L’hiver de la crypto

Alexandre Garabedian
L’hiver de la crypto
Alexandre Garabedian directeur de la rédaction de L’Agefi  -  Crédit Pierre Chiquelin.

Brothers d’un côté, « bros » de l’autre : à quatorze ans d’écart, Lehman et FTX partagent cette fraternité déchue et l’excès de testostérone propice aux faillites infamantes. La chute de l’éphémère empire fondé par Samuel Bankman-Fried plonge la planète crypto dans la stupeur et l’effroi. Et si, comme le prédisaient tous les contempteurs du bitcoin, cette finance décentralisée qui prétendait révolutionner le monde n’était en effet qu’un château de cartes ? Cette nouvelle faillite, la plus spectaculaire d’une série en cours, risque d’en appeler d’autres, mais fort heureusement dans un système clos que la majorité des banques traditionnelles s’étaient bien gardées de pénétrer.

L’affaire vient rappeler à propos quelques principes simples de gestion du risque pour l’investisseur, particulier comme institutionnel. D’abord cette évidence, que les violents resserrements monétaires font toujours exploser les modèles d’affaires douteux, dopés aux stéroïdes des taux zéro : après les dotcom, l’immobilier subprime, place aux Spac, aux meme stocks et aux cryptos qui n’ont de monnaies que le nom.

S’il reste à déterminer les parts respectives de l’incompétence et de la fraude dans l’effondrement de FTX, des signaux auraient aussi dû alerter les parties prenantes. Des comptes évanescents, l’absence de directeur financier désigné dans une société gérant des milliards de dollars d’épargne, des relations opaques entre deux structures liées au même dirigeant… Malgré ces failles béantes dans la gouvernance, des professionnels aguerris ont valorisé le groupe à 32 milliards de dollars lors de sa dernière levée de fonds. Le phénomène FOMO (fear of missing out), cette peur de rater le train de la performance, a encore frappé. La personnalité même de Samuel Bankman-Fried, faux messie réfugié aux Bahamas, se piquant à longueur d’interviews de racheter Goldman Sachs et de coécrire la réglementation aux Etats-Unis, pouvait susciter la méfiance : où s’arrête la vision de l’entrepreneur, où commence son hubris ? Il suffit de lire le « complexe du sauveur », l’hallucinant portrait publié sur le site de Sequoia Capital fin septembre, et retiré depuis, pour comprendre la fascination qu’exerçait le jeune prodige de la tech sur ses bailleurs de fonds.

Voilà le petit monde de la crypto rappelé à davantage d’humilité et à ses limites conceptuelles. Il sera demain plus centralisé, plus régulé, purgé de la masse des spéculateurs qui croyaient que les arbres montaient jusqu’au ciel. Il pourra d’autant mieux se concentrer sur les autres usages potentiels de la blockchain et des jetons numériques, innovations technologiques dont on attend toujours qu’elles permettent de bâtir, à une échelle industrielle, des activités financières utiles et profitables.

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