Les investisseurs durcissent leurs conditions face aux start-up

Des protections toujours plus fortes pour les nouveaux actionnaires sont devenues nécessaires pour lever des fonds.
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Les fondateurs de start-up doivent accepter des conditions qui leur sont défavorables pour lever des fonds  -  Fotolia

Les temps sont durs pour les start-up. Non seulement il devient de plus en plus difficile de réaliser de grosses levées de fonds, ou alors à une valorisation mois flatteuse, mais qui plus est, les investisseurs se montrent plus intraitables pour se laisser convaincre de placer leur argent dans des sociétés non rentables. Finie l’époque où les fonds de capital-risque (VC) se battaient pour participer à des tours de tables. Désormais, ils imposent des conditions drastiques aux fondateurs qui devront atteindre les objectifs de croissance sous peine de perdre gros.

« On sent que les levées de fonds repartent, mais les investisseurs sont de plus en plus protégés », observe Nicolas de Witt, associé chez Taylor Wessing. Les clauses de protection se sont sensiblement renforcées dans les pactes d’actionnaires. L’un des outils les plus utilisés, les clauses de liquidation préférentielle, ou « liquid pref », a évolué au détriment des fondateurs ces derniers mois. Il s’agit d’un mécanisme par lequel un investisseur récupère sa mise en priorité en cas de cession de l’entreprise à une valorisation inférieure à celle retenue lors de l’entrée au capital dudit investisseur.

Les fondateurs en font les frais

« Cela faisait environ 10 ans que les tours de table étaient structurés avec des liquid pref 1x non-participating. Cela signifie que l’investisseur entrant récupérait le montant de sa mise initiale en priorité au moment de la vente, puis les autres actionnaires partageaient le solde du produit de cession, jusqu'à atteindre leur prorata, explique Martin Vielle, associé chez Clipperton. Désormais, on revoit de plus en plus du participating, qui permet à l’investisseur de récupérer sa mise, mais aussi, ensuite, le solde du produit de cession à hauteur de sa participation. C’était pourtant rédhibitoire il y a encore quelques mois. »

De même, certaines liquid pref prévoient que l’investisseur récupère jusqu’à deux fois sa mise initiale. Cette condition très défavorable aux fondateurs se voyait historiquement pour les start-up très jeunes à la technologie très risquée, mais s’est élargie à des sociétés plus solides ces derniers mois. Le non-participating à rendement apparaît également, consistant pour l’investisseur à récupérer sa mise et à toucher un rendement annuel à un niveau prédéfini sur le temps de son investissement. « Le marché est beaucoup plus favorable aux investisseurs, donc la sensibilité au risque s’est accentuée et implique des protections plus fortes. C’est devenu bien souvent nécessaire pour que les start-up puissent lever des fonds », note Martin Vielle.

Relution à tout prix

Autre protection, les outils ratchet, souvent sous forme de bons de souscription d’actions, permettent à un VC de se reluer en cas de tour de table à une valorisation inférieure que lors de son entrée au capital. « Si un investisseur a investi sur une valeur de 100 et que celle-ci est de 50 au tour suivant, on définit le prix moyen pondéré du nombre de titres sur les deux tours et l’investisseur récupère de nouveaux titres pour limiter sa perte. C’est le broadbased weighted average ratchet, détaille Nicolas de Witt. Mais aujourd’hui, on voit de plus en plus de full ratchet, c’est-à-dire que l’on octroie à l’investisseur un nombre de titres lui permettant de ne pas du tout être dilué. Les levées de fonds internes à la même valorisation qu’au tour précédent que l’on a vu récemment ont permis d’éviter l’exercice du ratchet. » C’est notamment le cas de Ledger qui a levé en mars 100 millions d’euros sans voir sa valorisation baisser, officiellement. « Il y a toujours eu des ratchets pour les investisseurs. La différence est qu’aujourd’hui, ils sont mis en œuvre avec la multiplication des tours de table à des valorisations moindres aux tours précédents », souligne Martin Vielle.

Une troisième solution consiste à étaler l’investissement du VC. Celui-ci déploie son investissement en plusieurs fois en fonction d’objectifs de chiffres d’affaires atteints ou de nombre de contrats signés par exemple. « Si les objectifs ne sont pas atteints, l’investissement est remis en cause et il faut tout renégocier. C’est une pratique que l’on voit surtout chez les VC européens », précise Nicolas de Witt.

Autant de conditions parfois difficiles à accepter pour les jeunes entrepreneurs, mais devenues indispensables à leur financement. L’alternative non dilutive que sont les venture loans coûte encore trop cher à bon nombre de start-up pour s’y substituer.

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