
L’intelligence artificielle crée des risques inédits

Le recours à l’intelligence artificielle ne se discute pas pour un établissement financier. Gains de productivité et avancées qualitatives sont à la clé. Mais les utilisations de cette technologie restent prudentes. Il s’agit généralement de chatbots (robot logiciel pouvant dialoguer avec un individu) ou d’assistants virtuels qui n’utilisent pas le deep learning, technologie d’apprentissage basée sur des réseaux de neurones artificiels. C’est le stade le plus avancé de l’intelligence artificielle (IA), mais aussi le plus risqué, d’où l’approche progressive des acteurs financiers.
D’après Fabien Lortal, manager chez Alpha FMC, société de conseil dédiée à l’asset et au wealth management, ses clients ont bien identifié les limites et risques de l’apprentissage automatique, notamment celui de la représentativité des données d’apprentissage : « Si elles sont biaisées, les prédictions le seront probablement », rappelle-t-il. La qualité des données à partir desquelles l’IA est entraînée et leur correcte représentativité sont donc primordiales. Au risque, sinon, d’introduire un biais. C’est pourquoi Maud Monin, associée Deloitte au sein du secteur financier, invite à avoir une vision complète des données manipulées. Chez Zelros, start-up qui développe une IA pour les assureurs, les données d’entraînement sont communiquées. « Cela permet de s’interroger sur d’éventuels biais », indique Christophe Bourguignat, directeur général de la start-up.
Dans un document de réflexion sur les enjeux de l’intelligence artificielle pour le secteur financier (décembre 2018), le pôle fintech de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) recommande de s’assurer que l’usage des données est approprié au regard des objectifs fixés et qu’il n’induit pas de biais involontaire. Pistes étudiées : recourir à un processus plus traditionnel en parallèle et contrôler sur un jeu de données étalon la pertinence et la non-discrimination.
Décisions inadéquates
Les algorithmes peuvent également mal interpréter les données. C’est pourquoi la start-up Lydia, qui développe une application de paiement mobile, a mis au point son propre algorithme de détection de fraudes. « Les algorithmes classiques pour détecter les fraudes aux moyens de paiement s’appuient sur des cas passés. On passe donc à côté de nouvelles formes de fraude », explique Christelle Marfaing, data scientist chez Lydia. L’algorithme développé s’intéresse aux comportements des clients afin de déceler des bizarreries.
Les algorithmes peuvent aussi mal évoluer. « Entraînés sur des données spécifiques à un cycle économique donné, ils peuvent ne pas anticiper des changements radicaux », constate Maud Monin. Par exemple, comme le souligne Maximilien Nayaradou, directeur des projets R&D du pôle de compétitivité Finance Innovation, « en cas de situation anormale, comme une crise, l’intelligence artificielle peut aggraver les problèmes car elle a été entraînée sur des données cumulées en situation normale ». Chez Zelros, des réentraînements réguliers sont organisés afin d’intégrer de nouveaux paramètres. Au sein de Generali, une cellule d’amélioration continue a été mise en place avec pour objectif de s’assurer que les algorithmes se comportent en accord avec leur entraînement et qu’ils évoluent correctement.
Des erreurs qui peuvent, de plus, passer inaperçues à cause de l’effet « boîte noire », c’est à dire le manque d’explicabilité. « L’intelligence artificielle peut provoquer des discriminations sans que les acteurs qui l’utilisent ne s’en rendent compte car on ne sait pas toujours comment elle fonctionne », insiste Pierre-Charles Pradier, co-directeur académique du Labex ReFi, laboratoire de recherche dédié à l’évaluation des politiques de régulation. Maud Monin pense qu’il est donc « essentiel de posséder en interne des équipes capables de contrôler les algorithmes en nature et en paramétrages ainsi que leurs résultats ». « Dans tous les organes de direction, il faudrait des personnes capables de se poser des questions sur les impacts des nouvelles technologies », ajoute Cécile Wendling, directrice de la prospective du groupe Axa.
Nicolas Meric, CEO de Dreamquark, start-up qui développe une solution d’intelligence artificielle pour les banques et les assurances, rappelle qu’ « il faut pouvoir expliquer les décisions des algorithmes aux clients, comme l’impose le RGPD (Règlement sur la protection des données personnelles, NDLR), aux régulateurs, via par exemple les ‘reportings’ réglementaires sur le blanchiment ou l’attribution de crédit, et aux collaborateurs, afin que ceux-ci prennent en main les décisions remontées par l’IA ». Chez Dreamquark, une technologie permet de remonter dans les paramètres et de les décomposer afin de mieux expliquer les décisions de l’IA.
Autre risque non négligeable : la cybersécurité. D’après une récente étude de Deloitte, 40 % des établissements du secteur finance-assurance disent avoir connu une cyberattaque via l’IA. C’est dire si le sujet est important. Dans son document de réflexion, l’ACPR note que les risques de cybersécurité sont accentués notamment en raison de l’utilisation massive des données et intensive des algorithmes. « L’architecture SI devient plus vulnérable aujourd’hui : les points d’entrées sont plus nombreux et les tâches automatisées peuvent être détournées. La mise en place d’une gouvernance IT permet de réduire la probabilité d’une cyberattaque », conseille Mansour Niang, manager chez Alpha FMC. Cette gouvernance, pour être efficace, doit intégrer différentes directions. « Dès le lancement d’un projet d’intelligence artificielle, les personnes en charge de la sécurité, de la conformité, du RGPD, etc., sont intégrées », raconte David Wassong, directeur innovation et solutions technologiques intelligence artificielle et robotique de Generali France.
Données falsifiées
L’intelligence artificielle fait aussi apparaître de nouveaux risques : « Il est possible de modifier la perception d’un algorithme », souligne Edouard d’Archimbaud, CTO de Kili Technology et auparavant responsable du Lab data science and artificial intelligence chez BNP Paribas CIB. Les médias ont beaucoup parlé des algorithmes de reconnaissance d’image prenant un éléphant pour une chaise en modifiant seulement quelques pixels. Ce peut être problématique pour des solutions comme celle d’Alipay, Smile to Pay, qui permet de payer en un sourire grâce justement à une IA de reconnaissance d’image. Des données falsifiées pourraient aussi toucher des algorithmes intervenant dans les décisions d’investissement. « Des ‘fake news’ pourraient perturber l’algorithme et provoquer un effet domino sur les marchés », pense Fabien Lortal (Alpha FMC). Edouard d’Archimbaud révèle une des pistes de recherche : « l’adversial machine learning », qui consiste à entraîner deux algorithmes ensemble. « Le travail du premier est de tromper le second qui apprend ainsi à ne pas être trompé », précise-t-il.
Dans son rapport, l’ACPR s’émeut aussi du risque de dépendance aux prestataires, qui peut conduire à des relations commerciales déséquilibrées mais aussi à une difficulté d’explication et d’audit. « Une situation d’oligopole aggrave l’effet ‘black box’ », approuve Mansour Niang. Le nombre peu élevé d’acteurs de l’IA sur le secteur financier fait aussi craindre à l’ACPR un comportement moutonnier des acteurs utilisant les mêmes technologies, ce qui serait problématique dans le cas des programmes de trading à haute fréquence puisque les acteurs achèteraient et vendraient tous en même temps. Pour éviter d’être techno-dépendant, Generali mêle des développements internes à des partenariats technologiques avec des grands groupes et des start-up.
Vers un usage raisonnable
La dépendance est certes problématique vis-à-vis des prestataires mais aussi en interne vis-à-vis des data scientists. L’IA ne doit pas devenir un outil d’experts isolés mais présenter un intérêt réel pour les métiers. Rendre l’IA aux opérationnels permet aussi de les rassurer, l’IA étant souvent accusée de supprimer des emplois. Ainsi, David Wassong (Generali) s’est engagé à passer deux fois par an devant les instances syndicales pour présenter ses projets.
Risque souvent négligé mais important : le risque environnemental. Nicolas Meric (Dreamquark) estime que le calcul des données représenterait 2 % de la consommation énergétique mondiale. « Le risque est pour l’instant encore maîtrisé et des solutions apparaissent comme la récupération de l’énergie dégagée par les ‘data centers’. Mais il va falloir évoluer et se poser la question du stockage des données : sont-elles toutes nécessaires ? », se questionne Edouard d’Archimbaud. Et de nouvelles solutions moins énergivores devront être trouvées.
Pour les autres risques de l’IA, la recherche est toujours en cours. Fabien Lortal (Alpha FMC) relate que la Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency, agence du département de la Défense des Etats-Unis chargée de la R&D des nouvelles technologies) a lancé un programme de recherche sur le sujet de l’explicabilité. En Europe, le High-Level Expert Group on AI de la Commission européenne (dont fait partie Cécile Wendling d’Axa) a publié en avril 2019 un rapport intitulé « Ethics guidelines for trustworthy AI », qui livre une checklist d’éléments à vérifier pour construire une intelligence artificielle de façon responsable. Cette checklist est en train d’être expérimentée dans des entreprises.
Car la recherche se passe aussi en entreprise. Axa a constitué un panel d’experts indépendants. Il se réunit deux fois par an pour étudier les opportunités et les risques de solutions d’intelligence artificielle. Chez Generali, un centre de compétences qui intègre des étudiants-chercheurs a été créé. La connaissance de l’IA n’en est qu’à ses prémices.
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Cuba : fin du black-out, l’électricité est revenue après la cinquième panne en un an
La Havane - Le courant a été rétabli à Cuba, a annoncé jeudi le ministère de l’Energie et des mines, au lendemain d’une coupure générale, la cinquième en moins d’un an. «Le réseau électrique national est désormais rétabli», a fait savoir le ministère sur le réseau social X. En début de matinée, la compagnie nationale d'électricité avait annoncé que le courant était à nouveau disponible dans 11 provinces sur 15. Dans la capitale, la circulation et les activités ont repris quasiment normalement, a constaté l’AFP. «Le courant est revenu à 3h30 (7h30 GMT) du matin. Nous nous en sommes aperçus parce que nous avions laissé toutes les lumières allumées pour le savoir», a raconté à l’AFP Maria Beltran, 58 ans, qui vit dans un quartier populaire de l’ouest de La Havane. «Hier, ce n’a pas été facile. Nous sommes restés chez nous (...) assis dans un fauteuil toute la journée», a-t-elle ajouté, alors que ces coupures générales paralysent la vie économique de l'île et chamboulent la vie quotidienne des habitants. Mercredi matin, un arrêt de la centrale électrique Antonio Guiteras, la plus importante du pays, située au centre de l'île, a provoqué la déconnexion du système électrique sur l’ensemble du pays. Les autorités ont précisé par la suite que la coupure était due à un signal erroné de surchauffe dans la chaudière de la centrale. Depuis octobre 2024, l'île communiste a ainsi subi cinq pannes généralisées, dont certaines ont duré plusieurs jours. Cette dernière coupure a duré un peu plus de 24 heures. Cuba est en proie depuis cinq ans à une profonde crise économique, avec un manque cruel de devises, et le système électrique vétuste souffre d’avaries fréquentes et de pénuries de combustible. Les huit centrales électriques du pays ont presque toutes été inaugurées dans les années 1980 et 1990. Elles tombent régulièrement en panne ou doivent être arrêtées pour de longues semaines de maintenance. L’installation récente de trente parcs photovoltaïques, soutenue par la Chine, sur les 52 prévus pour cette année, n’a pas permis pour l’heure de faire diminuer les coupures. Pendant les fortes chaleurs l'été, lorsque la consommation atteint des pics à cause de l’utilisation de la climatisation, les délestages se sont multipliés. Selon les autorités, ces coupures programmées ont duré en moyenne près de quinze heures par jour en août et seize heures en juillet, dans tout le pays. Cuba traverse sa pire crise économique depuis trois décennies. Aux faiblesses structurelles de son économie planifiée et centralisée s’ajoutent l'échec d’une réforme monétaire récente et un renforcement de l’embargo américain, en vigueur depuis 1962. © Agence France-Presse -
Au Brésil, le procès Bolsonaro entre dans sa phase décisive
Brasilia - Le procès historique contre Jair Bolsonaro est entré jeudi dans sa phase décisive: les deux derniers juges doivent décider si l’ex-président brésilien d’extrême droite, soutenu par le dirigeant américain Donald Trump, doit être condamné pour tentative de coup d’Etat. Avec un score de 2 à 1, il manque seulement une voix à la Cour suprême pour former la majorité requise pour condamner l’ancien chef de l’État (2019-2022), qui à 70 ans risque jusqu'à 43 ans de prison. Accusé d’avoir été le chef d’une «organisation criminelle» ayant conspiré pour assurer son «maintien autoritaire au pouvoir» malgré sa défaite face au président actuel de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de l'élection de 2022, Jair Bolsonaro clame son innocence. Seule femme de la Cour suprême, la juge Carmen Lucia a pris la parole jeudi après-midi pour livrer l’argumentation de son vote. «La loi doit être appliquée de la même façon pour tous», a-t-elle dit en soulignant l’importance du procès pour le Brésil. Son collègue Cristiano Zanin, ancien avocat de Lula, votera en dernier. Le jugement et une éventuelle peine sont attendus dans la foulée, ou vendredi. Inéligible jusqu’en 2030 et assigné à résidence à Brasilia depuis début août pour des soupçons d’entrave à son procès, M. Bolsonaro n’est pas présent aux audiences, pour motif de santé selon sa défense. Un journaliste de l’AFP a pu l’apercevoir jeudi matin dans son jardin, vêtu d’un polo vert et d’un pantalon sombre, en compagnie d’un proche. «Réparation historique» Le procès divise fortement une opinion ultra-polarisée, y compris dans la capitale. Pour Germano Cavalcante, ingénieur civil de 60 ans, «ce procès n’est pas juste». «Il est plus politique que judiciaire», estime-t-il. A l’inverse, Ana Karla Oliveira, 21 ans, analyste système, se dit «absolument ravie». «Je vais fêter cette condamnation», promet-elle, y voyant une «réparation historique». L’affaire Bolsonaro est aussi à l’origine d’une crise sans précédent entre la première puissance d’Amérique latine et les États-Unis. Dénonçant une «chasse aux sorcières» contre son allié d’extrême droite, le président américain Donald Trump a imposé une surtaxe punitive de 50% sur une part importante des exportations brésiliennes. Washington a également annulé les visas de plusieurs juges de la Cour suprême brésilienne et infligé des sanctions financières à l’un d’entre eux, Alexandre de Moraes, rapporteur du procès Bolsonaro. Amnistie Le juge Moraes a été le premier à voter mardi pour la condamnation de l’ex-président, affirmant que le Brésil avait «failli redevenir une dictature» lors du supposé putsch manqué. M. Bolsonaro est jugé avec sept anciens proches collaborateurs, dont plusieurs ex-ministres et généraux. C’est la première fois qu’un ancien chef de l’État doit répondre de telles accusations, dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985). Ex-ministre de la Justice de Lula, Flavio Dino a lui aussi voté pour une condamnation, estimant que les infractions jugées «ne sont pas susceptibles d’amnistie». Le message n’est pas passé inaperçu. Le courant conservateur tente en effet de faire approuver au Parlement une loi d’amnistie au bénéfice de son leader. Avec déjà en tête de possibles recours contre une condamnation attendue, le camp de l’ancien chef de l’État a célébré mercredi le vote du troisième magistrat, Luiz Fux. Développant une démonstration de plus de 11 heures, ce dernier a jusque-là été le seul à voter pour la relaxe de M. Bolsonaro. Il a démonté le dossier, dénoncé un manque de preuves et estimé que le complot évoqué n’a jamais dépassé la «phase préparatoire». Le vote du juge Fux «n’affectera pas le résultat final, mais il influencera l’histoire», escompte le député bolsonariste Luiz Lima. Ramon SAHMKOW et Louis GENOT © Agence France-Presse -
L'ambassadeur britannique aux Etats-Unis limogé, pour ses liens avec Jeffrey Epstein
Londres - L’ambassadeur britannique aux Etats-Unis, Peter Mandelson, a été limogé jeudi en raison de ses liens avec le délinquant sexuel américain Jeffrey Epstein, un revers de plus pour le Premier ministre Keir Starmer avant la visite d’Etat de Donald Trump au Royaume-Uni. La pression montait depuis plusieurs jours sur Keir Starmer, qui avait nommé il y a moins d’un an cet architecte du «New Labour» de Tony Blair, pour tenter de consolider les liens entre son gouvernement et la nouvelle administration Trump. Des mails entre le vétéran du parti travailliste de 71 ans et le financier américain, mort en prison en 2019, révélés cette semaine, «montrent que la profondeur et l'étendue des relations de Peter Mandelson avec Jeffrey Epstein sont sensiblement différentes de celles connues au moment de sa nomination», a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. «Compte tenu de cela, et par égard pour les victimes des crimes d’Epstein, il a été révoqué comme ambassadeur avec effet immédiat», a ajouté le Foreign Office. Dans une lettre écrite par Peter Mandelson pour les 50 ans de Jeffrey Epstein en 2003, et publiée en début de semaine par des parlementaires à Washington, le Britannique affirme que le financier américain est son «meilleur ami». Interrogé mercredi après la publication de cette lettre, le Premier ministre Keir Starmer lui avait apporté son soutien, assurant que Peter Mandelson avait «exprimé à plusieurs reprises son profond regret d’avoir été associé» à Jeffrey Epstein. Mais cette position est rapidement devenue intenable. En fin de journée mercredi, des médias britanniques, dont le tabloïd The Sun, ont rapporté que M. Mandelson avait envoyé des mails de soutien à Jeffrey Epstein alors que ce dernier était poursuivi en Floride pour trafic de mineures. Juste avant que M. Epstein ne plaide coupable pour conclure un arrangement dans cette affaire en 2008, Peter Mandelson lui aurait écrit: «Je pense énormément à toi et je me sens impuissant et furieux à propos de ce qui est arrivé», l’incitant à "(se) battre pour une libération anticipée». «Je regrette vraiment très profondément d’avoir entretenu cette relation avec lui bien plus longtemps que je n’aurais dû», avait tenté de se défendre l’ambassadeur dans un entretien diffusé mercredi sur la chaîne YouTube du Sun. Il y a affirmé n’avoir «jamais été témoin d’actes répréhensibles» ou «de preuves d’activités criminelles». «Sérieuses questions» «L’affirmation de Peter Mandelson selon laquelle la première condamnation de Jeffrey Epstein était injustifiée et devait être contestée constitue une nouvelle information», a fait valoir le Foreign Office pour expliquer la décision de le limoger. Dans une lettre au personnel de l’ambassade, citée jeudi soir par la BBC, Peter Mandelson affirme que ce poste a été le «privilège» de sa vie. «Je regrette profondément les circonstances qui entourent l’annonce faite aujourd’hui», ajoute-t-il. Les relations entre Londres et Washington sont «en très bonne posture», se félicite l’ex-ambassadeur, disant en tirer une «fierté personnelle» Pour Keir Starmer, ce départ, à une semaine de la visite d’Etat du président Donald Trump au Royaume-Uni les 17 et 18 septembre, est un nouveau coup dur. Le dirigeant travailliste, au plus bas dans les sondages, a déjà dû se séparer il y a quelques jours de sa vice-Première ministre, Angela Rayner, emportée par une affaire fiscale, ce qui a déclenché un remaniement de taille du gouvernement. Trois fois ministre et commissaire européen, Peter Mandelson était le premier responsable politique nommé ambassadeur à Washington, un poste traditionnellement réservé à des diplomates chevronnés. Cet homme de réseaux et d’influence, surnommé le «Prince des ténèbres», était déjà tombé à deux reprises par le passé en raison d’accusations de comportements répréhensibles ou compromettants. La cheffe de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch a fustigé le «manque de courage» de Keir Starmer, qui «a encore échoué à un test de son leadership». Marie HEUCLIN © Agence France-Presse