Porter la couronne de plus grosse société de gestion au monde confère à BlackRock une position unique dans l’industrie lorsqu’il s’agit d’établir des records positifs comme négatifs. Le gestionnaire américain a ouvert l’année 2022 en devenant le premier gérant à dépasser la barre historique des 10.000 milliards de dollars d’encours sous gestion au terme de deux ans de croissance sans précédent dans son histoire, à peine interrompus par la pandémie de Covid-19. Depuis, il la traverse en cumulant un montant jamais vu en termes de baisse d’encours. En neuf mois, les actifs sous gestion de BlackRock ont chuté de 2.049 milliards de dollars (2.096 milliards d’euros), ce qui représente un recul de 20,5% sur la période. Ils sont redescendus à 7.961 milliards de dollars (8.145 milliards d’euros), se situant entre les seuils d’encours enregistrés lors du troisième et du quatrième trimestre 2020. Le chahut des marchés financiers, chamboulés par de multiples facteurs, y est pour beaucoup. Pour quelque 2.241 milliards de dollars en moins plus exactement, répartis entre un effet de marché négatif de 1.876 milliards de dollars et un effet de change négatif de 365 milliards de dollars. En ce qui concerne le troisième trimestre 2022, les résultats de BlackRock, publiés jeudi 13 octobre, étaient très nettement en-deçà des attentes des analystes sur plusieurs indicateurs. La firme a perdu 526 milliards de dollars d’encours sur la période, soit 310 milliards de plus que le montant qu’attendaient les analystes. BlackRock a aussi collecté 16,9 milliards de dollars au total au troisième trimestre, principalement tirée par les fonds de long-terme qui ont observé des entrées nettes de 65 milliards de dollars. Les analystes prévoyaient une collecte nette de 91,3 milliards de dollars selon Bloomberg. Le gestionnaire présente un résultat opérationnel ajusté de 1,5 milliard de dollars pour le troisième trimestre 2022, en baisse de 22% sur un an. Sa marge opérationnelle est passée de 47,6% à 42% sur la même période. BlackRock sans adversaire à sa mesure selon Larry Fink Ces mauvais chiffres globaux n’effraient toutefois pas Larry Fink, directeur général de BlackRock, qui affiche son optimisme sur d’autres indicateurs. Lui préfère constater sur neuf mois que sur les trois derniers. En premier lieu, la collecte des fonds de long-terme (+ 65 milliards de dollars sur le troisième trimestre, +248 milliards sur les neuf premiers mois), tirée en particulier par les fonds obligataires au troisième trimestre (+90 milliards de dollars) quand les fonds actions ont rendu 29 milliards. Les fonds indiciels cotés (ETF), sur lesquels BlackRock a collecté 22 milliards de dollars – principalement sur les ETF stratégiques – sont une autre source de satisfaction. «Nous avons lancé 75 ETF cette année, c’est plus que les trois fournisseurs d’ETF qui nous suivent», a affirmé Larry Fink, qui a aussi évoqué la collecte des stratégies alternatives illiquides – où il voit une demande clients très forte pour l’infrastructure et le crédit privé – alors que la firme a décollecté à hauteur de 6,2 milliards de dollars dans ses fonds alternatifs. D’autres sorties ont été constatées sur le monétaire (-40 milliards) et l’activité de conseil (-9 milliards). Le succès de la plateforme Aladdin, qui a connu un nombre record de nouveaux mandats cette année, est une autre raison pour Larry Fink de voir le verre à moitié plein. «Depuis début 2019, nos encours ont augmenté de 1.600 milliards de dollars de façon organique. Aucun autre gérant n’a été capable de faire mieux. Les autres parlent des changements et des challenges à venir dans la gestion d’actifs, auxquels nous nous sommes préparés de longue date», a-t-il commenté. ESG, les clients ont «le choix» Hors marchés, BlackRock est devenu un sujet politique aux Etats-Unis et Larry Fink ne s’est pas privé de tacler la «désinformation» dont le gestionnaire fait l’objet dans un call avec les analystes. Pour lui, la collecte nette sur le segment institutionnel de 122 milliards de dollars sur les neuf premiers mois (dont 48 au troisième trimestre) est la meilleure réponse aux annonces de désinvestissement de grands fonds de pensions américains, situés dans des Etats républicains, en raison de leur désaccord sur la politique environnementale, sociale et de gouvernance menée par BlackRock. «Nous donnons le choix à nos clients quelles que soient leurs vues et leurs valeurs. Cela se traduit dans les flux de collecte», a-t-il répondu à une question sur un éventuel repositionnement de son message ESG.Larry Fink a ajouté que beaucoup de clients voyaient en l’ESG la bonne stratégie de long-terme. La direction de BlackRock estime pouvoir maintenir son objectif de croissance organique annuel de 5% même si elle est plutôt de l’ordre de 2% sur les 12 derniers mois. Pour cela, il faudra que les marchés se stabilisent. Le retour aux 10.000 milliards de dollars d’encours passera aussi par davantage d’investissements sur les tendances de demain: les alternatives, la technologie ou encore les ETF.