«Je suis extrêmement positive sur la gestion value»

Métropole Gestion, une société spécialisée sur la gestion value, a vu ses encours baisser de plus de 5 milliards, à son plus haut, à 1,3 milliard fin 2020. Avec le retour des investisseurs sur la «value» depuis l’an dernier, Isabel Levy, directrice générale déléguée de Métropole Gestion, explique pourquoi la société indépendante est parmi les mieux placées pour profiter de ce regain d’appétit. Elle dévoile par ailleurs de nouveaux développements commerciaux aux Etats-Unis.
Réjane Reibaud
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 -  seb! godefroy

Comment expliquer la chute des encours de Métropole Gestion ces dernières années? De 2014 à 2019, nous avons subi le désamour du marché pour la gestion value. Ce désamour s’est fait dans un contexte où les politiques monétaires ont été extrêmement agressives en particulier en Europe et ont amené les taux d’intérêt longs à des niveaux négatifs, une première historique. Jamais je n’avais vu cela dans ma carrière. Tout ce qui a été gestion croissance et à duration longue a été privilégié au détriment de la gestion value qui est plutôt une gestion à duration courte. A ma connaissance, il s’agit de la première période historique sur les 100 dernières années où la gestion value a sous-performé aussi longtemps par rapport aux autres styles de gestion. A force, cela décourage les investisseurs d’y revenir. Et l’Europe a été doublement pénalisée car les investisseurs se sont détournés du continent après la crise de la dette puis du vote sur le Brexit. Pourquoi ne pas en avoir profité pour diversifier vos styles de gestion? Quand nous avons créé Métropole Gestion en 2002 avec François-Marie Wojcik, nous avions considéré dès le départ qu’il fallait être un spécialiste, surtout quand on veut être indépendant. Il faut être dans une niche, avec une équipe expérimentée qui connait bien son domaine et donne toute sa crédibilité à la gestion. Cela a été une réussite forte. Même après la crise financière de 2008, nous avons connu la période où nous avons levé le plus d’actifs. A 5,3 milliards d’euros en gestion value,nous étions parmi les plus gros acteurs en la matière. Aujourd’hui, alors que les investisseurs se ré-intéressent à la gestion value, ils reviennent vers nous grâce à notre ADN très marqué. Pour autant, pendant cette période de retraits, nous ne sommes pas restés les bras ballants. Nous avons beaucoup transformé notre gamme avec une approche à 360 degrés pour intégrer les critères ESG dès 2008. Nous avons aussi travaillé en collaboration avec l’Université d’Auvergne, où je suis intervenante, sur les critères ESG. Nous sommes aussi en avance sur la réglementation SFDR. Nous avons déjà quasiment tous les éléments demandés d’ici 2022 par cette réglementation. Mais quel a été l’impact sur vos ressources? Nous avons des fonds propres solides et n’avons pas rencontré de difficultés particulières. Nous sommes simplement revenus à nos niveaux d’effectifs d’il y a 3 ou 4 ans (29 personnes vs plus de 40 au plus haut). L’équipe avait beaucoup grandi dans le commercial et quelques fonctions supports. Aujourd’hui, nous avons toujours la même équipe de gestion et nous avons laissé toujours aussi étoffées les équipes de compliance, conformité et contrôle des risques. Cette période a aussi été l’occasion d’être plus efficace, de travailler sur nos coûts avec beaucoup d’externalisation comme les fonctions comptables. Vous avez aussi profité d’un développement aux Etats-Unis. Pouvez-vous nous en dire plus? Nous nous sommes fait enregistrer aux Etats-Unis en 2017 car nous sommes gérants pour le compartiment européen value d’un fonds Ucits d’une société de gestion américaine. Ce groupe, dont je ne peux dévoiler le nom, a une antenne au Royaume-Uni et fait de la sélection de gérants. Ils nous a demandé de reproduire la même stratégie pour leur fonds américain. On s’est jeté à l’eau pour avoir l’agrément de la SEC. Nous sommes donc sub-advisor pour ce client américain. Être enregistré nous a alors permis de commencer une activité commerciale aux Etats-Unis. Nous avons signé en décembre un contrat de segregated manage account (SMA) avec Bank of America Merryll Lynch. Nous leur fournissons un portefeuille modèle d’ actions européennes en cotation ADR aux Etats-Unis et ils le conseillent à leurs gérants privés à l’intérieur du réseau. C’est une preuve que la gestion value européenne recommence à intéresser les investisseurs américains! Enfin, nous avons été aussi admis sur une plateforme NSCC, où les investisseurs offshore non résidents et qui ont des comptes gérés sur le sol américain par des banques américaines peuvent souscrire directement aux fonds Ucits européens. Pour Merrill Lynch, la clientèle offshore c’est l’équivalent de 20 milliards de dollars. Avez-vous du coup ouvert un bureau aux Etats-Unis? Cela n’est pas nécessaire pour le moment. Nous avons juste fait beaucoup d’aller-retour avec les équipes. Quelles sont selon vous les perspectives pour la gestion value? L’an dernier a été marqué par une crise économique historique, avec un premier semestre extrêmement défavorable en matière de performance pour la gestion value. L’image est exactement inverse dans la seconde partie de l’année avec une belle surperformance de la gestion value qui se poursuit en ce début 2021. La question des investisseurs c’est «est-ce que ça va durer»? De notre côté, nous avons énormément fait tourner les portefeuilles en allant vers des valeurs extrêmement décotées. Nous avons changé 50% de nos portefeuilles pendant le 2èmetrimestre 2020, ce n’était pas arrivé depuis des années! Le résultat est là: nos fonds ont surperformé le style de gestion value et l’indice MSCI Value au second semestre et c’est encore le cas en ce début d’année. Cela nous a mis en position extrêmement favorable par rapport aux autres gérants value. La politique monétaire qui constituait un frein à la gestion value n’est-elle pas toujours présente? On voit depuis le début de l’année des changements politiques considérables. Entre l’administration Biden qui lance un plan de dépenses budgétaires considérable aux Etats-Unis et les 750 milliards du plan de relance en Europe, il y a un changement de régime des politiques économiques. Les politiques monétaires inédites de ces dernières années sont aujourd’hui complétées par des politiques budgétaires de grande ampleur. Ce qui est intéressant, c’est l’impact que cela va avoir sur les marchés financiers. Le moteur de performance qui a prévalu en particulier ces 5 dernières années, c’est-à-dire la baisse des taux d’intérêt, va changer. Ce sera désormais la politique budgétaire des Etats occidentaux et les dépenses en infrastructures qui vont rythmer les marchés. Et cela concerne en Bourse des sociétés qui sont profondément décotées, liées aux infrastructures et aux transformations énergétiques liées au respect des accords de Paris, pour l’automobile, le pétrole, le secteur du ciment, etc, des secteurs qui sont largement sous valorisés, au regard de la rapidité de leurs transformations. Pour la première fois depuis 5 ans, je suis extrêmement positive sur la gestion value. Non pas que je ne l’étais plus avant, mais il fallait qu’il se passe un évènement aussi traumatique que la crise pandémique pour qu’il y ait un vrai changement.

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