Les résolutions d’actionnaires explosent et deviennent trop prescriptives, selon BlackRock

La société de gestion américaine BlackRock soutient moins de résolutions d’actionnaires car celles-ci cherchent de plus en plus à dicter le management.
Adrien Paredes-Vanheule
Finance verte
BlackRock estime que plus d’un quart des sociétés faisant partie de son univers sous « surveillance climatique » ont progressé significativement dans leurs objectifs et reportings climat.  -  Fotolia

Une saison d’assemblées générales à nulle autre pareille. C’est en ces termes que Sandy Boss, responsable mondiale de l’engagement actionnarial (investment stewardship) chez BlackRock, décrit la saison 2021-2022 des AG à L’Agefi. Cette saison s’est déroulée dans un contexte d’engagement mondial pour la décarbonation avec un environnement socio-économique sans précédent et une inflation au plus haut depuis des décennies. Les entreprises sont dans le dur mais montrent une certaine résilience, constate-t-elle.

Selon son rapport d’engagement actionnarial, publié ce mardi, BlackRock, plus grosse société de gestion du monde, a rencontré 2.464 sociétés cotées sur 55 marchés différents au cours de 3.693 réunions d’engagement lors de la saison 2021-2022 des AG. Un record, précise le gestionnaire américain, qui s’est prononcé sur plus de 173.000 résolutions de 14.139 sociétés entre juillet 2021 et fin juin 2022. La gouvernance est restée le point principal de ses engagements et de ses votes. Dans 43% des AG auxquelles il a participé (18.100 AG), BlackRock n’a pas approuvé au moins une des résolutions portées par le management des sociétés. « Nous avons soutenu 90% des élections de directeurs (qui ont représenté 40% des votes de BlackRock au total) et autres résolutions dans 57% des AG. Les raisons pour lesquelles nous n’avons pas soutenu les élections d’administrateurs et les résolutions de la direction étaient principalement liées à la gouvernance. Cela inclut un manque d’indépendance ou de diversité du conseil d’administration, des administrateurs engagés dans trop de conseils d’administration ou encore la rémunération de l’exécutif qui n’était pas alignée avec la stratégie ou la performance de long terme de la société », explique Sandy Boss.

Concernant la thématique du climat, BlackRock a exprimé, à travers ses votes, ses inquiétudes sur l’action et le reporting climatique de 234 sociétés, soit 1,7% des résolutions votées (contre 2,4% en 2021). La société de gestion a voté contre l’élection de 176 administrateurs en raison d’inquiétudes liées au climat (contre 254 lors de la saison précédente). BlackRock estime que plus d’un quart des sociétés faisant partie de son univers de plus de 1.000 sociétés sous « surveillance climatique » ont progressé significativement dans leurs objectifs et reportings climat.

Non à l’entrave

Les résolutions d’actionnaires ont, elles, représenté environ 1% de l’ensemble des résolutions votées par BlackRock cette année. Malgré cet infime pourcentage, ce sont ces résolutions, le plus souvent portées par des ONG, qui attirent l’attention. « Elles ont augmenté de manière significative, en particulier aux Etats-Unis, où nous avons vu une hausse de 133% des résolutions d’actionnaires environnementales et sociales. Nous avons soutenu 22% de ces résolutions (71 dont 38 sociales et 33 environnementales sur 321 votées) », indique Sandy Boss.

Si BlackRock en a soutenu moins que la précédente saison (81 votes), c’est que le gestionnaire les a trouvées trop prescriptives cette année. Aussi certains thèmes de résolutions ne trouvent pas écho chez BlackRock tels que la cessation du financement des compagnies énergétiques traditionnelles, le déclassement des actifs liés aux combustibles fossiles, l’inclusion d’une obligation de rapport et de vote sur le risque climatique dans les statuts des entreprises ou encore l’imposition de normes pour les salaires et avantages minimaux perçus par les salariés.

« Sur le long terme, nous observons que l’intérêt des sociétés est de gérer les risques et opportunités liés au climat et de prendre soin des différentes parties prenantes. Cela ne change pas. Cette année, certaines résolutions ne pouvaient pas être soutenues étant donné ce qu’il se passe dans le marché de l’énergie. Il était demandé à certaines sociétés une réduction absolue des émissions de Scope 3 à travers les résolutions d’actionnaires et en même temps, il leur était demandé de produire davantage pour remplacer le gaz et le pétrole russes », ajoute-t-elle.

Pour Sandy Boss, le vocabulaire employé dans les résolutions d’actionnaires doit être examiné au cas par cas. Elles ne bénéficient du soutien de BlackRock que lorsqu’elles sont cohérentes avec les demandes du gestionnaire aux sociétés de donner des informations pouvant l’aider à comprendre les risques matériels et les opportunités qui se présentent à elles. « Cependant, les résolutions d’actionnaires deviennent prescriptives à partir du moment où elles entravent les décisions élémentaires d’une société », précise Sandy Boss.

Un phénomène se développe de plus en plus pour les gestionnaires n’apportant pas leur soutien à des résolutions d’actionnaires qu’ils jugent trop coercitives, en particulier sur le climat et le social. Leurs votes « contre » peuvent susciter la controverse dans l’espace public et ils se voient épinglés par les ONG et autres activistes. Schroders a par exemple récemment fait l’objet de critiques acerbes pour avoir voté contre une résolution d’actionnaires demandant le versement d’un salaire décent pour tous les salariés de la chaîne de supermarchés britannique Sainsbury’s, sous-traitants compris. « Les organisations non gouvernementales et les politiciens font davantage entendre leurs critiques vis-à-vis de certaines actions entreprises par les gestionnaires d’actifs. Nous avons l’obligation légale de publier nos décisions de votes en tant qu’actionnaires. Nos votes sont toujours guidés par les mandats de nos clients dans leur intérêt économique de long terme », commente Sandy Boss.

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