
Sébastien Dessimoz (Taurus) : «L’inconnue pour les cryptos est réglementaire»

Réunir le monde de la crypto et des institutions financière classiques, c’est «la jointure business» dans laquelle s’est placée Taurus, entreprise spécialisée dans les actifs numériques et la blockchain, selon les mots de son cofondateur Sébastien Dessimoz. Fondée en 2018 à Genève, Taurus offre des solutions d’infrastructures de marchés financiers pour les actifs numériques aux banques et aux institutionnels. Elle accompagne notamment des acteurs comme Caceis, filiale du Crédit Agricole spécialiste des services titres.
L’Agefi : Il y a encore quelques années, la majorité du système financier traditionnel portait un regard critique, voire méprisant à l’égard de l’écosystème crypto. Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?
Sébastien Dessimoz : L’avantage principal de la technologie blockchain, c’est qu’il permet l’émergence d’une sorte de «super CSD (Central securities depository)» (dépositaire central) permettant l’échange simple, sûr et rapide de toute sorte d’actifs et de valeurs mobilières. Aujourd’hui, il est par exemple très difficile pour une société lambda d’être cotée sur plusieurs Bourses en même temps pour des questions d’interopérabilité. Un réseau blockchain permet de répondre à cette problématique, et donc de démocratiser l’accès au marché des capitaux, réservé aujourd’hui à une élite.
Ainsi, les investisseurs pourraient avoir accès à une meilleure liquidité avec une meilleure transparence. On en est encore assez loin d’un point de vue réglementaire à l'échelle internationale mais technologiquement, on sait que c’est possible. En témoignent les nombreuses plateformes de cryptomonnaies qui partagent un même sous-jacent : la cryptomonnaie.
Vous dites qu’aujourd’hui, le principale défi est l’interopérabilité. Comment les institutions et les acteurs des deux mondes vont-ils pouvoir se mettre d’accord ?
Pour réaliser cela, il faut que des standards nationaux et internationaux émergent. Au départ, il y avait un peu ce fantasme dans l’écosystème de pouvoir mettre tout un tas d’informations - comme l’identité, les données liées à la santé, etc - sur une même blockchain. Mais dans les faits, je pense que la blockchain doit rester assez simple en termes d’infrastructures au départ, en tout cas pour les instruments financiers. Si les smart contracts [programmes informatiques paramétrables sur un réseau blockchain] qui y sont déployés sont trop complexes, il est possible que les institutions aient du mal à se mettre d’accord entre elles pour les harmoniser. Il faut des contrats qui restent assez simples de façon à ne pas sacrifier l’interopérabilité pour la spécialisation. C’est notamment une préoccupation des banques avec lesquelles nous travaillons.
Les paris de l’interopérabilité et d’un meilleur accès aux liquidités, de nombreux protocoles de la finance décentralisée (DeFi) l’ont fait. Est-ce utopique pour les plateformes centralisées ?
Actuellement, il est plus facile pour les autorités de réglementer une plateforme d’échanges de cryptomonnaies centralisée (comme Coinbase ou Binance) qu’une plateforme d’échanges décentralisée (comme Curve) [Dans ce cas, la plateforme n’a pas d’autorité centrale pour la contrôler]. Ces dernières sont pour moi, d’un point de vue pratique et intellectuel, la manière la plus efficace de fonctionner. Je pense qu’à termes, nous irons vers des modèles de plateformes d’échanges décentralisées où les acteurs pourront s’échanger des actifs en direct mais aujourd’hui, ce modèle pose encore plusieurs défis, notamment réglementaires, en particulier le risque de blanchiment d’argent.
Pour fonctionner, ces plateformes d’échanges décentralisées réunissent des acteurs qui peuvent agir sur la gouvernance en fonction de la quantité de cryptomonnaies natives de la plateforme qu’ils détiennent. Peut-on imaginer dans un avenir proche des banques rejoindre leur gouvernance ?
Pour le moment, les banques ne rentrent pas à la gouvernance des plateformes d’échanges décentralisées dans leur forme actuelle pour des raisons notamment réglementaires. Ce qui est aujourd’hui envisageable, ce sont plutôt des plateformes d’échanges décentralisées sous la forme d’une blockchain privée qui réuniraient des acteurs financiers ayant un statut équivalent à ceux qui permettent d’accéder au réseau Swift. Ce réseau est certes centralisé, mais il permet à n’importe qui d’échanger des flux messages financiers. La grande question réglementaire serait alors de déterminer les standards qui permettraient à tel ou tel acteur d’y accéder.
Pour vous, le rapprochement entre l’écosystème crypto et le monde financier traditionnel est-il inéluctable ?
Pour survivre, le monde des cryptos et de la blockchain doit s’institutionnaliser et s’adapter à la réglementation, c’est notre thèse depuis le départ chez Taurus. Et inversement, ce monde n’est pas amené à disparaître comme pouvaient le penser le monde traditionnel financier il y a cinq ou six ans. Je pense que le secret, c’est de prendre les bonnes recettes de la crypto et de les appliquer dans un monde réglementé et avec des standards institutionnels. Pendant longtemps, de nombreux acteurs de l’écosystème crypto étaient convaincus qu’ils allaient pouvoir court-circuiter les banques. Mais je pense qu’ils avaient sous-estimé la complexité d’offrir des services financiers avec une telle chappe réglementaire.
Plus d'articles du même thème
-
Klarna et la crypto réveillent les introductions à Wall Street
Le succès de la cotation du spécialiste du paiement fractionné, associé à l’engouement provoqué par les projets d’introduction en Bourse de plusieurs acteurs des cryptoactifs, illustre l’intérêt des investisseurs pour les valeurs financières de nouvelle génération. -
Coinshares lance sa cotation au Nasdaq
L'opération sera réalisée par une fusion avec un Spac. -
Les frères milliardaires Winklevoss cotent une «bitcoin company» à Amsterdam
Treasury, dont l’essentiel de l’activité consiste en l’achat de bitcoins, va rejoindre la Bourse néerlandaise via le rachat de la société d’investissement MKB Nedsense qui y est déjà cotée.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le rachat de Mediobanca menace la fusion des gestions de Generali et BPCE
- Mistral AI serait valorisé 12 milliards d’euros par une nouvelle levée de fonds
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street termine sans direction claire, prudente avant les prix à la consommation
Washington - La Bourse de New York a terminé sans direction claire mercredi, les investisseurs se montrant attentistes avant la publication jeudi d’un nouvel indicateur d’inflation côté consommateurs aux Etats-Unis, susceptible de donner de nouveaux indices sur la trajectoire privilégiée par la banque centrale américaine (Fed). L’indice élargi S&P 500 (+0,30%) et l’indice Nasdaq (+0,03%) ont tous les deux grappillé de nouveaux records, respectivement à 6.532,04 points et 21.886,06 points. Le Dow Jones a, pour sa part, perdu 0,48%. «Le marché connaît quelques ventes avant la publication demain (jeudi) de l’indice CPI» des prix à la consommation américains, a commenté auprès de l’AFP Peter Cardillo, analyste de Spartan Capital Securities. Mercredi, les investisseurs ont finalement peu réagi à l’annonce d’un recul surprise des prix à la production en août aux Etats-Unis (-0,1%), après une forte augmentation un mois plus tôt (+0,7% en juillet). «C’est une bonne nouvelle, mais cet indicateur ne porte que sur un seul mois, et n’indique donc pas de véritables changements vis-à-vis de l’inflation, qui reste tenace», a expliqué M. Cardillo. En rythme annuel, l’indice a ralenti en août à +2,6%. En revanche, hors prix volatils de l’alimentation et de l'énergie, il a accéléré à +2,8%. La publication jeudi de l’indice des prix à la consommation (CPI) avant l’ouverture de Wall Street sera plus «significative», a souligné Jose Torres, analyste d’Interactive Brokers, car elle viendra affiner les attentes des investisseurs concernant les perspectives de baisses des taux de la Réserve fédérale (Fed). Selon l’outil de veille FedWatch de CME, la grande majorité des acteurs du marché estiment que l’institution baissera ses taux d’un quart de point lors de sa prochaine réunion prévue les 16 et 17 septembre. «Mais si le CPI est inférieur aux prévisions (...) cela pourrait ouvrir la voie à une baisse d’un demi-point la semaine prochaine», a estimé M. Cardillo. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, le rendement des emprunts d’Etat américains à échéance 10 ans se détendait par rapport à la clôture mardi, à 4,04% vers 20H20 GMT contre 4,09%. A la cote, Oracle a été catapulté (+36,07% à 328,62 dollars) après avoir annoncé que le chiffre d’affaires de ses infrastructures «cloud» (informatique dématérialisée) devrait atteindre 144 milliards de dollars d’ici 2030, profitant de l’engouement autour de l’intelligence artificielle (IA). A l’occasion de la publication mardi de ses résultats trimestriels, le groupe a annoncé dans un communiqué anticiper une croissance de 77% du chiffre d’affaires d’Oracle Cloud Infrastructure, «pour atteindre 18 milliards de dollars cette année fiscale». Selon le Wall Street Journal, le groupe aurait par ailleurs signé un contrat d’environ 300 milliards de dollars avec OpenAI, l’un des leaders de l’IA générative. Le spécialiste suédois du paiement fractionné Klarna a reçu un accueil mitigé pour son premier jour de cotation à la Bourse de New York. L’entreprise a fait son entrée avec un titre vendu au prix de 40 dollars l’unité. L’action a terminé à 46,33 dollars (+15,8%). La chaîne de sandwicheries Potbelly s’est envolée (+31,32% à 16,98 dollars) après que la société a annoncé qu’elle avait accepté d'être rachetée par RaceTrac, entreprise de stations-services et de magasins de proximité aux Etats-Unis, dans le cadre d’une transaction évaluée à environ 566 millions de dollars. Nasdaq © Agence France-Presse -
La Bourse de New York termine sans direction claire
Washington - La Bourse de New York a terminé sans direction claire mercredi, les investisseurs se montrant attentistes avant la publication jeudi d’un nouvel indicateur d’inflation côté consommateur aux Etats-Unis, susceptible de donner de nouveaux indices sur la trajectoire privilégiée par la banque centrale américaine (Fed). L’indice élargi S&P 500 (+0,30%) et l’indice Nasdaq (+0,03%) ont tous les deux grappillé de nouveaux records, respectivement à 6.532,04 points et 21.886,06 points. Le Dow Jones a, pour sa part, perdu 0,48%. Nasdaq © Agence France-Presse -
Yémen : 35 morts et 131 blessés dans des raids israéliens sur les Houthis
Sanaa - L’armée de l’air israélienne a bombardé mercredi des sites des Houthis au Yémen, faisant 35 morts et 131 blessés, ont indiqué ces rebelles, qui contrôlent de larges pans du pays y compris la capitale Sanaa. «Le nombre de martyrs et de blessés parmi les citoyens victimes du crime sioniste perfide est passé à 35 martyrs et 131 blessés», a déclaré le porte-parole du ministère de la Santé houthi, Anees Alasbahi, sur X, en précisant que ce décompte n'était pas définitif. Il avait dans un premier temps fait état de neuf morts et 118 blessés, et de recherches dans les décombres pour retrouver des disparus. Les raids ont ciblé la capitale Sanaa et la province de Jawf (nord), où Israël a indiqué avoir frappé des «cibles militaires» des Houthis. «Nous continuerons à frapper. Quiconque nous attaque, nous l’atteindrons», a déclaré après ces raids le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. La télévision Al-Massirah, organe des Houthis, a fait état de «martyrs, blessés et plusieurs maisons endommagées dans l’attaque israélienne contre le quartier général de l’Orientation morale», du nom donné aux services de communication des forces rebelles dans la capitale. Un grand panache de fumée grise s’est élevé au-dessus de Sanaa après les frappes, dont le bruit a résonné dans toute la ville, régulièrement attaquée par Israël, ont constaté des journalistes de l’AFP. «Nos défenses aériennes affrontent actuellement des avions israéliens qui lancent une agression contre notre pays», a déclaré dans l’après-midi le porte-parole militaire houthi, Yahya Saree. Tirs vers Israël Selon deux journalistes de l’AFP à Sanaa, un bâtiment utilisé par les forces armées houthies a été touché. Al-Massirah a également fait état de frappes israéliennes contre des bâtiments gouvernementaux à Jawf. L’armée israélienne, qui avait annoncé la veille avoir intercepté un missile tiré du Yémen, a dit avoir frappé des «camps militaires où des membres du régime terroriste avaient été identifiés, le siège des relations publiques militaires des Houthis et un site de stockage de carburant». Sa nouvelle attaque survient trois jours après qu’un tir de drone, revendiqué par les Houthis depuis le Yémen, a blessé un homme en tombant sur l’aéroport de Ramon, dans le sud d’Israël. Le mois dernier, des bombardements israéliens ont tué le Premier ministre et 11 responsables houthis, dans la plus importante opération israélienne contre ces rebelles proches de l’Iran. Depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023, les Houthis ont multiplié les tirs contre Israël et les attaques de navires marchands qui lui sont liés au large du Yémen, affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens. En réponse, Israël a mené plusieurs séries de frappes meurtrières au Yémen, visant des ports, des centrales électriques et l’aéroport international de Sanaa. © Agence France-Presse