mais partir de la personnalité des élèves. Il faut être capable de trouver quels types d’erreurs ils commettent, se mettre à leur place», fait-elle observer. Des projets à foison En février dernier, la dirigeante d’entreprise signe la cession de son activité au CFA Society France (l’opération est en cours d'étude à Bercy), dont elle prend la direction exécutive. Un mouvement qui aété initié par l’association elle-même pour des raisons d’autonomisation. «Les sociétés locales doivent de plus en plus trouver des sources d’autofinancement», explique Nathalie. A son nouveau poste, l’entrepreneure n’a pas perdu son sens de l’initiative, malgré la survenue de la crise du Covid-19. Son crédo tient en trois mots: connexion, diversification, collaboration. «J’ai mis en place une plateforme collaborative avec les autres sociétés locales sur laquelle on se partage des idées et des projets, souligne-t-elle. Nous avons par exemple mis en place notre propre examen blanc des niveaux un et deux en condition réel, en ligne, qui a ensuite été partagé par la CFA Society Switzerland. Nous avons utilisé une production de la CFA Society Boston ». Sa participation à des projets et des groupes d’échanges dépasse largement le cadre du travail. Pas question de lézarder sur le canapé, mais plutôt d’utiliser son temps pour changer un bout du monde. Ces dernières années, elle fut notamment mentor au sein de l’association Force Femme, où elle accompagnait des femmes à lancer leurs start-ups, et chez Passeport Avenir, où elle aidait des jeunes à trouver leur voie scolaire. «Si les gens étaient davantage impliqués dans la vie civique, il y aurait moins de sentiment d’être laissés pour compte. Dans ces projets, en tant que bénévole, on n’a certes généralement pas le volant, mais on s’occupe. On râle moins quand on sent qu’on peut changer un bout du monde», estime-t-elle. Engagée politiquement, Nathalie a participé ces dernières années à la vie parisienne de La République en Marche. Après avoir tracté pour le futur député Gilles Le Gendre aux législatives en 2017, et animé le comité local du quartier de Mouffetard, elle fut candidate aux municipales sur la liste de Cédric Villani dans le quatorzième arrondissement de Paris en 2020. Mais ne l’enfermez pas dans une case macroniste. «Quand je rentre dans un groupe, j’ai tendance à rester un peu en retrait, car je préfère participer à plusieurs projets en parallèle, et être au centre d’un projet n’est pas forcément compatible», tient-elle à préciser. Et aujourd’hui, sa curiosité citoyenne l’amène à s’intéresser à des propositions plus écologiques. Elle étudie actuellement les thèses de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici et de son association The Shift Project, de l’économiste Gaël Giraud, et les propositions de Project Drawdown, qui fournit une série de mesures pour stopper le réchauffement climatique. Des lectures qui pourraient lui donner envie de passer les nouvelles certifications du CFA sur l’ESG et l’investissement climatique.
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