La dette privée pourrait servir de levier au financement de la transition énergétique

Face aux remous géopolitiques et à l’incertitude économique, la dette privée garde le vent en poupe.
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Table ronde lors de la Journée Nationale des Investisseurs (JNI) de L'Agefi du 3 décembre 2024, animée par la journaliste Asmae Kaddouri.  -  L'Agefi

Au cours du seul premier semestre, le nombre de prêts directs privés aux entreprises recensés par Deloitte en Europe et au Royaume-Uni (Private Debt Deal Tracker Autumn 2024) a grimpé de 42% en un an. En 2025, cet essor est voué à se poursuivre, ont indiqué les professionnels réunis par L’Agefi le 3 décembre à Paris lors de la 11ᵉ édition de la Journée Nationale des Investisseurs (JNI), en particulier dans les investissements liés à la transition environnementale.

Cette classe d’actifs offre des rendements particulièrement compétitifs, avec des spreads atteignant jusqu’à 9%-10% pour la dette senior et 12%-13% pour la mezzanine, a rappelé Martine Legendre, responsable des investissements alternatifs chez Allianz France. Des performances surpassant celles du private equity, davantage pénalisé par la hausse des taux. Mieux, ce rendement ne pâtit guère du risque, souvent plus bénin qu’on ne l’imagine.

«Bien des institutionnels associent encore ‘non coté' à ‘actif risqué' alors que les précédentes crises ont démontré que c’était loin d’être le cas : en 2008 le taux de défaut de dette privée en BB ou BBB est resté modéré», a fait valoir Jérémie Garrot, directeur général adjoint chez L’Auxiliaire. Sur 3.000 entreprises auxquelles l’assureur du BTP a prêté par ce biais, le taux de défaut est largement inférieur à 1%, confie le dirigeant. Il est vrai que la profondeur considérable du marché permet d’exercer une sélection drastique des dossiers. Si les montants levés sont importants, les gestionnaires n’ont guère de difficulté à déployer ces capitaux de façon rentable.

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La faiblesse du taux de défaut s’explique aussi par la mise en place de plus en plus usuelle de covenants (clauses de sauvegarde) qui constituent un signal d’alerte sur des difficultés à venir, selon Martine Legendre. Judicieusement, ces clauses permettent le cas échéant au gérant de prendre la main sur la gestion de l’entreprise avant qu’il ne soit trop tard. Le fait d’entrer dans une relation bilatérale directe est aussi important lorsqu’il s’agit d’accompagner l’entreprise dans une stratégie d’impact environnemental ou ESG, désormais prioritaire chez les institutionnels.

Potentiel sur les infrastructures et la transition énergétique

La transition énergétique, qui nécessitera 3.000 milliards de dollars d’investissements par an d’ici à 2050, représente un gisement majeur pour les investisseurs, affirme Umberto Tamburrino, managing partner chez Sosteneo Infrastructure Partners (Generali). Il met en lumière le défi de l’adaptation des réseaux de distribution électrique existants, conçus pour une production centralisée continue, à l’intermittence des sources d'énergies renouvelables réparties sur de vastes territoires. Ce segment, incluant les équipements de stockage et la régulation de l’électricité via les réseaux intelligents, constitue un terrain fertile pour le financement privé.

Thibault de Saint Priest, secrétaire général de Sienna IM, souligne l’appétit pour les prêts adossés à des contrats de performance énergétique. Ces dispositifs visent à améliorer l’efficience énergétique tout en répondant aux exigences de durabilité. Cette dynamique permet également de financer des acteurs émergents, comme les producteurs indépendants d’énergie (IPP), qui jouent un rôle clé dans la transition énergétique.

Les défis de la normalisation ESG

Jérémie Garrot rappelle que les investisseurs institutionnels sont de plus en plus contraints réglementairement à intégrer une démarche environnementale (taxonomie verte, bilan carbone, etc.). Cependant, l’absence de standards communs pour mesurer la performance environnementale demeure un obstacle. Martine Legendre souligne que l’évaluation de l’impact social est encore plus difficile, ajoutant une couche de complexité pour les gestionnaires d’actifs.

La dette privée reste au cœur des intentions d’allocation des institutionnels, affirme Thibault de Saint Priest qui estime qu’en France, elle représente d’ores et déjà 6% de leurs encours. La montée en puissance des thématiques telles que la biodiversité, la souveraineté économique ou la défense donne aux gérants intermédiaires l’occasion de se démarquer face aux grands groupes, en capitalisant sur leur expertise industrielle ou sectorielle.

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