
Jean-Pierre Rondeau : Les multiples vies d’un infatigable CGPI

Jean-Pierre Rondeau entre dans la banque par la petite porte. De retour de Nouméa où il effectuait son service militaire dans les parachutistes, sans diplôme, il entre à la Société Générale comme « grouillot ». « Les banques embauchaient à tour de bras, raconte Jean-Pierre. Il faut dire qu’à l’époque, 50% des Français n’avaient pas encore de compte en banque ». Il est ensuite encaisseur, « avec un pistolet »,mais se fera braquer deux fois plus tard en agence…« C’était une vie qui, en tant qu’ancien parachutiste, m’amusait, reconnaît Jean Pierre. Un pistolet et une 2 chevaux suffisaient là où il faut aujourd’hui trois hommes et un fourgon blindé ». Un rythme qui ralentit avec sa nomination à la direction d’une agence bancaire qui vient d’ouvrir en banlieue parisienne. « J’étais directeur et balayeur dans un souterrain de gare », s’en amuse aujourd’hui le dirigeant. Les portefeuilles de ses premiers clients, plus diversifiés, prendront néanmoins un sacré coup lors de la crise du pétrole de 1973, le premier krach boursier que rencontre Jean-Pierre. « Tant qu’il n’a pas connu un krach, un jeune n’est pas formé », estime-t-il avec du recul. Après neuf années passées à la « SocGé », il débarque chez Indosuez au conseil en gestion de patrimoine. Le secteur connaît à ce moment-là une petite révolution, encore embryonnaire : les Sicav. « L’équipe commerciale avait pour mission de convertir les clients vers ce nouveau mode de placement qu’étaient les Sicav, se souvient-il. On me confiait les clients les plus récalcitrants. C’était aussi le début du cooponing et du mailing ». Il est ensuite nommé directeur de la gestion de patrimoine et supervise les cinq agences de Paris, puis rejoint le Crédit du Nord, pour cinq ans, où il dirigera les clientèles privées et institutionnelles de l’agence centrale avant de prendre en charge la gestion privée de l’Île de France. Les années 80 sont celles de la dématérialisation des titres financiers, de la fin des agents de change et de l’émergence des sociétés de bourse, les années Reagan et l’explosion de l’implication des épargnants sur les marchés financiers. Avec plus de dix ans d’expériences auprès de la clientèle patrimoniale, Jean-Pierre est approché par Jean Taittinger pour participer à la création de la Banque du Louvre en 1988. Il invente alors la première banque à proposer des produits d’épargne sans fonds maison. Le début de l’architecture totalement ouverte, en somme. Il décide, deux ans plus tard, de traverser la Manche pour atterrir chez James Capel, ce broker britannique étant alors le bras armé de la gestion indicielle de HSBC. Il fait partie des premiers à introduire les fonds verts en France , dits aujourd’hui fonds ISR, dès le début des années 90. Mais l’aventure tourne court, la société subissant d’importantes pertes à Londres. Il se replie chez Cheuvreux de Virieu jusqu’en 1994 pour développer encore une fois un département de gestion de patrimoine. Cependant, la transformation des marchés financiers s’accélère, et les salles de marchés se technicisent. « Je commandais des professionnels hyperdiplômées alors que je n’avais même pas mon bac, se souvient Jean-Pierre. Je sentais que j’étais sur un siège éjectable ». Il prend néanmoins conscience qu’il peut exploiter ses connaissances de manière indépendante. « A l’époque, les CGPI, peu nombreux, étaient encore mélangés avec les institutionnels lors des séminaires, explique Jean-Pierre. En les côtoyant, j’ai également voulu me mettre à mon compte. Avec mon passé, je savais déjà comment étaient construits les produits. J’avais touché à l’assurance, la multigestion, les SCPI, le crédit, l’immobilier, etc. Mais ayant aussi créé la gestion de patrimoine dans ces trois derniers établissements, je savais aussi les arcanes notamment en matière de rémunérations ». Le cabinet Megara Finance voit le jour en février 1995. « J’ai démarré presque de zéro, précise Jean-Pierre. A l’époque, les CGPI se rémunéraient avec les commissions d’apports ». Aujourd’hui, il conseille plus de cent millions d’euros d’encours, et il n’est pas prêt de prendre sa retraite. Passionné par son métier, il est connu de ses confrères pour être le président fort en voix de la Compagnie des CGPI. « Quand j’écris une tribune, c’est mûrement réfléchi. Ce n’est pas un coup de gueule », tient-il à rectifier. Critique, il l’est aussi à l’égard des marchés et des banques centrales, qu’il estime être faussés et faussaires. Sa stratégie patrimoniale, très défensive, lui aura permis d’éviter 3 krachs en 15 ans. La bulle Internet, d’abord, puis l’effondrement de Lehman Brothers et enfin la crise de la dette de la zone euro, sont soigneusement évités par des arbitrages vers les supports les plus sécurisés. Il s’attend désormais à une longue période de déflation en Europe. Adolescent au moment de la guerre d’Algérie, cela reste un souvenir fort marquant puisque cet événement lui avait donné l’envie d’entrée dans l’armée, voire d’être mercenaire ! Aujourd’hui, il est président d’honneur de l’association des Anciens du Lycée Lamoricière d’Oran. Il est par ailleurs retourné pour la première fois dans cette ville, que l’on surnomme « la radieuse », en 2002, pour les 40 ans de la fin du conflit. « Ce fut un exorcisme », confie-t-il. Homme d’action, il pratiqua le parachutisme jusqu’à ses quarante ans, et il s’est ensuite reconverti dans la politique en tant qu’élu dans une ville de banlieue de Seine-Saint-Denis pendant 18 ans. Désormais, ce sont ses clients, leurs études patrimoniales et l’allocation d’actifs qui remplissent son agenda. « Je travaille aussi le samedi et le dimanche », confie cet hyperactif. Alors qu’il n’a toujours pas le Bachot, Jean-Pierre a obtenu, en validation des acquis par l’expérience, le master en gestion de patrimoine de l’université d’Aix-Marseille en 2004. Deuxième de promo, doublé par un jeune étudiant. « A l’université, il y a 20% de bachotage, se justifie-t-il avec malice. Mais ce qui compte vraiment, c’est l’expérience ». Jean-Loup Thiébaut
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