
Gérant cherche seconde chance

Le début de l’histoire est connu, la fin beaucoup moins. En 1994, John Meriwether, un ex-trader star de Salomon Brothers, montait Long Term Capital Management (LTCM), certainement le hedge fund le plus célèbre de tous les temps. Deux futurs prix Nobel, Myron Scholes et Robert Merton, étaient de la partie. Campés sur leurs modèles et jouant sur l’effet de levier, les gérants de LTCM se sont laissé prendre par la crise asiatique à la fin de l’année 1998. La banque centrale américaine a dû intervenir pour éviter ce qui aurait été, à l’époque, le plus grand séisme financier de tous les temps. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais dans la foulée, John Meriwether crée une autre société, JMW Capital Partners, et lance un autre fonds. Celui-ci réussit à collecter 3 milliards de dollars au début des années 2000. Les investisseurs n’imaginaient pas que l’histoire allait se répéter. Ils avaient tort. En 2008, le fonds doit fermer après avoir accusé de lourdes pertes. Il aura donc fallu deux faillites avant que John Meriwether soit devenu persona non grata chez les investisseurs.
Même si cet exemple reste exceptionnel, il illustre une pratique souvent vérifiée dans la gestion d’actifs : les sélectionneurs de fonds, les investisseurs et les sociétés de gestion laissent généralement une seconde chance aux gérants ayant chuté une fois. Contrairement à ce qui s’est passé avec le fondateur de LTCM, ils n’ont pas forcément tort. Et même aujourd’hui, un faux pas dans la performance est oublié relativement facilement, même s’il est aisé de suivre des gérants dans leurs différents postes avec le développement des réseaux sociaux.
De l’avis des sélectionneurs de fonds, le parcours professionnel des gérants répond souvent au même schéma. Un gérant très performant qui connaît un premier accident ne restera généralement pas dans sa structure, mais pourra intégrer une autre équipe, souvent dans une société de plus petite taille, parfois en tant qu’associé. « Lors d’un accident très important, un gérant changera de catégorie. Il ne partira pas d’un grand groupe prestigieux pour en intégrer un autre, mais il peut très bien trouver sa place dans une structure plus petite et très bien faire son travail », explique un multigérant, qui souhaite rester anonyme, comme beaucoup de professionnels interrogés sur ce sujet par L’Agefi. Il y a donc, pour les gérants, un certain droit à l’oubli (lire ‘La parole à’). Mais il est extrêmement rare qu’un asset manager ait une troisième chance. En cas de nouvel accident, « il est difficile de faire à nouveau confiance », explique un investisseur.
Habitude des krachs
Les crises financières à répétition, depuis 2007, ont appris aux investisseurs à être plus conciliants avec les mauvaises performances. Il est entré dans les esprits qu’une baisse de plusieurs dizaines de pourcents de la valeur des portefeuilles n’est pas un événement si exceptionnel. Et aussi bons soient-ils, les gestionnaires de fonds ne peuvent souvent rien faire face à une détérioration extrême de la conjoncture. Une mauvaise passe, pour un gérant, n’est donc pas forcément synonyme de fin de carrière. « Quand les actions mondiales baissent de plus de 40 %, comme en 2008, il est normal qu’un gérant positionné sur cette classe d’actifs présente une performance comparable », estime un multigérant.
Dans certaines conditions, une trop bonne performance relative peut même paraître suspecte. « Lorsqu’un gérant surperforme de manière trop importante son indice de référence ou présente une performance impressionnante, il est possible qu’il prenne des risques que nous n’identifions pas forcément, comme celui de liquidité », estime un sélectionneur de fonds. Les récents déboires de Bruno Crastes, le gérant emblématique de H2O, qui a dû geler 8 de ses produits, après avoir connu un accident de gestion au Crédit Agricole à la fin des années 2000, ne sont certainement pas étrangers à ce type de remarque.
Lorsqu’un gestionnaire doit faire face à une chute de la valeur liquidative de ses positions, la communication reste primordiale. Il pourra conserver la confiance des investisseurs s’il réagit vite et bien pour expliquer sa contre-performance. « Il est important que les gérants, ou leurs équipes commerciales, soient disponibles immédiatement en cas de problème », explique un investisseur. Même si beaucoup de sociétés se défendent de fabriquer des « gérants stars », un bon gérant doit donc aussi être un bon communicant. Et ce dans les périodes où son fonds ne connaît aucun problème, pour attirer de nouveaux clients mais aussi en cas de coup dur.
Limite à 50 % de baisse
La relative clémence des investisseurs ne veut pas dire que certaines limites ne doivent pas être franchies. En termes de performance, le seuil de 50 % de perte (hors période exceptionnelle pour la classe d’actifs) est souvent avancé. La raison est simple. « Lorsqu’un fonds perd 50 %, le gérant doit faire une performance de 100 % pour effacer sa perte. C’est difficile mais, en quelques années, parfois moins, cela reste possible. Lorsqu’il perd 70 %, il doit faire plus de 200 %, ce qui est extrêmement rare », note un multigérant.
Une autre limite est celle de la légalité. Lorsqu’un professionnel se livre à des exactions, il est mis de côté par ses pairs et les investisseurs. L’Autorité des marchés financiers (AMF), de son côté, vérifie systématiquement l’honorabilité des asset managers – et donc leur casier judiciaire – lorsqu’ils créent leur propre structure. Par ailleurs, au sein d’une société de gestion, tout changement de gérant ou de responsable de la gestion doit faire l’objet d’une déclaration immédiate à l’AMF.
Finalement, c’est peut-être davantage l’honnêteté, y compris intellectuelle, qui détermine la faculté d’un gérant à rebondir après un échec, plutôt que sa faculté à battre les indices. Cela est dû au fait que la performance est très difficile à mesurer. « Il n’est pas possible de tirer une conclusion définitive sur la performance d’un gérant. Ils n’ont jamais été aussi bien formés qu’aujourd’hui, mais ils sont de moins en moins nombreux à battre les indices », explique Philippe Maupas, consultant. Certains estiment qu’il faut vingt ans pour mesurer la performance d’un gérant. Et certainement au moins un accident.
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Meurtre de Charlie Kirk aux Etats-Unis: l'étonnant parcours de Tyler Robinson, de lycéen modèle à tueur présumé
Washington - Comment Tyler Robinson, un élève brillant au lycée, élevé dans la foi mormone par des parents républicains, a-t-il pu dériver au point de tuer l’influenceur Charlie Kirk, idole de la jeunesse pro-Trump ? La question agite Washington, petite ville de l’Utah. Le suspect de 22 ans, arrêté jeudi soir après 33 heures de traque, a grandi dans cette bourgade de l’Ouest américain bordée de canyons rougeoyants et de montagnes. La maison de ses parents est un pavillon typique de la classe moyenne américaine, logé dans une rue sinueuse aux pelouses proprettes. Dans ce quartier adossé à l'église du coin, Kris Schwiermann est sous le choc. Tyler était l’aîné de trois garçons, un enfant «calme, respectueux, plutôt réservé, mais vraiment très intelligent», raconte à l’AFP l’ex-gardienne de son école primaire, aujourd’hui à la retraite. «C'était l'élève idéal, le genre de personne que l’on aimerait avoir dans sa classe», confirme Jaida Funk, qui l’a côtoyé de la primaire au lycée, entre ses 5 et 16 ans. «J’ai toujours pensé qu’il deviendrait un jour homme d’affaires ou PDG, plutôt que ce que j’apprends à son sujet aujourd’hui», poursuit la jeune femme de 22 ans. «C’est vraiment inattendu.» A l'école, «il était réservé, mais pas bizarre, il avait des amis et parlait à différents groupes», se souvient-elle. Sorti brillamment du lycée en 2021, Tyler a brièvement étudié à l’université, avant de bifurquer vers un programme d’apprentissage en électricité dans un établissement technique près de chez lui. Parents chasseurs Ses parents, un vendeur de comptoirs de cuisine en granit et une professionnelle de santé travaillant avec des handicapés, sont Mormons comme de nombreux habitants en Utah, selon Mme Schwiermann. Mais ils ne pratiquent plus. «Cela fait huit ans que je ne les ai pas vus à l'église», reprend la retraitée de 66 ans. Épluchées par les médias américains, les photos laissées par les Robinson sur les réseaux sociaux racontent l’histoire d’une famille qui aimait voyager, camper et chassait avec ses enfants. Un apprentissage banal des armes à feu, que Tyler a apparemment recyclé de manière glaçante, en tuant Charlie Kirk d’une balle dans le cou grâce à un fusil à lunette, lors d’un rassemblement sur le campus de l’université Utah Valley, à quatre heures de route de Washington. Si ses parents sont inscrits sur les listes électorales comme républicains, le jeune homme n’a lui indiqué aucune affiliation politique. D’après les registres de l’Etat, il n’a pas voté en 2024. Mais selon le gouverneur de l’Utah, Spencer Cox, qui a divulgué certains éléments d’enquête vendredi, le jeune homme s'était «plus politisé ces dernières années». Il aurait partagé son hostilité envers Charlie Kirk, proche allié du président Donald Trump, avec un membre de sa famille, selon les autorités. Son père l’aurait convaincu de se rendre à la police. Les enquêteurs ont également retrouvé des messages à tonalité antifasciste - «Eh fasciste! Attrape ça!» et une référence au chant antifasciste italien «Bella Ciao» - sur des douilles retrouvées près de la scène de crime. De quoi l'étiqueter comme un tueur «d’extrême gauche» pour une grande partie de la droite américaine. «Passionné de bagnoles» Plutôt qu’un fervent militant, ses ex-camarades de lycée l’ont dépeint au New York Times en fan de jeux vidéos de tirs, comme «Halo» ou «Call of Duty». Tyler ne parlait pas non plus politique avec Jay, qui le fréquentait depuis janvier après avoir rejoint un groupe d’amateurs de grosses voitures. «Il était plutôt timide, c'était juste un passionné de bagnoles», souffle ce quadragénaire perplexe, refusant de donner son patronyme. «On parlait juste de notre amour pour les muscle cars , du bruit qu’elles font et de la façon dont elles roulent.» Son Dodge Challenger gris et rutilant était d’ailleurs la seule chose que les voisins de Tyler Robinson connaissaient de lui, dans le lotissement où il habitait à Saint George, à dix minutes de chez ses parents. Dans ce complexe impersonnel, les habitants rencontrés par l’AFP ne l’ont même pas reconnu lorsque le FBI a diffusé sa photo pendant la traque. Heather McKnight, sa voisine pendant plus d’un an, évoque un inconnu solitaire, à l’air renfrogné, qui conduisait trop vite à son goût. «Il était toujours distant, il ne disait jamais bonjour. (...) Il était juste bizarre», raconte l’infirmière de 50 ans. «Qui aurait pu imaginer que ce petit homme maigre qui montait et descendait de sa voiture serait capable de commettre un acte aussi odieux ?» Romain FONSEGRIVES © Agence France-Presse -
Népal: Sushila Karki, la nouvelle Première ministre, s'affiche au chevet des victimes des émeutes
Katmandou - La Première ministre du Népal Sushila Karki a réservé samedi sa première sortie aux blessés des émeutes meurtrières du début de semaine, au lendemain de sa nomination à la tête d’un gouvernement chargé d’organiser des élections en mars prochain. Dans une capitale Katmandou où la vie revient lentement à la normale, Mme Karki a visité plusieurs hôpitaux, au chevet des victimes de la répression ordonnée par son prédécesseur KP Sharma Oli, contraint à la démission. Au moins 51 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessés lors de ses troubles, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Nommée vendredi soir après trois journées de tractations, l’ex-cheffe de la Cour suprême a entamé au pas de charge son mandat à la tête d’un gouvernement provisoire. Sitôt investie, le président Ramchandra Paudrel a ordonné la dissolution du Parlement et convoqué le 5 mars 2026 des élections législatives, une des revendications des jeunes contestataires réunis sous la bannière de la «Génération Z». L’agenda de la première femme chargée de diriger le Népal s’annonce chargé et sa mission difficile, tant sont nombreuses les revendications des jeunes qui ont mis à bas l’ancien régime. Sa nomination a été accueillie comme un soulagement par de nombreux Népalais. «Ce gouvernement provisoire est une bonne chose», s’est réjouie Durga Magar, une commerçante de 23 ans. «On ne sait pas ce qu’il va se passer à l’avenir mais on est satisfaits (...) et on espère que la situation va maintenant se calmer». «La priorité, c’est de s’attaquer à la corruption», a poursuivi la jeune femme. «On se moque de savoir si c’est la Génération Z ou des politiciens plus âgés qui s’en occupent, il faut juste que ça cesse». «Je pense que cette femme Première ministre va (...) faire avancer la bonne gouvernance», a pour sa part estimé Suraj Bhattarai, un travailleur social de 51 ans. Partie lundi de la colère suscitée par le blocage des réseaux sociaux, la fronde a débordé en révolte politique contre un gouvernement jugé corrompu et incapable de répondre à ses aspirations, notamment en matière d’emploi et de niveau de vie. Couvre-feu allégé Plus de 20% des jeunes népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale, et le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant frôle les 1.450 dollars. La répression meurtrière des cortèges de protestataires a précipité les événements. Mardi, les manifestants ont déferlé dans les rues de Katmandou et systématiquement incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: Parlement, bâtiments ministériels, résidences d'élus... Incarnation des élites, le Premier ministre KP Sharma Oli, 73 ans, quatre fois Premier ministre depuis 2015, n’a eu d’autre choix que de démissionner. Le chef du Parti communiste (maoïste) menait depuis 2024 une coalition avec un parti de centre gauche. Quelques heures après la prestation de serment de la nouvelle Première ministre, l’armée a allégé samedi matin le couvre-feu en vigueur dans la capitale et les autres villes du pays. A Katmandou, chars et blindés se sont faits plus discrets, les commerces et marchés ont retrouvé leurs clients et les temples leurs fidèles. Sushila Karki a travaillé samedi à la composition de son gouvernement, selon son entourage. Plusieurs ONG de défense des droits humains, dont Amnesty International ou Human Rights Watch, l’ont appelée samedi à mettre un terme à la culture de «l’impunité du passé». L’une de ses tâches immédiates sera aussi d’assurer le retour à l’ordre dans tout le pays. A commencer par remettre la main sur 12.500 détenus qui ont profité des troubles pour s'évader de leurs prisons et étaient toujours en cavale samedi. Paavan MATHEMA et Bhuvan BAGGA © Agence France-Presse -
Népal: la Génération Z en révolte après la mort de Santosh Bishwakarma
Katmandou - «Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays». Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l’ordre dans une rue de Katmandou alors qu’il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable. Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari. «Il avait l’habitude de dire qu’il ne voulait pas mourir comme un chien», lâche-t-elle entre deux sanglots. «Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d’y avoir contribué. Je crois qu’il a réussi». Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la «Génération Z» qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays. Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d’entre eux ont été tués, des centaines d’autres blessés. La répression a nourri la colère de cette «Gen Z», qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu’aux résidences de plusieurs dirigeants. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner. Respectée pour son indépendance, l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d’un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois. Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans. «Un peu de justice» «Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie», assure-t-elle. «Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j’espère que le gouvernement va m’aider». Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve. Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. «je n’avais jamais vu pareille colère», note-t-il, «j’espère que cette fois, ça va enfin changer». D’autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine. Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d’un fils, d’un frère ou d’un ami tué cette semaine. «J’espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu’il cherche désespérément depuis si longtemps», espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d’une balle tirée par un policier. Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s’accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu’elle refuse de voir partir en cendres. Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d’un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs. Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique. «On ne demande pas la lune», glisse-t-elle d’une petite voix. «On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir». Bhuvan BAGGA et Glenda KWEK © Agence France-Presse