
La Chine recadre le business model d’Ant Group
Nouveau coup dur pour Ant Group. Les autorités chinoises ont demandé dimanche au géant chinois de «réviser» ses activités lucratives (crédits, assurance, gestion de fonds) afin de se recentrer sur son business d’origine : les paiements. La banque centrale estime notamment qu’Ant Group n’est pas au clair sur les exigences règlementaires. Pan Gongsheng, le vice-gouverneur de la banque centrale de Chine, a ainsi reproché à la fintech d’avoir «peu de connaissances juridiques et de fermer les yeux sur les exigences de conformité».
«Cette décision n’est pas surprenante. On savait que la montée en puissance d’Ant Group chatouillait depuis un moment les autorités chinoises. Le gouvernement met en pratique ce que d’autres n’ont pas encore réussi à faire, à savoir casser ou freiner l’hégémonie de certains groupes. Les autorités américaines songent un jour ou l’autre à règlementer le pouvoir des Gafa. Ce ne sont pour l’instant que des paroles : la Chine y a joint les actes», estime Angelo Caci, directeur de Syrtals Cards & Beyond.
Ant Group a déclaré qu’il allait «immédiatement» commencer à élaborer des plans et un calendrier pour répondre aux exigences des autorités chinoises, assurant qu’il allait améliorer «considérablement» sa conformité en procédant à une révision de ses activités.
Le prêt, activité phare
Une telle décision de Pékin aurait un impact sur le modèle économique du géant chinois. Selon son dernier prospectus, le groupe revendique un chiffre d’affaires de 72,5 milliards de yuans (8,9 milliards d’euros) au premier semestre, soit une hausse de près de 40% par rapport à la même période en 2019. Si ce dernier reposait en 2019 pour 44% sur les paiements et 34% les crédits, il dépend cette année pour 39% du crédit et pour 36% du paiement.
De même, l’activité de paiement d’Ant Group (via son application Alipay) n’a progressé que de 13% au premier semestre, par rapport à l’année précédente, tandis que ses sources de financements provenant notamment des crédits ont augmenté de 57%. Depuis son lancement en 2015, Ant Group a ainsi distribué 308 milliards de crédits. En moins de cinq ans, MyBank, la banque digitale d’Ant, a multiplié par dix le nombre de crédits octroyés aux PME, passant de 2,77 millions en décembre 2016 à 29 millions en juin 2020.
«Les ambitions d’Ant Group dans la finance seront nécessairement touchées. C’est un coup dur pour la firme de Jack Ma. Le secteur des paiements est un marché qui arrive à une certaine maturité, c’est pourquoi Ant Group cherchait d’autres gisements de croissance», poursuit Angelo Caci. «Les autorités chinoises ont probablement pensé qu’il risquait de faire encore plus d’ombre aux banques classiques. Le salut pourrait passer le cas échéant par l’obtention d’un statut équivalent aux autres banques chinoises, ce qui permettrait à celles-ci de faire face à un assaillant aussi puissant qu’Ant», estime ce dernier.
L’application, qui touche plus d’un milliard d’utilisateurs et 80 millions de commerçants, pèse plus de trois fois l’américain Paypal en termes de transactions, et représente près de 55% du marché chinois du paiement mobile. «Cette décision marque un arrêt dans l’épopée du groupe mais il pourrait y avoir d’autres rebondissements dans l’histoire entre Ant et les autorités chinoises. Après l’interruption de l’IPO, le gouvernement réfrène une deuxième fois ses ambitions. Ant ne peut donc que se conformer à de telles décisions et devrait entamer un dialogue avec le régulateur. En effet, si la Chine montre sa fermeté face à cet acteur, elle est également consciente qu’il contribue à la croissance et au rayonnement de son économie», conclut Angelo Caci.
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