
L’Union s’offre un accord historique sur la taxe carbone aux frontières

L’accord obtenu cette nuit est une nouvelle première mondiale dans le cadre du Green Deal », s’est réjoui mardi le président de la commission environnement du Parlement européen, Pascal Canfin, à la suite d’un accord avec les Etats membres sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). « C’est la mise en œuvre concrète d’une idée française initiée il y a plus de 20 ans par Jacques Chirac. Pour la première fois, nous allons assurer un traitement équitable entre nos entreprises, qui paient un prix du carbone en Europe, et leurs concurrents étrangers, qui n’en paient pas».
Le nouveau mécanisme répond ainsi à un double objectif : exporter les ambitions climatiques européennes et verdir la mondialisation, tout en créant une nouvelle arme pour garantir la compétitivité de l’industrie européenne. Conçu pour éviter les délocalisations vers des pays tiers ayant des normes environnementales moins strictes, le MACF vise concrètement à répercuter le prix du marché carbone européen sur les marchandises importées, en faisant payer aux importateurs des certificats conditionnant l’entrée des produits sur le marché unique.
Aux termes de l’accord, cet instrument couvrira, dans un premier temps les émissions directes des importations de ciment, d’aluminium, de fer et d’acier, d’engrais agricoles, de la production de l’électricité et d’hydrogène. Le champ d’application du mécanisme devra en outre être progressivement élargi. Le texte final prévoit que la Commission européenne évalue, un an avant l’entrée en application formelle du mécanisme, les risques de délocalisation dans les secteurs en aval des produits initialement couverts, tels que les voitures, les équipements automobile, la céramique. Suite à cette évaluation, l’exécutif européen devra faire une proposition législative pour inclure les secteurs les plus pertinents. «Le message à nos industries est donc clair : inutile de délocaliser car nous avons pris les mesures nécessaires pour éviter les concurrences déloyales», explique Pascal Canfin.
Champ d’application
L’entrée en application du mécanisme se fera elle aussi progressivement. Entre octobre 2023 et la fin 2025, les entreprises importatrices devront ainsi déclarer uniquement le contenu carbone de leurs produits, sans devoir payer les certificats. Suite à cette phase, l’instrument européen entrera pleinement en vigueur. Toutefois, la date exacte, qui devrait se situer entre 2026 et 2027 n’a pas encore été décidée.
Elle sera déterminée lors d’une autre négociation actuellement en cours concernant la révision du système d’échange de quotas d’émission (ETS), en fonction notamment de ce qui sera négocié concernant le retrait progressif des quotas d’émissions gratuits alloués dans certains secteurs industriels. Afin d’éviter une double protection des industries européennes qui pourrait apparaître comme une discrimination vis-à-vis des règles de l’OMC, l’entrée en application du MACF devra en effet s’accompagner du retrait de ces permis de polluer délivrés gratuitement.
«L’objectif de la diminution des allocations gratuites et de la mise en place du MACF est de créer un avantage comparatif pour les productions moins intensives en CO2, explique Pierre Leturcq, directeur des études à l’institut Europe Jacques Delors basé à Bruxelles. Afin de ne pas perdre des parts de marché, les entreprises européennes devront agir rapidement pour réduire leurs émissions».
Une autre incertitude concerne le potentiel maintien de ces allocations gratuites pour certains exportateurs européens dont les produits seront couverts par le MACF. Alors que le Parlement européen est en faveur de ces «rabais à l’export», les Etats membres craignent que ces aides à l’export ne soient incompatibles avec les règles anti-subventions de l’OMC. La question sera là aussi tranchée ultérieurement, dans le cadre de la réforme du marché carbone.
Enfin, la mise en œuvre dépendra aussi des réactions des partenaires commerciaux de l’UE, qui s’étaient montrés pour beaucoup hostiles au texte, lors de la présentation de la proposition de la Commission européenne, en juillet 2021. Si des aménagements sont prévus pour les pays les plus pauvres et pour ceux qui disposent déjà de marchés ou de taxes carbone, des mesures de rétorsion restent probables.
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