
Ant Group veut maîtriser tout l’écosystème financier

Les services financiers actuels sont «mal desservis par les canaux classiques», estime Ant Group dans un prospectus publié hier pour obtenir une double cotation à la Bourse de Hong Kong et sur le Star Market de Shanghai. Lancé en 2004, le bras financier d’Alibaba et son fondateur Jack Ma, ont révolutionné le paiement mobile avec son application Alipay. L’application, qui touche plus d’un milliard d’utilisateurs et 80 millions de commerçants, pèse plus de trois fois l’Américain Paypal en termes de transactions, représentant près de 55% du marché chinois du paiement mobile. Au cours des 12 mois qui se sont terminés en juin, Ant Group a enregistré 118.000 milliards de yuans (14,5 milliards d’euros) de transactions de paiement.
Mais l’examen du prospectus montre qu’Ant ressemble plus à un supermarché financier qu'à Paypal. A travers son application, le groupe distribue de nombreux produits financiers, des crédits aux assurances, en passant par la gestion de fonds. Le groupe revendique un chiffre d’affaires de 72,5 milliards de yuans (8,9 milliards d’euros) au premier semestre, soit une hausse de près de 40% par rapport à la même période en 2019. Si ce dernier reposait en 2019 pour 44% sur les paiements et 34% les crédits, il dépend cette année pour 39% du crédit et pour 36% du paiement.
La part du paiement recule
«L’offre de paiement est arrivée à un certain plateau de maturité sur le marché chinois, le marché est bien équipé, avec des marges limitées pour rester compétitif par rapport notamment à WeChat Pay», estime Julien Maldonato, associé conseil, industrie financière chez Deloitte. Au cours des trois dernières années, «l’offre de crédit a pris le relais de la croissance rentable, profitant du développement économique des entreprises chinoises, et ces derniers mois pour soutenir les difficultés engendrées par le COVID-19», précise-t-il.
A l’heure actuelle, Ant Group collabore avec une centaine de banques et revendique des soldes de crédit s’élevant à 1.732 milliards de yuans (213 milliards d’euros) pour les consommateurs et à 422 milliards de yuans pour les PME. La quasi-totalité de ces encours est portée par les bilans de ses partenaires ou titrisée auprès d’investisseurs, ce qui permet au groupe de ne pas être en risque. Les primes d’assurance sont élevées quant à elles, à 52 milliards de yuans (6,4 milliards de yuans) en 2020.
Prêts au PME
Et les ambitions du groupe en matière de crédit sont loin d’être terminées. Mybank, sa banque commerciale en ligne, prévoit de soutenir 10 millions de PME au cours des cinq prochaines années. «Il y a une impressionnante prise de marché de MyBank en Chine. En seulement cinq ans, 29 millions d’entreprises chinoises ont obtenu un crédit auprès de MyBank, cette croissance mériterait d’être prise au sérieux en Occident. Quand elle voudra concurrencer un Revolut ou N26, la grande force de Ant Group sera la technologie», ajoute Julien Maldonato.
Le groupe revendique par ailleurs des encours d'épargne «autorisés» de 4.099 milliards de yuans (504 milliards d’euros). Un montant qui aurait pu être plus important si son fonds Tianhong Yu’e Bao n’avait pas été restreint en 2017 par la régulation chinoise afin de limiter les risques liés aux investissements. Ce fonds «pourrait très bien collecter de l’épargne via d’autres continents. Mais l’épargne en Europe est plus complexe à collecter : dans les priorités de conquête du groupe, l’épargne viendra peut-être après», considère Julien Maldonato.
Pour ce dernier, Ant Group se différencie des autres groupes financiers car il a misé dès le départ sur la technologie. «Le groupe a un désir fort de construire des infrastructures technologiques extrêmement performantes dans la gestion des transactions», précise Julien Maldonato. Ant Group, c’est avant tout un énorme bastion d’ingénieurs et de chercheurs, qui pèse pour plus de 60% des 9.000 employés, «c’est ce qui les différencie de l’approche occidentale, basée sur le commerce et l’économie traditionnelle, là où Ant donne une plus grande importance aux sciences et à la technologie».
«L’intelligence de Jack Ma est de créer un système d’échange financiarisé. Quand on crée autant de métiers de la finance, c’est pour maîtriser tout le système financier afin d’en construire un nouveau», estime l’expert de chez Deloitte.
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Un décret interdit les sachets de nicotine en France à partir de mars 2026
Paris - Dénoncés pour leur toxicité et leur caractère addictif en particulier pour les enfants et adolescents, les sachets, billes et gommes de nicotine seront interdits en France à partir de mars 2026, une «victoire» pour les associations anti-tabac. Le décret d’interdiction, paru au Journal officiel samedi, fait suite au bannissement des cigarettes électroniques jetables, prohibées à la vente depuis fin février, et à l’interdiction de fumer dans les espaces publics comme les jardins et parcs, les plages ou encore aux abords des écoles en vigueur depuis le 1er juillet. Le bannissement des sachets «vise à protéger la santé publique: la nicotine est désormais considérée comme une substance vénéneuse en raison de ses effets nocifs, et son usage à visée récréative présente un risque d’initiation au tabagisme, notamment chez les jeunes», a justifié à l’AFP le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. La ministre «Catherine Vautrin confirme ainsi son engagement» contre les «risques liés aux addictions», selon cette source. Le gouvernement Barnier avait annoncé à l’automne 2024 son intention de bannir les sachets de nicotine, également appelés pouches, en raison notamment d’un accroissement des intoxications chez les adolescents. Le marché mondial des pouches a été évalué par Global Markets Insights à 6,6 milliards de dollars (5,6 milliards d’euros) pour l’année 2023, et pourrait atteindre 27,4 milliards de dollars (23,4 mds d’euros) en 2032. Apparus récemment, les sachets de nicotine sans tabac renferment, dans un tissu perméable, des fibres de polymères imprégnées de nicotine et d’arômes et se glissent entre la lèvre et la gencive. L’interdiction prise par le gouvernement vise l’ensemble des «produits à usage oral contenant de la nicotine, à l’exception des médicaments et dispositif médicaux». Elle ne s’applique pas aux tabacs à chiquer. «Eldorado financier» Il s’agit notamment des «sachets portions» ou «sachets poreux», «pâte, billes, liquides, gomme à mâcher, pastilles, bandelettes ou toute combinaison de ces formes», énumère le texte. L’Alliance contre le tabac, une fédération d’associations anti-tabac, a salué une «victoire». «Il s’agit d’une mesure cruciale pour protéger les jeunes et contrer les stratégies pernicieuses d’une industrie qui prospère sur le marché de l’addiction, au détriment de la santé publique», a-t-elle estimé dans un communiqué. «Face à la baisse de la consommation de cigarettes dans les pays développés, les sachets de nicotine et les nouveaux produits nicotiniques (tabac chauffé et cigarettes électroniques) constituent le nouvel eldorado financier des cigarettiers», souligne l’organisation pour qui, «loin d’être des outils de sevrage, les sachets de nicotine et leurs dérivés (billes, perles) n’ont pour objectif que d’étendre le marché de l’addiction à la nicotine». Les fabricants British American Tobacco France et Philip Morris France ont dénoncé l’interdiction. Le premier a critiqué une «approche dogmatique, sans débat ni concertation» de la France, qui «prend le risque (...) de priver les fumeurs adultes d’alternatives encadrées» au tabac. Pour le second, «la France s’entête dans une stratégie d’interdiction inefficace». La confédération des buralistes y voit une «victoire annoncée pour les trafics». En novembre 2023, l’Anses avait appelé à une vigilance particulière» sur ces sachets en soulignant que ces produits, comme les billes aromatiques, entraînaient de plus en plus d’intoxications. «Les enfants et adolescents sont les principales victimes», avait constaté l’Agence nationale de sécurité sanitaire. Comme les snus (tabac sous forme de sachet à usage oral interdit à la vente en Europe), les sachets de nicotine «peuvent provoquer des syndromes nicotiniques aigus parfois sévères: vomissements prolongés avec risque de déshydratation, convulsions, troubles de la conscience, hypotension ayant nécessité un remplissage vasculaire», selon l'étude qui précise que la majorité des personnes intoxiquées ont entre 12 et 17 ans. Les billes aromatiques présentent aussi un risque d’accident domestique, en particulier pour les enfants de moins de trois ans qui les ingèrent. Le nombre d’appels au centres anti-poisons concernant ces produits était passé de trois en 2020 à 86 en 2022, selon l’Anses. Boris CAMBRELENG © Agence France-Presse