
La dette bancaire senior est sous tension
Les opérateurs ont violemment réagi au projet de la Commission européenne qui prévoit de mettre à contribution les porteurs d’obligations bancaires en cas de défaillance d’un établissement. L’indice iTraxx qui suit le coût de la protection contre le risque de défaut à cinq ans sur la dette financière senior s’est écarté de 17 points de base (pb) depuis le début de l’année à 194 pb. Cette réaction semble toutefois prématurée, selon des stratégistes, puisqu’un futur texte européen, à l'état de consultation, ne serait pas rétroactif.
Sur le marché cash, la réaction a été plus mesurée. L’indice iBoxx qui reflète les spreads sur la dette bancaire senior, s’est tendu de 3 points de base (pb) depuis le début de l’année à 154 pb. Il faut dire que l’indice s’était déjà fortement tendu fin novembre lorsque l’Allemagne et l’Irlande ont dévoilé leurs projets de faire porter davantage le coût des sauvetages bancaires aux créanciers. C’est dans la foulée de ces deux projets nationaux que la Commission européenne a lancé jeudi dernier une consultation sur les résolutions de crise bancaire afin de limiter les soutiens publics en faisant participer les actionnaires et les créanciers.
La contribution de ces derniers se fera selon leurs rangs. En cas de défaillance d’une banque, les porteurs de dettes subordonnées seraient en première ligne. Puis les créanciers seniors seraient à leur tour sollicités, si nécessaire.
Pour l’heure, la réaction des marchés à ce projet européen est «prématurée» pour le bureau d’études CreditSights. De fait, la Commission n’en est qu’au stade des propositions qui pourraient, après la consultation, être assouplies. Par ailleurs, le processus législatif sera lent. Enfin, les dettes existantes ne sont pas concernées par le nouveau texte. Les spreads sur la dette senior pourraient donc se resserrer légèrement à court terme. Toutefois, compte tenu des incertitudes sur la version finale du texte, les banques déjà aidées par les Etats risquent d’avoir encore plus de difficultés à se financer sur les marchés.
Plus globalement, «le statut de la dette senior des banques européennes est en train de changer lentement mais sûrement», explique CreditSights. Les porteurs obligataires ne pourront plus à l’avenir compter sur le sauvetage par un gouvernement mais s’attendront à supporter des dépréciations en cas de défaut d’une banque pour l’aider à redevenir solvable. Une fois que le texte entrera en vigueur, les banques devront rémunérer les investisseurs seniors pour ce nouveau risque, en leur offrant un meilleur rendement et une meilleure transparence financière, estime CreditSights. «A moyen/long terme, ces mesures entraîneront une hausse du coût du capital pour les banques, ce qui se traduira par conséquent par une augmentation des coûts de financement des entreprises non-financières», ajoute Stefan Kolek, à la recherche crédit d’UniCredit.
La consultation de la Commission européenne intervient alors que la nouvelle réglementation bancaire, Bâle 3, va mettre en place des ratios de liquidité incitant les banques à accroître leur financement à long terme. Or, le nouveau projet de Bruxelles, qui affaiblit le statut de la dette bancaire senior, semble en contradiction avec l’objectif du Comité de Bâle.
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Tensions Macron-Attal : la brouille qui secoue Renaissance face à la crise politique
Paris - Rien ne va plus entre Emmanuel Macron, président en difficulté ne pouvant se représenter, et Gabriel Attal, prétendant à la succession exfiltré de Matignon par la dissolution. Une mésentente au sommet, sur fond de crise politique et d’incertitude sur l’issue du quinquennat. Juillet 2025. Devant les Jeunes avec Macron, Gabriel Attal fait un pas vers la présidentielle. Quelques minutes plus tard, le président débarque, rabroue ceux qui «ne pens(ent) qu'à 2027" et électrise les jeunes militants en lançant avoir besoin d’eux «pour les cinq», «dix ans qui viennent». Mines crispées des attalistes et du premier d’entre eux. Un député s'étonne de «la manière dont le président a humilié Attal». Et ajoute: «il passe son temps à buter tous ceux qui veulent lui succéder». Un classique français ? La Ve République regorge de luttes entre présidents et successeurs potentiels. Surtout issus du même camp. De Gaulle-Pompidou, Giscard-Chirac, Chirac-Sarkozy... Nicolas Sarkozy, source d’inspiration pour Gabriel Attal, certes issu du PS mais dont une partie de l’entourage a fait ses classes à l’UMP, comme son bras droit Maxime Cordier. «Quand Attal a pris le parti après Matignon, il m’a dit: +je vais faire Sarko 2004, avec une grosse convention d’investiture+", relate un député PS. Il s'était déjà emparé du groupe macroniste à l’Assemblée contre la volonté de l’Elysée. Quelques semaines après la dissolution, point d’orgue d’une mésentente qui a débuté quasiment dès son arrivée à Matignon. La nomination du plus jeune Premier ministre de l’histoire était pourtant un coup personnel du président, contre l’avis de nombreux proches. Mais «deux semaines après, son entourage ne fait que nous savonner la planche», affirme un proche de M. Macron. En pleine crise, l’accueil de M. Macron au Salon de l’Agriculture est dantesque. Celui du Premier ministre plus apaisé. «Il lui sabote le Salon car il n’a pas géré la crise», «ça a été le moment où le président a été physiquement le plus en danger du quinquennat», fulmine cette source pour qui, dès lors, «la confiance est rompue». Front républicain L'épisode de la dissolution a été maintes fois raconté: un Gabriel Attal hors de la confidence, informé au dernier moment. Cloîtré vingt-quatre heures durant dans la résidence primo-ministérielle de Souzy-la-Briche (Essonne). Avant de prendre en main la campagne législative. Les premières sorties du président, qui entendait s’en occuper personnellement, sont jugées catastrophiques jusque dans son camp. En coulisses se noue un désaccord profond: le «front républicain» face à l’extrême-droite aux portes de Matignon. «La vérité, c’est que la dissolution était faite pour que (Jordan) Bardella gagne», «pour qu’ils se grillent et qu’on les vire deux ans après». Mais après le premier tour, «Attal et (Stéphane) Séjourné débarquent et disent: +on va sauver la France, tout le monde se retire+" dans les circonscriptions où le RN menace, affirme un cadre macroniste. «Attal me raconte que quand il appelait des mecs pour se désister, l’Élysée passait des coups de fil pour qu’ils se maintiennent», rapporte une source chez Renaissance. «Il avait une trouille absolue: l’image de lui sur le perron de Matignon serrant la main de Bardella», ajoute une ministre. Côté RN, un cadre l’affirme sans ambages: «c’est Attal qui nous a battus aux élections». Depuis, hors des réunions collectives, aucun échange. 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Attal va continuer à s’affranchir du chef de l’État. A Renaissance, il multiplie les conventions thématiques. «Il reprend un parti qui n’en est pas un et qui n’a pas d’identité. C’est très compliqué», observe un cadre MoDem. Il déroute aussi certains soutiens par ses sorties, comme sur l’interdiction du voile aux mineures ou la «GPA éthique». «Je ne comprends rien. C’est un mystère pour moi», lâche un cadre centriste. Un Insoumis se dit «stratégiquement stupéfait» quand Attal «pourrait occuper un espace plus au centre-gauche». Ira-t-il jusqu’au bout, notamment face à Édouard Philippe ? «Attal ne sera pas président. Les gens ne voteront pas une troisième fois pour Macron». Car malgré la mésentente, «il en est la créature», juge un cadre d’Horizons. Baptiste PACE © Agence France-Presse