
Netflix atteint le Graal de l’autofinancement

Netflix est enfin devenue une entreprise adulte, atteignant le Graal financier : elle n’a plus besoin d’emprunter. La plate-forme de vidéo à la demande sur abonnement a dévoilé mardi soir, après la clôture des marchés, ses résultats annuels, qui sont en bonne partie au-delà des attentes des analystes.
En particulier, elle est parvenue à franchir le seuil des 200 millions d’abonnés payants dans le monde – 203,6 millions exactement. Elle en a gagné 8,5 millions durant le quatrième trimestre 2020 – les analystes en attendaient 6,1 millions. Netflix avait déjà profité de l’effet confinement durant le premier semestre 2020. Elle a gagné 36,6 millions d’abonnés en 2020, et anticipe 6 millions de nouveaux abonnés pour ce premier trimestre 2021.
Côté chiffres, sa rentabilité est légèrement moindre que prévu. Le groupe a publié mardi un résultat net de 542 millions de dollars (447 millions d’euros) pour le quatrième trimestre 2020, soit 1,19 dollar par action, contre 1,30 dollar un an auparavant. Son chiffre d’affaires a progressé à 6,64 milliards de dollars sur le trimestre (5,47 milliards un an auparavant), pour totaliser près de 25 milliards sur 2020.
Investissements massifs dans les contenus
Côté contenus, Netflix tire profit de ses lourds investissements, avec des séries qui s’imposent comme des marques, et des audiences records. Parmi ses succès mondiaux figurent la quatrième saison de The Crown, biopic sur la famille royale britannique (100 millions de vues), The midnight Sky, film de et avec George Clooney (72 millions de vues), ou encore la série Lupin, libre adaptation des aventures d’Arsène Lupin (70 millions de vues projetées d’ici le 5 février).
Avec ces milliards de dollars investis, Netflix a aussi acquis une kyrielle de films et prévoit d’en diffuser 70 nouveaux sur l’année 2021. Des films avec des stars telles que Leonardo di Caprio, Meryl Streep, ou des réalisateurs de renom tels que Jean-Pierre Jeunet (Big Bug), Paolo Sorrentino (E Stata la mano si dio) et Jane Campion (The Power of the dog). Difficile de savoir lesquels de ces films devaient initialement sortir en salles ou étaient des commandes directes de Netflix, mais la plate-forme a évidemment profité de l’incertitude sur la date de réouverture des cinémas.
En outre, «500 titres sont en post-production ou prêts à être lancés», relève UBS dans une note d’analyse mercredi.
Fin du recours au marché obligataire
Surtout, Netflix s’oriente enfin vers le chemin de la rentabilité. Fini la période où elle brûlait un milliard de dollars de cash par an. Dans leur traditionnelle lettre aux actionnaires, ses dirigeants ont indiqué mardi que le groupe s’approchait d’un flux de trésorerie à l'équilibre, et qu’il n’aurait «pas besoin de lever des financements extérieurs pour les activités quotidiennes». Compte tenu de sa trésorerie de 8,2 milliards de dollars et d’une ligne de crédit disponible de 750 millions de dollars.
Mieux, l’entreprise indique qu’elle envisage de racheter des actions.
En moins de dix ans, Netflix a emprunté plus de 16 milliards de dollars (13,2 milliards d’euros) pour nourrir son appétit sans fin pour les contenus. Dans ses comptes, la société affichait une ligne budgétaire atteignant allégrement les 10 à 12 milliards de dollars annuels pour des acquisitions et productions de contenus exclusifs.
Jusqu’à présent, la firme de Los Gatos n’engrangeait pas assez d’argent pour couvrir à la fois ses coûts de productions et de fonctionnement. Ce qui a longtemps rendu analystes et investisseurs méfiants envers son modèle économique, certains estimant même que le château de cartes risquait un jour de s’effondrer en raison de son endettement. Car au fil des années, elle a continué d’emprunter, à coups d’émissions obligataires: 1 milliard de dollars en avril 2020, 2 milliards en octobre 2019, 2 milliards en avril 2019… Soit «22 obligations en circulation totalisant l’équivalent de 16,4 milliards de dollars selon Refinitiv Elkon», s’étonne encore S&P.
Les analystes relèvent leurs objectifs
L’information n’a pas échappé aux marchés. L’action Netflix bondissait mercredi, pour clôturer à Wall Street en hausse de 16,85%, à 586,34 dollars. Elle a gagné 69% au cours des 12 derniers mois, contre un gain de 15% pour l’indice S&P 500. Netflix totalise ainsi une capitalisation boursière de près de 253 milliards de dollars.
Alors que Netflix est notée BB/Ba3 avec des perspectives positives par S&P Global Ratings et Moody’s, la banque UBS a annoncé mercredi relever sa recommandation, de «neutre» à «acheter», et a augmenté son objectif de cours pour le titre de 540 à 650 dollars par action. «Les modes de consommation basculent dans le monde vers une poignée de plates-formes de streaming vidéo», explique la banque.
Wells Fargo a, pour sa part, relevé sa recommandation de «pondération en ligne» à «surpondérer», et son objectif de cours de 510 dollars à 700. «La pandémie a favorisé la croissance du nombre d’abonnés, mais ce qui est impressionnant est l’amélioration des paramètres économiques» du groupe, commente l’analyste Steven Cahall.
Selon les données FactSet, 21 analystes ont relevé leur objectif de cours pour Netflix à la suite de la publication de mardi.
Devant la concurrence
Face à la concurrence, Netflix dispose encore d’un coup d’avance. Pour l’instant. Des firmes comme Walt Disney Company avec Disney+, AT&T avec HBO Max, et bientôt ViacomCBS avec Paramount+, font de gros paris sur le streaming vidéo. Mais Disney, le seul à pouvoir le rattraper en nombre d’abonnés, risque de devoir patienter «quatre à cinq ans avant de pouvoir dégager des flux de trésorerie positifs avec son service de streaming», estime Todd Juenger, analyste chez Bernstein.
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Aegina - Sur l'île grecque d’Egine, quatre ouvriers agricoles, bâton en main, frappent les branches d’un pistachier pour faire pleuvoir les fruits sur des bâches. La récolte des pistaches bat son plein. Pourtant l'équipe fait grise mine. «Il y a peu de pistaches», déplore auprès de l’AFP Daso Shpata, un Albanais de 47 ans, sous un soleil de plomb qui fait chanter les cigales. Le changement climatique a fait fondre les récoltes. D’autres problèmes sont venus se greffer: de nouvelles générations peu enclines à reprendre les exploitations familiales et des arbres sacrifiés pour construire de lucratives résidences de vacances dans une Grèce où le tourisme va de record en record. «La culture traditionnelle (des pistaches) telle que nous la connaissons (ici) n’est plus viable», se désole Eleni Kypreou, la propriétaire du verger de cette île de près de 13.000 habitants, proche d’Athènes et connue dans toute la Grèce pour ses fameuses pistaches. «Si nous voulons sauvegarder les pistachiers, il faut trouver ce dont ils ont besoin (...) Sinon, ils appartiendront au passé et pourront entrer dans un musée», tranche-t-elle. La production de pistaches à Egine est infime en comparaison de celle des États-Unis ou de l’Iran où sont récoltées plusieurs centaines de milliers de tonnes chaque année. Mais ces fruits produits sur ce territoire situé à une heure en ferry du port du Pirée sont considérés comme particulièrement savoureux. «Les pistaches d’Egine ont un goût spécial», assure Mme Kypreou. «Ca vient de la terre et de l’eau. L’eau est un peu salée». Cette femme de 88 ans chérit ses 750 pistachiers au point de leur chanter et de leur parler. «Les deux dernières années, nous n’avions presque rien», poursuit-elle, soit 20 kg seulement en 2024 après 100 kg en 2023. «Nous attendions une bonne récolte cette année. Mais elle n’est pas bonne», soupire-t-elle. «Planter des maisons» En 2023, la Grèce a produit près de 22.000 tonnes de pistaches, contre 12.000 seulement en 2015, selon l’office grec des statistiques Elstat. Mais à Egine, la production a baissé pour passer de plus de 2.600 tonnes à 2.300 tonnes. Le nombre d’arbres en âge de production et les hectares de terre ont également diminué. «Ces deux dernières années ont été mauvaises» principalement en raison des hivers particulièrement cléments qu’a connus le pays méditerranéen, diagnostique Kostas Peppas, président de la coopérative des producteurs de pistaches d’Egine. Or les arbres ont besoin pendant «certaines heures de températures en dessous de 10 à 12°C. Pour dormir, pour se reposer. Donc si l’hiver est doux, ce n’est pas bon», assure-t-il. La coopérative vend les pistaches dans les magasins et supermarchés dans tout le pays et, à Egine, tout particulièrement notamment auprès des nombreux touristes, ainsi que dans son propre kiosque sur le port. Pour M. Peppas, il ne fait pas de doute que la plupart des vendeurs du port ont acheté des pistaches ailleurs, faute de pouvoir s’approvisionner auprès des producteurs locaux. Le dirigeant de la coopérative possède 230 arbres, principalement des femelles, qui produisent les pistaches, avec deux mâles plus grands pour la pollinisation. A Egine, «ils coupent des arbres et construisent des maisons à la place,» soutient ce capitaine de bateau à la retraite, âgé de 79 ans. Avec le boom du tourisme en Grèce, qui a accueilli 40 millions de visiteurs en 2024, les locations de courte durée, lucratives, explosent à Athènes et sur les îles. Thanasis Lakkos, 53 ans, soulève une branche de l’un de ses 3.500 pistachiers qu’il arrose avec l’eau de pluie collectée en hiver pour l’aider à grandir. La plupart des producteurs suivent le savoir faire ancestral en se disant «mon grand-père faisait comme ça, moi je vais continuer à faire comme ça», explique-t-il. «Mais ce n’est pas comme cela que ça marche», souligne-t-il, invitant les producteurs à chercher de nouvelles techniques. Il compte «continuer aussi longtemps que possible» malgré les difficultés. Dans son entourage, certains lui disent «mieux vaut vendre la terre et gagner un million d’euros et se reposer pour le reste de sa vie». Son fils est devenu DJ et les jeunes qui veulent se lancer dans l’agriculture sont rares, constate M. Lakkos qui fait partie de «la dernière génération» qui récoltera les pistaches à Egine. «La tradition va se perdre», prédit-il désolé. Anna Maria JAKUBEK © Agence France-Presse -
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