IMPACT SOCIAL - A la recherche des bons indicateurs

Trouver des critères sociaux pertinents et fiables reste un défi.
Agnès Lambert
indicateurs

L’investissement dans l’impact social veut préciser ses contours mais il lui faut encore patienter un peu. « Nous devrions avoir une taxonomie sociale européenne en 2022. Cette définition des indicateurs et de leur mesure est essentielle car elle permettra de créer un langage commun, comme c’est le cas sur l’environnement depuis juin 2020 », résume Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic. En attendant, chaque société de gestion développe ses propres indicateurs, utilisés à la fois comme filtre dans leurs fonds ISR (investissement socialement responsable) et publiés sur l’ensemble du portefeuille pour les fonds d’impact. Cette catégorie de produits avance d’ailleurs de son côté sur un projet de langage commun. Ainsi, 60 sociétés de gestion représentant 35 milliards d’euros ont approuvé, le 18 mars, la définition de l’investissement à impact conçue par France Invest et le Forum pour l’investissement responsable (FIR). Cette publication concerne l’ensemble des thématiques d’impact, sans se limiter au social. « Il reste difficile de trouver des outils de mesure communs au coté et au non-coté, tout en prenant en compte la grande variété de stratégies des fonds impact, observe Marie-Geneviève Loys-Carreiras, copilote du groupe de travail sur la mesure d’impact de l’initiative commune de France Invest et du FIR, et par ailleurs responsable des investissements solidaires de BNPP AM. La mesure parfaite n’existe pas ! L’important, c’est d’être transparent sur les indicateurs et leur mode de calcul, et de progresser petit à petit pour créer les standards pertinents. »

Il reste plus simple, aujourd’hui, de mettre en place des outils de mesure d’impact dans le non-coté, qu’il s’agisse de capital-investissement ou de financement de l’Economie sociale et solidaire (ESS) par les fonds solidaires. « La mission sociale est, par construction, ancrée dans les structures de l’ESS. Il est plus facile d’avoir accès à des indicateurs précis sur leur cœur de mission, par exemple le nombre de personnes employées, les logements mis à disposition ou le nombre de jours d’accompagnement de lycéens », ajoute Marie-Geneviève Loys-Carreiras. Ce type de données est publié chaque année dans le rapport de performance sociale des fonds solidaires.

Sur mesure

Quant aux gestionnaires de private equity, le contact direct avec les sociétés leur permet de suivre convenablement l’impact social de leurs investissements. « Nous nous engageons aux côtés des chefs d’entreprise pour faire avancer leurs pratiques sociales. Notre rôle est de promouvoir cette notion, en particulier le partage de la création de valeur avec les salariés », indique Christophe Deldycke, président de Turenne Groupe, à propos du fonds Nov Relance Impact géré pour sept investisseurs institutionnels réunis par la Fédération française de l’assurance et la Caisse des dépôts. Les 124 millions levés seront investis en capital-développement et capital-transmission dans des entreprises de tous secteurs avec des objectifs d’impact ESG (environnement, social, gouvernance) et une attention particulière portée à l’actionnariat salarié et au partage de la plus-value avec les salariés. « Le quart de notre ‘carried interest’ est soumis à la validation de critères d’impact définis en amont par un comité indépendant », poursuit Christophe Deldycke. Les critères d’impact retenus varient d’une société à l’autre. Citons par exemple la part des femmes dans les organes de gouvernance, la transformation de CDD en CDI ou encore la promotion de l’emploi des jeunes. Une démarche sur mesure difficilement adaptable aux univers d’investissement du coté.

Un défi auquel fait face Yasmine de Bray, gérante de CPR Invest-Social Impact, investi dans des sociétés qui participent à la réduction des inégalités dans le monde : « La difficulté consiste à trouver des données pertinentes et de qualité avec un bon taux de couverture sur l’univers des actions internationales. Ainsi, nous n’avons pas retenu le critère de la création d’emplois pour le moment car nous manquons de sources fiables et homogènes au niveau mondial. » CPR AM passe au crible 38 critères sociaux pour construire son univers d’investissement et publie trois indicateurs d’impact, dont le ratio d’équité, qui mesure l’écart de rémunération entre les dirigeants et les salariés. « Le ratio d’équité est une donnée obligatoire pour les entreprises américaines. Nous avons donc un bon accès à l’information et celle-ci est fiable. Mais cela reste compliqué dans certains pays car toutes les entreprises n’utilisent pas le même périmètre », fait savoir Caroline Le Meaux, responsable de la recherche ESG d’Amundi.

Le ratio d’équité fait également partie de la cinquantaine d’indicateurs sociaux analysés par l’équipe d’OFI dans le cadre du fonds OFI RS Act4 Social Impact en amont de la construction du portefeuille. Ils servent ensuite à construire la mesure de l’impact social du fonds, avec notamment des critères sur l’égalité des chances homme-femme, le travail temporaire ou permanent, l’évolution des carrières. « Nous avons ‘back-testé’ la validité et la pertinence des critères retenus avant le lancement du fonds en janvier 2020. L’information reste partielle pour certains paramètres mais notre démarche fait avancer les entreprises », précise Béryl Bouvier di Nota, responsable de l’impact investing actions chez Ofi Asset Management.

De son côté, Mirova se concentre sur la création d’emplois pour son fonds Insertions Emploi Dynamique. « Nous avons défini un indicateur appelé Conviction Emploi qui mesure la capacité de l’entreprise à créer des emplois en France. Il repose à la fois sur l’évolution des effectifs sur les trois dernières années, la transparence de l’entreprise sur ce thème et la probabilité de création d’emploi dans les trois prochaines années », fait savoir Fabien Leonhardt, son gérant. Ce critère est à la fois utilisé comme filtre d’investissement et publié chaque mois dans le reporting. Ainsi, les valeurs en portefeuille ont augmenté leurs effectifs de 4,1 % en 2019, de 11,9 % sur trois ans et de 18,9 % sur cinq ans, contre 1,2 % sur un an pour le CAC 40, 2,5 % sur trois ans et 3 % sur cinq ans. « La notion Conviction Emploi évolue en permanence car nous intégrons par exemple les données de l’observatoire Trendeo, qui nous apportent une vision en temps réel de l’emploi et de l’investissement en France sur les entreprises de notre univers », explique Fabien Leonhardt. La bonne mesure de l’impact ne souffre pas les simplifications...

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