
Nosoli se met à la page du partage de la valeur

Alors qu’un projet de loi visant à généraliser le partage de la valeur doit entrer en vigueur l’an prochain, certaines entreprises font figure d’exemple. C’est le cas de Nosoli, qui a déployé toute la panoplie d’outils disponibles pour en faire bénéficier ses 750 salariés.
Soutenue par les fonds gérés par Turenne et Siparex, la première librairie française multi-enseignes, qui regroupe depuis 2019 le Furet du Nord et Decitre, a ouvert cette année son capital à l’ensemble de ses collaborateurs. « C’est une initiative encore trop rare dans l’univers du non-coté. Environ 4 % des entreprises de taille intermédiaire (ETI) y développent l’actionnariat salarié, contre des taux avoisinant les 100 % et 80 % pour les sociétés du CAC 40 et du SBF 120. La marge de progression est immense », observe Jean-Philippe Debas, président d’Equalis, qui a conseillé l’opération.
Pédagogie
Alors que les deux enseignes disposaient chacune d’un plan d’épargne d’entreprise (PEE) spécifique, un plan d’épargne groupe (PEG) a été créé l’an passé, dans le cadre duquel un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) a été mis en place. « Cela a davantage constitué une heureuse surprise qu’une attente des salariés. La période de souscription s’est déroulée début 2023 en plein contexte inflationniste et il a fallu faire preuve d’énormément de pédagogie en amont pour montrer également l’intérêt de se constituer une épargne dans ce contexte », se souvient Cyril Olivier, président-directeur général (PDG) de Nosoli.
Dès lors, afin de permettre à l’ensemble des salariés de devenir actionnaires, chacun s’est vu doter de 200 euros dans le cadre d’un abondement unilatéral, un versement de l’entreprise sans investissement du salarié, introduit depuis la loi Pacte de 2019 dans les PEE. « Cela se révèle significatif surtout quand la majorité des salaires était inférieure ou égale à 2.000 euros par mois », replace Cyril Olivier.
L’engagement moyen a été fort. Et beaucoup de collaborateurs nous ont demandé si le dispositif serait rouvert
Dans le cadre du FCPE, les salariés ont pu également bénéficier d’un abondement individuel avec une décote de 30 % sur la valeur des parts de l’entreprise, soit le taux maximal permis depuis la loi Pacte, contre 20 % auparavant. La souscription a par ailleurs été abondée du double de la somme jusqu’à 500 euros, puis de 20 % sur la tranche allant de 500 à 1.000 euros. « Il s’agit d’un abondement très significatif. Ainsi, avec l’effet décote, un salarié qui a investi 1.000 euros peut en retirer 2.571 euros. Et cela ne prend pas en compte la valeur qui sera créée au fil du temps, dont le partage constitue la vocation première de ce type de dispositif », synthétise Jean-Philippe Debas.
Pour autant, un peu moins de 20 % des salariés ont finalement souscrit au-delà de l’abondement unilatéral pour cette première initiative. « Dans un contexte économique moins incertain, nous aurions pu imaginer plus de souscripteurs volontaires. Mais l’engagement moyen a été fort (plus de 1.200 euros avant abondement, NDLR). Et beaucoup de collaborateurs nous ont demandé si le dispositif serait rouvert. Nous y réfléchirons », développe Cyril Olivier. « Etre devenue actionnaire du groupe me permet de me sentir encore plus impliquée dans son développement. C’est une opportunité très positive, que tous n’ont toutefois pas saisie, surement par crainte de mécanismes financiers qui peuvent être difficiles à appréhender », témoigne une responsable logistique de Nosoli.
Interrogations
Au-delà des interrogations financières entourant le dispositif, de nombreuses questions ont porté sur sa durée. « Figer de l’argent pendant une période de cinq ans, cela peut être très long, d’autant plus quand les fins de mois sont difficiles. En outre, dans un contexte globalement incertain, il peut être plus complexe de se projeter dans son entreprise », réagit Cyril Olivier. Le PDG a aussi reçu beaucoup de questions sur les conditions de déblocage. Celles-ci, au nombre de dix (départ de l’entreprise, achat d’une résidence principale, événements familiaux tels que naissance, mariage ou Pacs…), se montrent globalement assez larges.
Dans le cas de Nosoli, le conseil de surveillance du FCPE est constitué de quatre salariés, qui ont été élus ce mois-ci (onze étaient candidats) et de deux membres de la direction, le président du groupe et son directeur financier. « Nosoli étant composé d’entités très différentes, nous souhaitions une grande représentation des collaborateurs au conseil », explique Cyril Olivier.
Parallèlement à la participation aux bénéfices – obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés – et à l’intéressement, Nosoli est devenue début septembre entreprise à mission. Avec une raison d'être, « rendre accessibles la lecture et la culture à chacun dans sa diversité ». « Plusieurs groupes de collaborateurs ont participé à la définition de notre raison d’être et la détermination des critères associés », se réjouit le dirigeant.
Connaissant l’entreprise de longue date, les fonds de private equity actionnaires ont joué un rôle essentiel dans la mise en place des outils de partage de la valeur. « Ils ont été très proactifs », atteste Cyril Olivier. Présent depuis 2008 au capital de Furet du Nord, Turenne a réinvesti en 2022 dans Nosoli, en conservant l’engagement de Nord Capital Partenaires, via deux autres véhicules, la SLP Sélection et Opportunités (dédiée à la clientèle privée) et le fonds Nov Relance Impact, dont l’un des critères d’investissement est la mise en place d’outils de partage de la valeur au sein des sociétés. Ancien actionnaire de Decitre, Siparex a également réinvesti l’an passé dans le groupe élargi, via son FRI Auvergne Rhône-Alpes II.
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