Bercy lance la réforme d’un label ISR fragilisé

Le gouvernement a ouvert une consultation. Des exclusions normatives et sectorielles sont considérées comme indispensables, ainsi qu’une refonte de la gouvernance.
Thibaud Vadjoux
label d’Etat ISR (investissement socialement responsable)
Le label ISR créé en 2016 fixe une obligation de moyens mais pas de résultats.  -  Illustration Label ISR.

Parvenu à une taille significative (470 milliards d’euros d’encours pour 690 fonds en mars 2021), le label de l’investissement responsable (ISR) ne peut plus se dispenser d’un aggiornamento. «À moins d’une évolution d’ampleur, le label ISR s’expose à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence» : le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF), remis en janvier au ministre de l’Economie, est sans équivoque. Il appelle à une révision profonde du référentiel du label et de sa gouvernance pour éviter de susciter de la confusion auprès des épargnants et des promesses non tenues.

«J’entends les critiques sur les critères qui doivent être plus exigeants et transparents. Ces critiques sont légitimes et j’attends les propositions», a déclaré Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, jeudi 25 mars, lors d’une matinée consacrée à la finance à impact. Bercy a ainsi lancé une consultation auprès des acteurs de la Place de Paris pour réfléchir à une nouvelle gouvernance du label. Puis, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) est attendu en avril auprès des parties prenantes pour préparer le futur référentiel.

Le label ISR créé en 2016 répondait à un consensus large de la place et s’inscrivait dans une démarche généraliste. Il est attribué à condition seulement qu’il existe un processus de gestion ESG (environnement, social, gouvernance) «rigoureux» mené par les sociétés de gestion et d’une démarche d’amélioration. Mais il ne s’intéresse pas au contenu même des portefeuilles. En clair, le label fixe une obligation de moyens mais pas de résultats.

Changement de gouvernance

Le rapport de l’IGF pointe d’abord «l’inefficacité» du comité du label ISR, présidé par Nicole Notat. Le problème ne réside pas dans les personnalités mais «dans le manque de moyens permanents qui lui ont été alloués». Le comité n’a pas les moyens de superviser l’attribution des labels ISR par les trois auditeurs (Afnor Certification, EY France et Deloitte). Seulement huit réunions du comité ISR ont eu lieu au cours des quatre années, relèvent les rapporteurs.

La mission recommande que «la gestion du label soit confiée par l’État à un comité unique, aux attributions élargies, à la composition resserrée et au formalisme renforcé». Les parties prenantes seraient davantage responsabilisées. Des collaborateurs permanents aideraient le comité à labelliser sur la base des rapports d’audit. Le comité bénéficierait de nouvelles ressources, financées par les recettes propres du label. Aujourd’hui, elles servent intégralement la promotion du label par l’industrie financière et les dépenses de communication. Surtout, l’Etat aurait un rôle central de contrôle et de surveillance.

Contribuer effectivement au financement de la durabilité

Malgré ce succès, les promesses du label peuvent paraître floues. Il est fondé sur la mise en place d’une gestion ESG mais il n’intègre pas de «contrainte sur la matérialité des facteurs ESG», soulignent les inspecteurs. En l’absence de standard sur les activités durables des entreprises, chaque gérant est libre d’appliquer sa propre définition de la durabilité.

Peu d’efforts sont demandés aux gestionnaires. Le label réclame que leurs gestions ESG (Best-in-Class ou Best-in-universe) permettent une réduction de l’univers investissable ou l’amélioration de la note ESG moyenne du portefeuille. Mais, «dans les faits, ces deux critères peuvent être contournés par une manipulation de l’univers investissable de départ, d’où le risque d’une contrainte superficielle», pointe l’IGF.

Pour les auteurs du rapport, «le label ISR doit assumer une promesse simple vis-à-vis de l’épargnant particulier, celle que son placement contribue effectivement au financement d’un modèle économique durable». La mission recommande d’abord l’ajout d’exclusions normatives et sectorielles, au moins sur certains secteurs comme le charbon, comme c’est le cas pour le label belge, Towards Sustainability, qui fait la course en tête en Europe. Les critères ESG devraient également être rehaussés, avec une référence possible aux objectifs de développement durable (ODD) et à la taxonomie des actifs durables de l’Union européenne. Les exigences seraient évolutives et revues périodiquement par le comité. La mission propose également d’introduire une promotion des meilleures pratiques avec l’introduction d’un «label à niveaux». L’IGF espère qu’un nouveau référentiel sera élaboré pour 2022.

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