
La zone euro sort le « bazooka » pour les banques espagnoles

Sans attendre le scrutin grec qui pourrait, dimanche prochain, ouvrir une nouvelle page dramatique de l’histoire européenne en voyant un pays membre opter pour la sortie de la zone euro voire de l’Union elle-même, les ministres des Finances de la zone euro ont décidé un sauvetage du système bancaire espagnol sur fonds publics européens.
Ils sont convenus samedi de prêter jusqu'à 100 milliards d’euros à l’Espagne afin de lui permettre de renflouer ses banques en difficulté. Cette aide est strictement européenne et n’implique pas le FMI. On ignore pour l’heure quelle part des capitaux appelés viendra du Fonds européen de stabilité financière, le FESF, ou du Mécanisme européen de stabilité, le MES, qui doit le compléter en juillet.
Ce point est important car les conditions attachées à l’aide ne sont pas les mêmes en raison des statuts différents des deux entités. On sait en revanche que les fonds seront prêtés à l’Espagne via le Fonds mis en place par Madrid pour recapitaliser ses banques, le Frob. La conséquence est que ces fonds augmenteront d’autant la dette publique espagnole. 100 milliards d’euros représente près de 9 points du PIB espagnol.
Aucune contrepartie n’est attachée à l’aide accordée à l’Espagne qui puisse rappeler celle attachée à la Grèce, au Portugal ou à l’Irlande. Les décisions budgétaires déjà prises par Madrid et actées par l’Union européenne ne sont pas remises en cause, ni à fortiori durcies, suite à l’accord de samedi.
Le montant exact du sauvetage bancaire dépendra du montant des besoins en capital du système bancaire espagnol tels qu’ils seront établis par les audits indépendants menés par les cabinets Oliver Wyman et Roland Berger. Ils doivent être connus le 21 juin. C’est à l’issue d’une téléconférence de plus deux heures et demie entre les grands argentiers de la zone euro que le chiffre de 100 milliards a été arrêté.
Ce montant paraît très élevé. Le FMI, dans un document rendu public vendredi, n’évoquait pour sa part qu’un chiffre de 37 milliards d’euros pour recapitaliser les banques espagnoles, chiffre sous-estimé pour diverses raisons techniques et la date à laquelle ce document a été préparé.
On peut dire que le chiffre de 100 milliards finalement arrêté correspond au plafond de ce que les économistes redoutent comme recapitalisation pour le système bancaire dans une hypothèse de stress exceptionnel, en tenant compte des plus récentes dégradations de la situation ainsi que de la probable sous-capitalisation actuelle, sans doute pas totalement avouée, des établissements de la péninsule.
Le communiqué de l’Eurogroupe parle d’ailleurs d’un montant « qui doit couvrir les besoins estimés de capitaux avec une marge de sécurité additionnelle ». Le ministre de l’Economie espagnol, Luis de Guindos, a déclaré qu’il s’agit de sommes « « gérables qui devraient couvrir amplement tous les besoins ». A ce jour, l’Union européenne et le Fonds monétaire international ont mobilisé environ 500 milliards d’euros pour financer les renflouements de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal et maintenant de l’Espagne.
Washington a immédiatement fait part de son soulagement : ces aides « sont importantes pour la santé de l'économie espagnole et c’est un pas important sur la voie d’une union financière, qui est vitale pour la résistance de la zone euro », a déclaré le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner. C’est aux institutions européennes qu’il reviendra de s’assurer que Madrid respecte ses engagements en matière économique et budgétaire. Le rôle du FMI, que Madrid voulait à tout prix limiter et qui, pour cette raison, n’intervient pas dans le montage décidé samedi, se bornera à aider à la mise en place et la surveillance de l’assistance aux banques mise en place par Madrid.
Un dernier point, important, reste à préciser. Le communiqué de l’Eurogroupe indique que les fonds pourront être apportés au travers le FESF ou le MES. Cela n’est pas neutre du tout. Si les fonds émanent du FESF, la Finlande, comme cela fut déjà le cas par le passé, exigera de Madrid des garanties spécifiques. Si les fonds passent par le MES, une procédure plus souple que celle applicable au FESF, un rang de seniorité leur sera accordé, ce qui signifie que les autres créanciers seront moins prioritaires en cas de procédure de remboursement. C’est en cas de figure redouté par les investisseurs, de nature à éloigner ceux-ci du risque bancaire espagnol.
Néanmoins, après la sortie par l’Europe d’un tel « bazooka », une reprise des marchés financiers, et notamment une détente des taux espagnols et des autres pays périphériques paraît probable demain lundi.
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Moscou a démenti avoir visé ce pays membre de l’Otan, tandis que Varsovie a dénoncé une «provocation» russe. L’incident a, pour certains experts, mis à jour des faiblesses de l’Alliance atlantique. Selon des observateurs ukrainiens, l’envoi d’avions de chasse et le tir de missiles pour abattre des drones ont constitué une réponse surannée et bien trop onéreuse. Andrius Kubilius, le commissaire européen, le reconnaît: «Nous n’avons pas les capacités de l’Ukraine pour combattre une invasion de drones». - Outils peu coûteux - Depuis des mois, l’Ukraine est attaquée quasiment chaque nuit par des centaines de drones russes. Pour les repousser, Kiev a développé des outils peu coûteux, comme des brouilleurs électroniques et des drones d’interception. Selon une analyse de l’AFP à partir des données de l’armée de l’air ukrainienne, plus de 80% des drones russes sont abattus. Alors que l’Otan, la semaine dernière, en a neutralisé moins de cinq sur la vingtaine ayant pénétré dans l’espace aérien polonais. Pour produire beaucoup et à moindre frais, l’approche de l’industrie ukrainienne a été notamment de reconvertir des technologies pacifiques à des fins militaires, comme l’usage de petits drones civils pour lâcher des explosifs sur les soldats russes. Ces drones, au bourdonnement caractéristique, étaient bien présents au salon de l’armement de Lviv. Des robots futuristes, ressemblant à des voitures contrôlées à distance et prévus pour ravitailler ou évacuer les soldats sur le front, étaient également exposés, avec, à leurs côtés, de jeunes ingénieurs montrant sur leurs écrans la façon de relier ces engins à l’intelligence artificielle (IA). «C’est une vitrine pour insister sur le fait que l’Ukraine est technologique, l’Ukraine se développe. Si vous faites dans la tech-défense, si vous n'êtes pas en Ukraine, vous n'êtes pas dans la tech-défense», tranche Thomas Moreau, représentant en Ukraine du GICAT, un groupement d’entreprises françaises de défense. Investissements «dérisoires» Au-delà des démonstrations spectaculaires, il reste encore beaucoup à faire. Les investissements étrangers dans les technologies militaires ukrainiennes restent «dérisoires», souligne Iaroslav Ajniouk, PDG de The Fourth Law, qui fabrique des systèmes d’IA pour drones d’attaque. Selon lui, la seule façon de vaincre la Russie est de remporter la course aux armements et l’Occident n’a pas compris l’urgence d’investir. «C’est comme regarder la suite de Don’t Look Up ", dit-il, en référence à cette comédie dramatique américaine dans laquelle des scientifiques tentent d’alerter des responsables inconscients d’une catastrophe imminente. Certains semblent néanmoins réagir. Lors du salon de Lviv, son organisateur, Brave1, une plateforme gouvernementale, a affirmé que des entreprises étrangères avaient l’intention d’investir plus de 100 millions de dollars (plus de 85 millions d’euros) dans les technologies de défense ukrainiennes. Swarmer, une société développant des drones pilotés par l’IA, a conclu le plus important investissement public en obtenant 15 millions de dollars (12,8 millions d’euros) auprès d’investisseurs américains. À titre de comparaison, un député ukrainien a récemment déclaré que l’Ukraine dépensait environ 170 millions de dollars (environ 145 millions d’euros) par jour pour mener la guerre. Des participants au salon expliquent que les investissements se heurtent aussi à des obstacles bureaucratiques, notamment une réglementation stricte qui interdit de facto les exportations en raison de pénuries. Oleksandr Iarmak, commandant de l’unité militaire Nemesis, souligne que les soldats ukrainiens, malgré leur souhait de partager leur expérience avec leurs alliés, ont «peu de temps» pour le faire «du fait des combats quotidiens». L’Ukraine propose d’autres solutions, comme des investissements conjoints à l'étranger. Elle a récemment annoncé un premier accord de coproduction au Danemark et affirmé que plus de 25 entreprises étrangères transféraient une partie de leur production dans le pays. «Nous sommes en phase d’apprentissage», analyse Artem Moroz, responsable de Brave1 pour les relations avec les investisseurs. «Au fil du temps, les levées de fonds prennent de l’ampleur». Barbara WOJAZER © Agence France-Presse -
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