
Instant payment, le coup d’envoi

C’est parti ! Le paiement en temps réel devient une réalité en Europe. Le coup d’envoi a été fixé au 21 novembre et l’EPC (European Payments Council) a récemment publié la liste des 585 établissements de huit pays (Autriche, Estonie, Allemagne, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas et Espagne) qui se sont portés volontaires pour proposer un service de paiement en temps réel (SCT Inst.) à cette date. Cela ne veut pas dire que toutes les communautés bancaires ou les acteurs des paiements de ces pays sont prêts. En Allemagne, par exemple, seul UniCredit Bank pourra délivrer le service dès novembre, mais 406 autres banques allemandes seront prêtes à émettre et à recevoir des paiements instantanés à partir du 10 juillet 2018. Ce premier groupe de pays sera rejoint en 2018 et 2019 par la Belgique, la Finlande, la France, Malte, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède. Certains ont déjà lancé des offres : Swish en Suède, MobilePay au Danemark, Siirto en Finlande, Express Elixir en Pologne ou Bizum en Espagne, sans oublier Faster Payments qui existe depuis près de dix ans au Royaume-Uni. Ces solutions, qui servent seulement les paiements domestiques, ne sont pas toujours conformes aux règles définies par l’EPC pour le SCT Inst mais devraient pouvoir s’ajuster. « Je rappelle qu’il ne s’est écoulé qu’un an entre la publication par l’EPC des règles du schéma SCT Inst et le début de sa mise en œuvre opérationnelle, souligne Etienne Goosse, directeur général de l’EPC. C’est très peu compte tenu des changements importants que les fournisseurs de services de paiement ont dû engager pour être prêts à temps, des investissements informatiques, de modifications de leurs processus de gestion des risques, de nouveaux accords à passer avec leurs partenaires d’échange et de règlement (‘clearing & settlement’) et des efforts de communication envers leurs clients à mettre en place. »
Particuliers
Concrètement, les règles de l’EPC ne définissent pas les usages du paiement instantané, il revient aux communautés bancaires de s’accorder sur ceux qu’elles trouvent les plus pertinents et d’établir leur programme de lancement. Le paiement entre particuliers est souvent le socle de base pour lancer l’offre sous forme d’application mobile. Ensuite, on peut y intégrer le paiement en magasin ou sur internet, ou encore le paiement entre entreprises. Au Royaume-Uni, par exemple, Faster Payments, qui compte 19 membres, traite 125 millions de transactions par mois avec des montants pouvant atteindre 250.000 livres par transaction, comme l’explique Craig Tillotson, chief executive de Faster Payments, dans un entretien publié sur le site de l’EPC. Le service est utilisé par exemple pour vendre des voitures entre particuliers et a été étendu à leur demande aux commerçants qui y trouvent un avantage : disposant des fonds presque immédiatement, ils peuvent expédier leurs marchandises plus rapidement et réduire leurs stocks. Un aspect tout à fait pris en compte par l’EPC qui envisage tous les usages possibles. Pour Etienne Goosse, « le virement instantané a la capacité de simplifier la gestion des flux de trésorerie des entreprises. Le montant maximum du virement instantané Sepa (Single Euro Payments Area) est actuellement fixé à 15.000 euros par transaction. Ce montant est temporaire et sera revu au moins une fois par an dès novembre 2018. Avec un montant maximum supérieur, nul doute que le virement instantané Sepa deviendra plus attrayant pour les entreprises. »
La France est longtemps restée en retrait sur le sujet. Plusieurs établissements bancaires ont exprimé leurs réticences face à un moyen de paiement qui pourrait cannibaliser l’usage de la carte bancaire, une importante source de rémunération dans les paiements, et pour lequel le modèle économique ne semble pas simple à trouver. Néanmoins, certaines ont accéléré le pas. Le Crédit Agricole, par exemple, a annoncé le lancement d’une offre au printemps 2018. « Plusieurs grandes banques seront opérationnelles dès mi-2018, complète Rodolphe Meyer, directeur marketing et développement de Stet, qui est chargée de développer l’infrastructure permettant aux banques d’échanger et de régler les SCT Inst. Les autres suivront au second semestre. Mais dès le début de l’année, Paylib intégrera une fonctionnalité de paiement en P2P avec un SCT (virement classique) dans un premier temps, qui sera suivi d’une migration vers le SCT Inst. » Le P2P sera donc le premier usage du paiement instantané, puis suivront le paiement en e-commerce et, ultérieurement, le paiement de proximité. Comme en Angleterre, certaines entreprises se sont déjà montrées impatientes de pouvoir proposer ce mode de paiement à leurs clients.
Une infrastructure BCE
Reste la question de l’interopérabilité à régler. Dans la mesure où les communautés bancaires sont organisées par pays, elles ont choisi des usages différents. C’est pourquoi la Banque centrale européenne, qui souhaitait faire du paiement instantané un moteur de l’intégration du marché européen des paiements, a finalement décidé de développer sa propre infrastructure à partir de Target 2, sa centrale de règlements pour les paiements de grands montants en temps réel (RTGS, real time gross settlement). Tips (Target Instant Payment Settlement) est donc en cours de développement et permettra l’intégration effective du marché européen des paiements instantanés. Le service sera disponible 24h/24 et 7 jours/7, sans interruption, pour les participants à Target 2 et pour leurs sous-participants qui seront automatiquement accessibles (« reachable »). Le prix du traitement sera de 0,002 euro par transaction durant les deux premières années et le service pourra s’étendre à d’autres devises. Les chambres de compensation pourront participer à Tips pour permettre aux banques d’atteindre d’autres établissements auxquels elles ne sont pas connectées. « Stet sera connectée à Tips dès son démarrage en novembre 2018, précise Rodolphe Meyer. Ce qui permettra à nos membres de nous envoyer toutes leurs opérations, nationales ou européennes. Stet les routera automatiquement vers les établissements non connectés à Stet par l’intermédiaire de Tips. » D’autres prestataires se positionnent, comme ACI qui déploie un portail européen pour le SCT Inst afin de connecter toute banque ou prestataire de paiement à tous les systèmes de paiement instantané nationaux ou paneuropéens visés par l’EPC. EBA Clearing développe RT1, sa plate-forme d’instant payment qui sera accessible notamment via SwiftNet Instant. Toutefois, les paiements transfrontaliers ne représentent encore que 5 % des transactions, ils ne sont donc pas perçus comme une priorité pour les banques.
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