
Les actionnaires de Sainsbury’s rejettent une résolution sociale qui a divisé les gestionnaires

Les actionnaires de la chaîne de supermarchés britannique Sainsbury’s ont, jeudi 7 juillet, rejeté une résolution à visée sociale lors de l’assemblée générale de la société. Cette dernière était considérée outre-Manche comme un véritable test sur le S des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) que mettent en avant gestionnaires d’actifs et investisseurs institutionnels dans leurs investissements. La résolution appelait Sainsbury’s à garantir le versement d’un salaire décent pour l’ensemble de ses salariés et sous-traitants (agents de sécurité et de nettoyage par exemple) dans une période d’inflation galopante. Un salaire défini par une initiative britannique baptisée Living Wage Foundation qui calcule un salaire décent réel chaque année. A savoir, pour 2022, 9,90 livres de l’heure à travers le Royaume-Uni et 11,05 livres de l’heure à Londres alors que le salaire minimum obligatoire est de 9,18 ou de 9,50 livres de l’heure en fonction de l’âge du salarié.
Cette résolution, dont le dépôt a été coordonné par l’organisation non-gouvernementale ShareAction, était soutenue par plusieurs gestionnaires d’actifs de premier plan dont Legal and General IM, Aviva Investors ou encore HSBC AM. A l’inverse, d’autres gestionnaires comme Schroders, un des cinq plus gros actionnaires de Sainsbury’s, s’étaient exprimés publiquement fin juin contre cette résolution, suscitant la polémique outre-Manche.
Ce jeudi, quelque 17% des investisseurs de Sainsbury’s ont donc voté en faveur de la résolution malgré les appels des conseillers en vote Glass Lewis et ISS et du conseil d’administration de Sainsbury’s à voter contre. Même si la résolution a été rejetée, le vote a envoyé «un puissant message des actionnaires sur le fait que Sainsbury’s devrait s’engager à verser un salaire décent pour tous ses employés», selon Rachel Hargreaves, directrice de campagne chez ShareAction.
«Les investisseurs ont montré qu’ils peuvent soutenir et soutiennent les augmentations pour les bas salaires. Nous sommes également déçus qu’une grande partie des actionnaires ait choisi de privilégier les rendements à court terme au détriment du véritable problème à long terme : l’inégalité croissante dans notre société. Alors que nous devons faire face aux effets continus de la crise du coût de la vie, la conversation sur les bas salaires ne va pas disparaître, et tant les employeurs que les investisseurs doivent s’engager», poursuit-elle.
Schroders vivement critiqué
Pour l’ONG, la résolution a mis en lumière le traitement des sous-traitants «souvent invisibles dans les rapports des entreprises» mais pas seulement. Selon ShareAction, elle a aussi forcé gestionnaires d’actifs et investisseurs institutionnels à prendre leurs responsabilités quant aux impacts de leurs investissements sur la société. En filigrane, ShareAction vise Schroders qui a été vivement critiqué lorsque la société de gestion a exprimé son intention de voter contre la résolution. Toutes les résolutions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) portées par les organisations non-gouvernementales (ONG) et les gestionnaires d’actifs ne sont pas bonnes à voter, disait en substance Andrew Howard, responsable mondial de l’investissement durable chez le gestionnaire britannique Schroders, dans sa tribune publiée mercredi sur le site de la firme.
Cette tribune intitulée «Shareholder resolutions: prepared to disagree» («résolutions d’actionnaires: préparé à ne pas être d’accord» en français) apparaissait comme une réponse aux critiques. «Nous avons historiquement soutenu plus de résolutions d’actionnaires que beaucoup de nos plus grands concurrents. Mais notre soutien, ou notre objection, dépendra toujours de la qualité et de la pertinence de la formulation des résolutions, et il se fera sur la base d’une compréhension détaillée du modèle d’entreprise d’une société et de ses progrès à ce jour sur les questions ESG», écrivait-il.
La firme estimait que les salaires touchés par la plupart des employés de Sainsbury’s étaient déjà en ligne avec ceux définis par la Living Wage Foundation. En outre, la compétitivité de Sainsbury’s aurait été affectée par le passage d’une telle résolution, notamment sa capacité à maintenir à un niveau bas les prix des produits essentiels.
En raison de sa prise de position, Schroders a été écarté de la coalition Good Work… de ShareAction, qui planche sur le sujet des inégalités salariales et dans laquelle le gestionnaire siégeait depuis sa création en 2020. Bloomberg rapporte de son côté que plusieurs clients de Schroders ont fait partau gestionnaire de leur désaccord concernant sa position sur la résolution sociale visant Sainsbury’s.
Plus d'articles du même thème
-
Les valorisations de l’immobilier commercial approchent des plus bas
Le mouvement semble bien amorcé sur les bureaux, et surtout sur les commerces qui avaient davantage subi la crise du covid. -
Delubac innove dans le paiement, Lyf atteint la rentabilité
Paris Retail Week suite : Delubac lance un nouveau moyen de paiement 100% français, le portefeuille électronique Lyf dépasse les 3,5 millions de comptes utilisateurs. -
Le marché de l’hydrogène bas carbone reste à l’état de promesses
Pour qu’en 2030, la capacité installée d’électrolyseurs soit alignée sur le scénario «Net Zéro» de l'Agence internationale de l’énergie (AIE), les investissements devront progresser annuellement de 70%.
Sujets d'actualité
- Ark Investment débarque en Europe avec le rachat de Rize ETF
- Lorenzo Gazzoletti: « Richelieu Gestion est en quête d’acquisitions »
- Amundi ajoute un fonds event driven à sa plateforme de hedge funds Ucits
- Le régulateur américain adopte ses nouvelles règles sur les dénominations de fonds d’investissement
- Delubac AM dévoile son premier fonds monétaire
Contenu de nos partenaires
-
Exclusif
Séisme au Maroc: dans les coulisses du jour le plus long de Mohammed VI
L'Opinion a reconstitué les premières heures post sinistre du roi du Maroc pour répondre à la catastrophe naturelle la plus mortelle de son règne -
Spécial Pologne
« Les Russes veulent revenir » - la tribune d'Eryk Mistewicz
« Il y a 30 ans, le dernier soldat soviétique a quitté la Pologne. À en croire les idéologues de Poutine, les Russes aimeraient aujourd'hui retourner en Pologne et dans toute l'Europe centrale. Nous faisons tout, nous, Polonais et Ukrainiens, Français aussi, tous en Europe et aux États-Unis, pour les en empêcher », explique le président de l'Instytut Nowych Mediówryk. -
Editorial
Antonio Guterres, le prophète de malheur qui ne fait peur à personne
Le Secrétaire Général de l’Onu va crescendo dans les prévisions apocalyptiques