
Arnaud de Langautier : «Avant de tomber, porter loin le défi d’être un homme»

« Je suis un Toulousain pure souche », s’amuse à dire Arnaud de Langautier qui a passé toute son enfance dans la ville rose. C’est au Lycée jésuite Le Caousou qu’il passe son Bac C en 1978 avant d’intégré l’université d’économie de Toulouse la rentrée suivante. « Au départ, je ne souhaitais pas faire de finance mais plutôt me tourner vers le marketing », nous confie le président d’Amplegest. Après sa licence de sciences économiques, il opte pour un DEA d’économie qu’il valide en 1983. « J’ai ensuite voulu m’inscrire en coopération, mais je m’y suis pris trop tard et j’ai donc dû faire un service militaire classique », raconte-il. Arnaud est donc envoyé à Bergerac pendant 4 mois pour y faire ses classes avant de rallier Montpellier pour effectuer le reste de son service dans la gendarmerie. Une expérience inoubliable durant laquelle il a pu toucher à tous les « métiers » de gendarme, de la circulation aux enquêtes criminelles. « J’ai eu la chance de travailler avec la brigade de recherche de Montpellier qui, au vu de mon profil universitaire, m’a associé à quelques enquêtes, relate-t-il. J’ai donc pu assister à des interrogatoires, des perquisitions… C’était vraiment très enrichissant ! » Son service militaire terminé, Arnaud décide d’effectuer un troisième cycle à Sup de Co Toulouse en prenant la spécialité « création d’entreprise ». « Je ne saurai pas forcément expliquer pourquoi, mais, depuis le début de mes études, j’avais envie de créer mon entreprise, nous confie-t-il. Cependant, je souhaitais acquérir un peu plus d’expérience avant de me lancer. » Son diplôme en poche, Arnaud postule donc à deux annonces d’emploi, l’une chez Motorola comme contrôleur de gestion, dans le but de démarrer une carrière internationale et l’autre pour Finansder, la compagnie financière du réseau des Sociétés de développement régionale (SDR) qui émettait des obligations. « J’ai été pris dans les deux sociétés et j’ai fini par choisir la seconde car je souhaitais rejoindre une jeune femme que j’avais rencontré sur Paris et qui est depuis devenue ma femme. » Six mois après son arrivée chez Finansder Jean-Louis Champeil, un agent de change client de la société, lui propose d’aller ouvrir un bureau à Toulouse. Arnaud met un an et demi avant de sauter le pas, puis finit par accepter, renouant avec son désir d’entreprendre. En 1986, il ouvre donc seul la succursale toulousaine sous-louant un bureau chez un ami publicitaire. « Cela montre bien ce qu’était la finance à ce moment là, évoque-t-il avec un sourire. Ma table de réunion se limitait à une planche avec deux tréteaux, et j’accueillais les clients comme cela ! Le chemin parcouru depuis par l’ensemble de la profession est assez incroyable. » En 1988, la société de Bourse Ferri ouvre un bureau à Toulouse et afin de tuer la concurrence, propose à Arnaud de le débaucher et de le faire remonter à Paris. Une opportunité de retrouver la capitale qu’il ne refuse pas et qui marque le début de 14 ans de carrière chez Ferri SA. « Je suis rentré en tant que gestionnaire de portefeuille privé et j’ai évolué jusqu’à devenir directeur de la gestion privée », indique-t-il. De son expérience chez Ferri SA, Arnaud retient des conditions de travail excellentes dans une société familiale qui lui correspondait parfaitement. Il se rappelle également avec fierté du lancement du premier système de transaction électronique en ligne, trois mois avant que Charles Beigbeder lance « Selftrade ». En 1998, Ferri SA est rachetée par la Banque Bruxelles Lambert elle-même rachetée par ING Direct. « J’ai préféré partir au bout de 18 mois [suite au rachat par le groupe ING, ndlr] car je ne voulais pas faire partie d’un grand groupe », précise le dirigeant. Arnaud profite alors de l’occasion pour tenter sa première expérience entrepreneuriale avec Édouard Ferri. Les deux hommes montent Claresco Finance, mais Arnaud décroche au bout de 8 jours. « Je ne saurai pas expliquer pourquoi mais je n’y suis pas arrivé, constate-t-il. Je m’entendais pourtant très bien avec Édouard Ferri. » Il préfère donc rejoindre le groupe CCR en 2001 en tant que directeur général de la filiale CCR-Chevrillon Philippe. A la tête de la structure de gestion privée, il retrouve rapidement ses marques. « J’ai toujours été intéressé par la clientèle privée, souligne-t-il. J’avais la chance d’avoir un profil très recherché car j’étais à la fois gérant et commercial. » C’est d’ailleurs au contact de ses clients qu’Arnaud a le plus appris. « Je n’ai pas vraiment eu de mentor dans le métier, affirme-t-il. En revanche, j’ai toujours eu au moins un client qui m’a conseillé au cours de ma carrière. » Arnaud se souvient notamment de l’importance de Jean-Baptiste Bissonet des Boucheries Nivernaises, qui l’a incité pendant 10 ans à ouvrir sa propre entreprise. L’entreprise humaniste En 2008, le groupe CCR est racheté par UBS suite à la crise financière, ramenant une nouvelle fois Arnaud dans un grand groupe. Deux ans plus tard, il décide de quitter la banque pour enfin se lancer pleinement dans l’entrepreneuriat, à 50 ans, avec la reprise d’Amplegest. « Nous sommes partis avec Marie Saltiel et Emmanuel Auboyneau pour nous associer dans une société de gestion ou les fondateurs cherchaient des associés entreprenants pour développer la structure avec l’objectif d’en faire une société de gestion privée destinée aux entrepreneurs », détaille-t-il. Les trois associés démarrent l’aventure Amplegest avec la conviction qu’après la crise de 2008, les pratiques de la finance devaient évoluer. Arnaud de Langautier raconte d’ailleurs une anecdote qui l’a profondément marquée à ce sujet : « Fin 2010, je suis allé voir le film « Inside Job » avec mon fils qui avait 20 ans, relate-t-il. Lorsque nous sommes sortis de la séance il m’a dit : « Tu fais vraiment un métier de merde (sic) ». J’ai été très peiné par la manière dont mon fils m’a dit cela et cela a encore renforcé ma prise de conscience que des changements étaient nécessaires » Cette volonté de modifier les pratiques, Arnaud et ses associés l’appliquent dès le début d’Amplegest en partageant le capital de la société et les bénéfices avec leurs employés mais aussi en pratiquant une politique beaucoup plus transparente sur les frais auprès des clients. De plus, les associés décident de s’engager dans des actions de philanthropie en mettant en place le fameux 3 fois 1% de Salesforce : 1 % du chiffre d’affaires en dons financiers, 1 % du temps de travail en chantier solidaire et 1 % du temps de travail en mécénat de compétence. Dernièrement, Arnaud et la moitié des salariés d’Amplegest ont donc aidé une association à trier des livres pour des créations d’écoles au Sénégal, pendant que l’autre moitié de l’équipe partait trier des légumes pour des épiceries solidaires parisiennes à Rungis. « Le chantier solidaire le plus marquant que nous avons fait a été celui des potagers solidaires de Sevran, se rappelle Arnaud. C’était un chantier de réinsertion où nous avons notamment pu échanger avec des SDF qui nous racontaient leur histoire. C’était à la fois très instructif et bouleversant. » Cet engagement associatif, Arnaud le cultive également dans sa sphère privée, notamment au niveau de l’éducation. Il est ainsi très impliqué dans la vie éducative et a notamment aidé à la création d’un pensionnat de la communauté de Saint-Martin à Pontlevoy. « Je suis également trésorier de l’O.G.E.C [Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique, ndlr] de l’école Paul Claudel dans le 7e arrondissement de Paris depuis de très nombreuses années, détaille-t-il. C’est très important pour moi de rendre un peu de ce que les autres m’ont donné et notamment en termes d’éducation. On ne peut pas toujours être des consommateurs, il faut également s’investir dans les causes auxquelles on croit. » A la découverte des pays fermés Cette vision humaniste du monde est sûrement la raison pour laquelle Arnaud a toujours privilégié des voyages un peu particuliers. En effet, il a souvent privilégié des pays qui venaient de s’ouvrir au tourisme. Il a ainsi pu visiter la Birmanie en 1984 alors que le pays était toujours communiste et ne connaissait pas du tout la surconsommation occidentale. « Nous avions obtenu un visa de 8 jours et nous devions indiquer au parti communiste birman chacune de nos destinations, se souvient-t-il. Nous avons été frappés par la gentillesse de la population et la préservation de ces pays. ». Lorsqu’on l’interroge sur ses voyages, il insiste beaucoup sur la chance d’être français. « On est les bienvenus partout grâce aux valeurs des droits de l’Homme mais aussi de la gastronomie et du luxe », résume-t-il. Outre la Birmanie, il a pu visiter la Tchécoslovaquie pendant la période communiste ou plus récemment l’Iran. Plaquage… et littérature ! Arnaud aime également le sport et pratique régulièrement le tennis et le squash. Cependant, en bon Toulousain, son sport de cœur restera toujours le rugby. Lui qui jouait 2e ligne en a arrêté la pratique le jour où un adversaire lui a cassé la clavicule. Depuis, c’est devant sa télévision ou dans les travées des stades, pour les grands matchs, qu’il continue de soutenir le Stade Toulousain et surtout le XV de France. « Quand on est toulousain, on ne peut pas ne pas aimer le rugby, insiste-t-il. Quand j’étais plus jeune, les joueurs n’étaient pas professionnels et il y avait une vraie proximité avec la population. Deux de mes frères avaient pour professeur de gym Pierre Villepreux, un ancien arrière de l’équipe de France, qui leur racontait le lundi matin comment ils avaient gagné ou perdu contre les Anglais à Twickenham pour le Tournoi des Cinq Nations. »
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